Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 13 décembre 2025

Le Président Sissi et le maréchal Haftar alliés en Libye

 

La rencontre entre le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi et le maréchal libyen Khalifa Haftar, tenue au Caire, s’inscrit dans une relation de dépendances réciproques que les deux pays cultivent de longue date. 

L’entretien, auquel ont également participé les plus hauts gradés du renseignement égyptien et de l’état-major de l’Armée nationale libyenne (ANL), intervient dans un contexte régional traversé par les incertitudes du chaos soudanais à la fragmentation persistante de la Libye.

Selon la présidence égyptienne, les deux hommes ont réaffirmé la « profondeur » et la « spécificité » des liens bilatéraux. Mais derrière les formules diplomatiques affleure une convergence stratégique assumée : l’Égypte voit dans l’ANL un rempart essentiel à sa sécurité frontalière, tandis que Khalifa Haftar continue de s’appuyer sur Le Caire, soutien politique et militaire constant depuis l’éclatement de la crise libyenne en 2014.

Le Caire réaffirme son soutien sans réserve à l’ANL

Abdel Fattah Al-Sissi a renouvelé son appui à « l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale » de la Libye. Une position classique pour la diplomatie égyptienne, qui n’a cessé de plaider pour la mise à l’écart des milices et des forces étrangères présentes dans le pays. L’Égypte craint depuis longtemps l’enracinement de groupes armés proches de ses adversaires régionaux Turquie ou Qatar dans l’ouest libyen, susceptible de reconfigurer l’équilibre sécuritaire à ses portes.

En retour, le maréchal Haftar a exprimé sa reconnaissance au rôle du Caire, saluant l’implication personnelle du président égyptien dans la « restauration de la stabilité » en Libye. La formule, soigneusement choisie, vise autant à conforter l’alliance qu’à rappeler l’impossibilité pour l’ANL d’imposer seule un règlement militaire.

L’Égypte pousse à un compromis politique encadré

Le porte-parole de la présidence égyptienne, Mohamed Al-Shennawi, a souligné que Le Caire soutenait toutes les initiatives visant à relancer un processus politique « complet », incluant la tenue simultanée d’élections présidentielle et législatives. Une position qui reflète le souhait égyptien de stabiliser un système institutionnel susceptible d’intégrer l’ANL comme un pilier de l’armée nationale future.

Cette approche, qui privilégie une sortie de crise ordonnée plutôt qu’une recomposition révolutionnaire, place l’Égypte en médiateur intéressé, cherchant à canaliser les ambitions des différents acteurs libyens tout en préservant ses propres leviers d’influence.

Le spectre soudanais au cœur des discussions

La dégradation rapide du conflit au Soudan, voisin commun des deux pays, a occupé une place majeure dans l’entretien. Le Caire et l’administration de Haftar partagent l’inquiétude d’une contagion régionale : afflux de réfugiés, circulation d’armes, implantation de groupes armés sur les routes du désert.

Les deux parties ont insisté sur la « nécessité » de renforcer les efforts internationaux et régionaux pour parvenir à un règlement politique au Soudan, soulignant que la stabilité de ce pays est « indissociable » de leur sécurité nationale. Derrière cette affirmation, se dessine la crainte d’un arc d’instabilité s’étendant du Sahel à la vallée du Nil.

Un partenariat qui se consolide dans un paysage instable

En recevant Khalifa Haftar, Abdel Fattah Al-Sissi rappelle une constante de sa politique étrangère : la volonté de s’imposer comme pilier de sécurité en Afrique du Nord. Pour le maréchal libyen, affaibli par les divisions persistantes dans l’est libyen et la concurrence des puissances étrangères, le soutien égyptien demeure indispensable.

Cette rencontre, qui s’apparente moins à une médiation qu’à une coordination stratégique, confirme que la crise libyenne reste un enjeu majeur pour Le Caire à la fois menace potentielle et espace d’influence.

mondafrique.com

« Promesse véritable 3 » : les frappes iraniennes de la « guerre des douze jours »

 

Privée de sa première ligne de défense après avoir perdu plusieurs de ses alliés régionaux, Téhéran n’eut d’autre choix pour riposter que de recourir à son arsenal de drones et de missiles, donnant lieu entre les 13 et 24 juin 2025 à une campagne aussi intensive que riche en enseignements.

La position stratégique de la République islamique d’Iran s’est gravement détériorée depuis le 7 octobre 2023 avec l’affaiblissement tant du Hamas et du Jihad islamique à Gaza, désormais réduits à mener des tirs sporadiques de roquettes et des embuscades ponctuelles contre les forces israéliennes, que du Hezbollah libanais. La déroute du pouvoir baasiste en Syrie est venue couronner le tout non seulement en empêchant le réarmement rapide du Hezbollah, mais aussi en ouvrant aux Israéliens un couloir aérien désormais non contrôlé menant, via l’Irak, vers l’ouest de l’Iran. De fait, les Israéliens s’étaient empressés de détruire les dépôts d’armes lourdes, et tout particulièrement de systèmes antiaériens, abandonnés par le régime déchu (1).

Corps des Gardiens de la révolution islamique – force aérospatiale

Téhéran dépendait donc avant tout de son arsenal de missiles balistiques et d’OWA-UAV (One-way attack – Unmanned aerial vehicle) pour dissuader une attaque de Tel-Aviv. Le déploiement des premiers et de la majorité des seconds relevait de la force aérospatiale du Corps des Gardiens de la révolution islamique (FA‑CGRI), forte de 15 000 à 20 000 hommes à la fin de 2024 et subdivisée en cinq commandements. Celui de la défense aérienne, opérant en coordination avec le réseau antiaérien mis en œuvre par l’armée régulière, était doté d’un vaste éventail de systèmes antiaériens modernes, de conception nationale ou russe. Le commandement des opérations aériennes chapeaute quant à lui la petite flotte d’avions et d’hélicoptères du Corps, mais ses capacités offensives demeurent marginales avec une dizaine de Su‑22M4 et autant de Tucano. Un troisième commandement est spécifiquement chargé des activités spatiales. Il est crédité depuis 2009 de la mise en orbite réussie de plusieurs satellites d’observation et de télécommunications à l’aide de lanceurs nationaux.

Commandement des missiles

Les deux derniers commandements mettent en œuvre les moyens de frappes à longue portée du Corps. Celui des drones dispose d’une flotte de drones MALE (Moyenne altitude, longue endurance) de différents types ainsi que de vastes quantités d’OWA‑UAV, du Shahed‑107 au Shahed‑136 ou encore le plus récent Shahed‑238, propulsé par un microréacteur et dont les performances se rapprochent de celles des missiles de croisière également alignés par le Corps. L’Artesh, soit l’armée régulière, aligne également ses propres OWA‑UAV de la série des Arash. Enfin, le commandement des missiles opérait un vaste éventail de missiles balistiques à courte (jusqu’à 1 000 km) et à moyenne portée (jusqu’à 2 000 km et donc capables de frapper Israël) appartenant à plusieurs générations différentes, dont les plus récentes incluaient des engins hypersoniques ou à têtes manœuvrantes spécifiquement conçus pour percer les défenses antimissiles adverses (2). Estimé à 2 500 missiles par les Israéliens à la fin du printemps 2025, cet arsenal était mis en œuvre par au moins six brigades opérant depuis une vingtaine de complexes souterrains comprenant pour certains des chambres de lancement et abritant par ailleurs près de 400 lanceurs mobiles. Ce dernier commandement s’était montré capable de tirer en quelques minutes au moins 115 missiles balistiques le 14 avril 2024 puis près de 200 le 1er octobre (3).

Mosaïque

Faute de pouvoir se doter d’un appareil militaire conventionnel capable de faire jeu égal avec ceux des États-Unis et d’Israël, les Gardiens ont adopté au début des années 2000 la doctrine dite de la mosaïque, prônant la dispersion et la décentralisation de leurs moyens tout en privilégiant le recours à des modes d’action asymétriques (4). Celle-ci se traduisit pour la force aérospatiale par le développement et la mise en service de plusieurs systèmes antiaériens particulièrement discrets, à l’instar du « 358 » un missile – drone anti – MALE, car leurs séquences d’engagement ne peuvent être réalisées qu’au moyen de systèmes électro – optiques avec pour effet de les rendre particulièrement aptes à mener une forme de guérilla antiaérienne. Afin de faire face à une supériorité aérienne ennemie considérée comme inévitable, la force aéro-spatiale enterra et fortifia une grande partie de ses infrastructures névralgiques tout en donnant à ses lanceurs mobiles de drones et de missiles une apparence aussi anodine que possible afin de pouvoir les dissimuler au sein du trafic routier civil, ainsi qu’en recourant à un usage massif de leurres (5).

« Promesse véritable 3 »

Les frappes menées par la force aérienne israélienne et le Mossad durant les premières heures du 13 juin surprirent totalement Téhéran et eurent un impact dévastateur sur la FA‑CGRI, notamment parce que plusieurs de ses dirigeants, y compris son chef, Amirali Hajizadeh, ainsi que Taher Pour et Dawud Schaichian, chargés, respectivement, des drones et de la défense aérienne, furent tués alors qu’ils étaient en réunion. Dans le même temps, une partie des frappes aériennes, qui n’allaient plus s’interrompre jusqu’au matin du 24 juin, cibla les infrastructures des forces de missiles et de drones, les entrées et sorties des complexes fortifiés étant régulièrement visées, tandis que les groupes infiltrés et les drones MALE israéliens traquaient les lanceurs de missiles balistiques. Les Israéliens annoncèrent ainsi la destruction de 180 lanceurs de missiles balistiques durant la guerre, dont un tiers fit l’objet d’une confirmation visuelle (6).

Ainsi, en lieu et place de la série planifiée de salves rapprochées incluant un millier de drones et de missiles, le Corps ne put lancer qu’une centaine d’OWA-UAV dans la journée du 13 juin, et ce ne fut que dans la soirée qu’il se trouva en mesure de lancer deux volées de missiles balistiques espacées d’une demi – heure, ce qui constitua le début de l’opération « Promesse véritable 3 ». Celle-ci se poursuivit les 11 jours suivants avec le lancement de 22 vagues correspondant au tir d’entre 533 et 591 missiles balistiques et d’environ 1 100 OWA-UAV. Les premières salves de missiles s’avérèrent relativement massives, avant que les Gardiens ne changent de mode opératoire en alternant le tir de volées plus réduites incluant de 10 à 40 engins balistiques avec des lancements isolés ou comprenant de 2 à 5 missiles.

S’il diminuait l’effet de saturation des défenses adverses, ce changement réduisit l’exposition des lanceurs et rendit la détection des préparatifs de lancement plus difficile. Par conséquent, les préavis d’alerte prodigués aux populations israéliennes se réduisirent à 10 minutes au lieu de 15 à 30. En sus, les Iraniens s’efforcèrent de compliquer la tâche de l’adversaire en déployant des modèles inusités avec par exemple le tir de Fateh et de Sajjil le 18 juin, ceux-ci s’ajoutant aux Emad, Gadhr et Keibhar Shekan utilisés jusque-là, ou encore en usant au sein des mêmes salves de missiles aux caractéristiques différentes, avec un certain succès puisque la proportion des projectiles passant au travers des défenses s’accrut à partir du 15 juin. S’y ajoutèrent les lancements d’OWA-UAV, utilisés avant tout pour maintenir l’adversaire sous une pression constante. La majorité d’entre eux transita par la Syrie afin de pénétrer l’espace aérien israélien par le nord en mettant à profit le couvert offert par l’Anti – Liban et la chaîne du Liban pour masquer leur approche, tandis que les autres transitèrent par l’espace aérien jordanien afin de déboucher sur le centre et le sud d’Israël, leur arrivée devant dans certains cas coïncider avec celle des missiles (7).

Contre-force ou contre-valeur ?

Si les Israéliens firent état du nombre de missiles et de drones tirés, ils censurèrent, sécurité opérationnelle oblige, toute information sur les impacts contre leurs sites militaires, au contraire de ceux intervenus dans des zones habitées. Ne subsistent dès lors pour évaluer le ciblage que les communiqués émis par les Gardiens de la révolution ainsi que les analyses OSINT faites sur la base des images disponibles, la relative imprécision des modèles les plus anciens de missiles iraniens, avec une probabilité d’erreur circulaire de plusieurs centaines de mètres, compliquant encore plus l’exercice (8).

Les premières salves iraniennes semblent ainsi s’être inscrites dans une dynamique de contre – force puisque parmi les objectifs figuraient les bases aériennes de Nevatim, de Tel Nof et d’Ovda, le quartier général du ministère de la Défense à Tel-Aviv et plusieurs batteries antimissiles. Cet effort se poursuivit, de nouvelles attaques contre les bases aériennes et les batteries antimissiles ainsi que contre des centres de commandement et des sites appartenant au Mossad et au renseignement militaire ayant été revendiquées par la suite. Une seconde dimension, de contre – valeur cette fois, s’ajouta rapidement à la première puisque les Gardiens eux – mêmes revendiquèrent avoir ciblé, en représailles à des frappes israéliennes similaires en Iran, la raffinerie de Haïfa, la centrale électrique d’Ashdod, l’industriel de défense Rafael, l’institut Weizmann des Sciences, des entreprises du secteur des technologies de l’information liées à la défense, le centre des affaires de Ramat Gan et l’aéroport international Ben Gourion, tout en restant discrets sur les impacts provoqués dans des zones résidentielles et sur l’hôpital Soroka ou sur l’usage de trois missiles ayant chacun largué à 7 000 m d’altitude une vingtaine de sous-munitions de quelques kilos à la précision très relative (9).

Duel de munitions

Tsahal a confirmé directement après la guerre l’impact de 36 missiles et affirmé que 86 % des missiles avaient été interceptés, attestant ainsi de l’efficacité des défenses protégeant Israël, comprenant six batteries d’Arrow‑2 et d’Arrow‑3, au moins deux de David Sling et deux de THAAD, ainsi que plusieurs destroyers américains. Dans le même temps, d’autres sources israéliennes firent état de plus de 63 impacts, dont au moins 30 correspondaient à des ogives uniques et trois à des ogives à sous-munitions, sans que l’on sache pour autant comment ont été comptabilisés les missiles se dirigeant vers des zones désertes, délibérément ignorés par les protocoles d’interception. Selon Tsahal, la proportion de ces derniers atteignait 25 % dans la nuit du 13 au 14 juin 2025.

En sus, l’absence d’informations relatives aux frappes sur les sites militaires contribue également à rendre problématique l’établissement d’une vision d’ensemble quant à l’efficacité des tirs de missiles iraniens ou de celle des défenses antibalistiques. L’incertitude relative à l’état des stocks d’intercepteurs alors disponibles demeure et avec elle le niveau de contrainte en termes de priorisation des cibles imposée aux opérateurs de batteries, les Israéliens estimant en revanche que les Iraniens ne disposaient plus que de 1 000 à 1 500 missiles balistiques à l’issue de la guerre, nombre d’entre eux ayant été détruits au sol. Il semble par conséquent hasardeux de déterminer lequel des deux adversaires voyait l’attrition jouer en sa faveur au moment du cessez – le-feu, quand bien même l’amiral James Kilby attestait que les destroyers américains avaient tiré leurs intercepteurs SM‑3 et SM‑6 « à une cadence alarmante » tandis qu’un comptage visuel très partiel révélait le tir de 39 missiles THAAD, un chiffre à mettre en regard des 799 intercepteurs qui avaient été livrés au 1er octobre 2023 à l’armée américaine et aux clients exports depuis leur mise en production (10).

L’évaluation s’avère autrement plus facile pour les OWA-UAV, détruits pour moitié, avec l’aide des forces américaines, britanniques, françaises, jordaniennes et saoudiennes, tout au long de leur long vol vers Israël, le solde étant neutralisé, outre la chasse désormais appuyée par des hélicoptères AH‑64, par la défense antiaérienne et des actions de guerre électronique. Le tout aboutit à la neutralisation de la quasi – totalité des drones, un seul impact contre une habitation ayant été recensé. Leur grand mérite se sera donc limité à contraindre les pilotes israéliens à mener un grand nombre de sorties et à leur imposer de consommer en quantité des missiles air-air dont le coût est très supérieur à celui du drone qu’ils abattent (11).

Quel bilan ?

Le mystère demeure quant aux effets des frappes de contre – force iraniennes quand bien même les attaques contre les bases aériennes ne semblent pas, de prime abord, avoir diminué le tempo opérationnel de la force aérienne israélienne. Tsahal n’a fait état que de sept militaires blessés au cours d’une frappe iranienne alors que, début juillet, une analyse partielle d’imagerie satellitaire attestait d’impacts de missiles sur cinq bases militaires.

En revanche, il est avéré que les 33 impacts documentés correspondant à des frappes de contre – valeur ont tué 28 personnes et en ont blessé 3 508 autres ; jusqu’à 15 000 Israéliens ont dû être déplacés du fait de la perte définitive ou temporaire de leur logement ; la raffinerie de Haïfa a été mise à l’arrêt et plusieurs pannes d’électricité ont frappé des régions entières du pays. Le 24 juin déjà, le montant des dommages en bien matériels, principalement immobiliers, infligés en douze jours était évalué à plus de 1,32 milliard de dollars, soit près du double de ceux causés par les attaques émanant de la bande de Gaza et du Sud du Liban en un an et demi. Surtout, les mesures de défense passive ont lourdement pesé sur la vie nationale puisqu’elles ont induit la fermeture des écoles ainsi que de nombreuses entreprises, la population se voyant contrainte de limiter ses activités et de demeurer à proximité d’abris alors que des alertes ont résonné à 21 000 reprises sur le territoire israélien durant ce laps de temps (12).

Dans ce contexte encore incertain, il apparaît que le premier enseignement indéniable qui émerge de la « guerre de douze jours » est l’importance du rôle joué par les abris et les fortifications. Ce constat s’applique d’abord sur le plan civil puisque les immenses investissements consentis par les Israéliens depuis le traumatisme des tirs de missiles irakiens en 1991 dans la mise en place d’abris collectifs et de pièces sécurisées à l’intérieur des habitations ont permis de réduire significativement le coût humain des impacts. Il en va de même sur le plan militaire. D’une part, les « cités des missiles » enterrées ont permis aux Gardiens de continuer à opérer malgré la supériorité aérienne et informationnelle de l’adversaire alors que, d’autre part, le très haut niveau de durcissement des bases aériennes israéliennes n’a pu que contribuer à la permanence de leur activité.

C’est inévitablement l’action des complexes antimissiles qui aura le plus retenu l’attention, et ce tout particulièrement à un moment où plusieurs pays européens renforcent leurs capacités en la matière. Il est cependant certain que la pression maintenue sur les équipes et les infrastructures de lancement par l’action conjuguée des équipes au sol du Mossad et des forces spéciales, et des tirs à longue portée de l’aviation ainsi que par la présence récurrente de drones MALE armés – ces derniers seraient responsables de 530 frappes sur les 900 menées par la force aérienne israélienne durant la guerre – a considérablement entravé leur action et donc limité le nombre d’objectifs que la défense antimissile a dû traiter. Dans le même temps, ces moyens affectés à la neutralisation du potentiel offensif ennemi n’ont pas pu être consacrés à l’attaque d’autres objectifs en Iran, confirmant ainsi que l’attaque demeure bien souvent la meilleure des défenses.

Notes

(1) Emanuel Fabien, « “The stars aligned”: Why Israel set out for a war against Iran, and what it achieved », The Times of Israel, 27 juin 2025.

(2) Pour un aperçu des types de missiles iraniens et l’histoire de leur développement, voir Joseph Henrotin, « L’Iran, puissance de l’échange aérobalistique », Défense & Sécurité Internationale, no 170, mars-avril 2024 et Adrien Fontanellaz, « Proche-Orient et Moyen-Orient : missiles dans la nuit », Défense & Sécurité Internationale, hors-série no 97, août-septembre 2024.

(3) Sont identifiées en sources ouvertes les 5e, 7e, 15e, 16e, 19e et 23e groupes ou brigades de missiles. Sur la FA-CGRI, voir Boaz Shapira, « Alma Special Report: Islamic Revolutionary Guard Corps Aerospace Force (IRGC-ASF) », Alma Research and Education Center, 12 novembre 2024 ; National Council Resistance of Iran, Iran’s Balistic Buildup, 2018 et « The IRGC Aerospace Force », Iranwire, 9 avril 2019 ; « Operation Rising Lion: War Dashboard », The Institute for National Security Studies (INSS), consulté le 29 juin 2025. Tal Schneider, « How effective was Iran’s attack? The Israeli public doesn’t have the full picture », The Times of Israel, 6 octobre 2024.

(4) Oral Toga, « Iran’s Decentralized Structure and Challenges for Israel », Center for Iranian Studies, 30 octobre 2023.

(5) Farnaz Fassihi, « Miscalculation by Iran led to Israeli strikes’ extensive toll: Officials » , The New York Times, 13 juin 2025 ; Emanuel Fabien, art. cité, 27 juin 2025.

(6) Comptage via le compte X Elmustek, consulté le 29 juin 2025.

(7) Farnaz Fassihi, « Miscalculation by Iran led to Israeli strikes’ extensive toll: Officials », art. cité ; « True Promise III: Iran unleashes several new-generation missiles in fresh wave », PressTV, 23 juin 2025 ; « IRGC: Iran sends a message to US with its new advanced missile », Mehr News Agency, 18 juin 2025 : Héloïse Fayet et coll., « L’Iran face à ses limites : 10 points sur les causes structurelles d’une cassure tactique », Le Grand Continent, 30 juin 2025 ; Paul Nuki et Ben Butcher « Iran struck five Israeli military bases during 12-day war », The Telegraph, 5 juillet 2025.

(8) « Toutes les salves de missiles balistiques lancées par l’Iran sur Israël », Haaretz, consulté le 29 juin 2025 ; Decker Eveleth, « The 12 Day War, Part II: Iran’s Missile Force Performance », horsdoeuvreofbattle​.blog, 22 juillet 2025. Pour les analyses OSINT, voir par exemple le compte X Egypt’s Intel Observer et celui de Tal Inbar.

(9) Par exemple, « The Islamic Revolution Guard Corps (I.R.G.C.) has warned that Iran’s military response will escalate if Israeli hostilities persist » et « IRGC Statement: Intelligence Chief Martyred in Israeli Strike », Iran Press News Agency, 15 juin 2025 ; « Mossad Center Hit in Iran’s Strike: IRGC » et « Drones Take Lead in New Stage of Iran’s Attacks on Israeli Targets », Tasnim News Agency, 17 et 21 juin 2025 ; « Iran attacks Israeli airbases in latest missile attack », « IRGC says hit Israel’s military centers, defense industrie » et « Iran pounds Israel’s Rafael company in Haifa attack », Mehr News Agency, 18 et 20 juin 2025 ; « True Promise III: A massive missile, drone barrage rips through occupied territories » et « IRGC says 14 strategic Israeli military sites hit in 18th phase of True Promise III », PressTV, 19 et 21 juin 2025 ; Avi Scharf et Bar Peleg, « 500 Missiles, 200 Interceptors, 1,5 billion Dollars: Numbers Behind Iran’s Attacks on Israel », Haaretz, 1er juillet 2025.

(10) Jake Epstein, « US Navy warships picked up multiple new Iranian ballistic missile kills in the latest defense of Israel », Business Insider, 30 juin 2025 ; « Final Situation Report | “Rising Lion”, Israel-Iran War », David Institute for Policy and Strategy, 26 juin 2025 ; Sam Lair, « Exhaustion and Inflection: Estimating Interceptor Expenditures in the Israel-Iran Conflict », Arms Control Wonk, 24 juin 2025 ; Congressional Research Service, « The Terminal High Altitude Area Defense (THAAD) System », 7 octobre 2024.

(11) À noter que les bilans globaux diffèrent d’une source israélienne à une autre, parfois significativement. L’Alma Research and Education Centre fait par exemple état de 525 missiles balistiques tirés, dont 86 % auraient été interceptés, les 50 à 60 impacts en résultant ayant causé la mort de 28 citoyens et en ayant blessé 1 472 autres, dont 1 399 légèrement, tout en endommageant 2 305 appartements privant ainsi de logement 13 197 Israéliens ; 982 drones auraient été détruits sur les plus de 1 000 tirés, les autres ayant souffert de dysfonctionnements.

(12) Emanuel Fabien, « The Israel-Iran war by the numbers, after 12 days of fighting » et Zev Stub, « Cost of damages from Iran war forecast at double October 7 and ensuing attacks », The Times of Israel, 25 et 24 juin 2025.

Adrien Fontanellaz

areion24.news

Les vrais objectifs de Trump derrière le possible retrait de quatre pays de l'UE

 

«Notre objectif devrait être d'aider l'Europe à corriger sa trajectoire actuelle.» Telle est la nouvelle stratégie de sécurité de l’administration Trump. Ce que signifie concrètement cette idée est devenu plus clair cette semaine. Sous le slogan «Make Europe Great Again», les Etats-Unis veulent «faire sortir» quatre pays européens de l'UE afin de coopérer plus étroitement avec. «Leur indépendance et leurs modes de vie européens traditionnels» doivent être préservés. 

C'est en tout cas ce qui ressort d'un document secret. Il s'agit de l'Autriche, de l'Italie, de la Hongrie et de la Pologne. Mais pourquoi ces pays? Quels sont les projets de Donald Trump? Aperçu des principales questions et réponses.

Quel est l'objectif de Washington?

«D’un point de vue neutre, il s’agit de l’approche classique d’une tentative de changement de régime. Dans ce cas précis, cependant, l’objectif n’est pas nécessairement d’opérer un changement dans les pays concernés, mais plutôt de les instrumentaliser afin de réorienter l’UE ou de l’affaiblir considérablement», explique à Blick Klemens Fischer, professeur de géopolitique à l’Université de Cologne. En d'autres termes, Donald Trump souhaite saper l’unité européenne et, par conséquent, restreindre la capacité d’action de l’UE.

Pour Remo Reginold, président du Swiss Institute for Global Affairs (SIGA), il s'agit de la dernière tentative en date pour présenter les Etats-Unis comme une nation puissante. «Pendant longtemps, la Chine a dominé le discours géopolitique, et l'on ne parlait que de sa puissance. Avec les droits de douane, avec le Venezuela, et maintenant avec la proposition controversée concernant l'UE, l'Amérique de Trump veut s'accaparer le devant de la scène politique mondiale», estime l'expert en géopolitique, interrogé par Blick. En même temps, c'est un test pour voir jusqu'où Donald Trump peut aller.

Pourquoi ces quatre pays?

Klemens Fischer: «A première vue, le choix de ces pays semble surprendre. Mais, à y regarder de plus près, la Hongrie se justifie d'une part par les liens étroits du gouvernement Orbán avec l'administration Trump. Et, d'autre part, par les difficultés de Budapest avec Bruxelles. Ce qui en fait un très bon candidat.»

La Pologne dépend certes des fonds européens, mais sa protection contre la Russie est actuellement assurée par l'armée américaine. L'Italie, en revanche, ne correspond pas vraiment à ce schéma. Selon Klemens Fischer, la relation entre Donald Trump et la Première ministre italienne Giorgia Meloni est largement surestimée, même si le président américain l'avait draguée lors d'un sommet sur Gaza. Le spécialiste ajoute: «L'Italie est bien trop consciente de sa position géostratégique en Europe pour renoncer à cette intégration. D'ailleurs, Meloni ne franchirait pas ce pas non plus.»

Parmi les quatre pays mentionnés, c'est l'Autriche qui surprend le plus le professeur de géopolitique. «Elle n'est pas connue pour être particulièrement favorable aux Etats-Unis. C'est plutôt la neutralité autrichienne qui prime. Vienne ne joue pas non plus un rôle suffisamment important en matière de politique de sécurité qu'elle pourrait quitter l'UE face aux sirènes américaines.»

Pourtant, ces quatre pays ont un point commun: «Ils sont réputés pour ne pas être favorables à l’accueil des migrants.» Un point qu’ils partagent avec l’administration Trump. Et Klemens Fischer de poursuivre: «De plus, tous ces pays comptent des partis politiques d’extrême droite importants, même si aucun d'entre eux n’est actuellement au pouvoir en Pologne et en Autriche.»

Ces quatre pays peuvent-ils quitter l'UE?

Le président de SIGA, Remo Reginold, juge improbable un retrait complet de l'UE. «Mais la formation de groupes informels soutenant l'hégémonie américaine et adoptant une approche plus pragmatique sur la scène internationale est tout à fait envisageable.» La Chine a déjà tenté une telle expérience et, avec son format de «coopération 16+1», a intensifié ses relations commerciales avec les pays d'Europe de l'Est. 

Trump peut-il encore affaiblir l'UE?

Le simple fait que l'on parle de l'idée des Etats-Unis peut déjà être perçu comme un succès pour l'administration Trump, estime Remo Reginold. Il s'agit de «normaliser de telles questions. Avec ces propos, les gens se mettent à réfléchir à un départ. Cela pourrait créer un précédent dans ces pays, avec des conséquences incertaines à long terme, comme on l'a vu au Royaume-Uni».

Klemens Fischer ajoute: «La richesse des Etats membres de l’UE diminue et les mesures d’austérité sont inévitables. Le conflit ukrainien représente un fardeau financier considérable et, bien que la majorité de la population soutienne toujours Kiev, le soutien s'effrite également.» La confiance envers ses propres gouvernements n’est plus aussi forte qu’auparavant. En Allemagne, aucun chancelier n’a jamais connu un taux d’approbation aussi bas. «Les partis populistes d'extrême droite, qui attirent de plus en plus d'électeurs, contribuent à ce sentiment d’insécurité.»

Néanmoins, il est peu probable que les Etats-Unis parviennent à inciter ces quatre pays à quitter l'Union européenne. «Ni Donald Trump ni Elon Musk ne jouissent d’une confiance et d’une popularité suffisantes en Europe pour influencer durablement et significativement les élections, explique Klemens Fischer. Et tant que des élections libres seront organisées en Europe, c'est la seule façon de provoquer un changement de régime.»

Johannes Hillig

blick.ch

Un rapport du Pentagone alerte: la Chine pulvériserait l'armée américaine

 

Une évaluation top secrète du gouvernement américain provoque un choc à Washington. Ce document hautement classifié conclut que la Chine l’emporterait sur les forces américaines en cas de guerre autour de Taïwan.

Selon le «New York Times», des simulations menées par le Pentagone montrent que Pékin pourrait anéantir une partie majeure de l’arsenal américain déployé dans la région: porte-avions, navires de guerre, systèmes antimissiles, voire réseaux satellitaires. Les Etats-Unis, trop dépendants d’armes coûteuses et sophistiquées, peineraient à rivaliser avec la capacité chinoise à produire en masse des systèmes plus simples et bien moins chers.

Le rapport va plus loin: la Chine aurait désormais la capacité de neutraliser des atouts américains critiques dès les premières heures d’un conflit, avant même que les forces américaines n’atteignent Taïwan. Cette mise en garde intervient alors que Pékin a appelé Washington à faire preuve de «la plus grande prudence» sur la question taïwanaise.

Un arsenal en pleine expansion

Transmis l’an dernier à la Maison Blanche, le document relève l’essor fulgurant des capacités militaires chinoises. Pékin disposerait de vastes réserves de missiles accumulées sur 20 ans, un avantage qui placerait les forces américaines en position défavorable dans la région indo-pacifique.

L’évaluation évoque notamment un arsenal d’environ 600 armes hypersoniques, «capables d’atteindre cinq fois la vitesse du son et difficiles à intercepter». Lors de la présentation d'une ancienne version du briefing en 2021, un haut responsable de la sécurité nationale de Joe Biden aurait «pâli», confie un témoin, en découvrant que «chaque atout que nous avions dans notre manche, les Chinois l’avaient en plusieurs exemplaires, avec des systèmes de secours à répétition».

Des systèmes américains dépassés

Même le porte-avions USS Gerald R. Ford, fleuron de la flotte américaine mis en service en 2022 et facturé 13 milliards de dollars, ne serait pas en mesure de survivre à une attaque chinoise. Et ce, malgré les nouvelles technologies, notamment des réacteurs nucléaires.

Conçu pour dominer des adversaires moins puissants, son système de défense serait «fatalement vulnérable aux nouvelles formes d’attaque», selon l’évaluation. Le rapport souligne aussi l’incapacité actuelle des Etats-Unis à produire armes et munitions au rythme nécessaire pour soutenir un conflit prolongé face à une grande puissance.

Des simulations alarmantes

Les avertissements ne datent pas d’hier. Lors d’exercices militaires internes simulant une confrontation avec la Chine, le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, avait déjà résumé la situation: «Nous perdons à chaque fois.» Il prédisait que des missiles hypersoniques chinois pourraient détruire un porte-avions en quelques minutes.

Washington est en outre fragilisé par l’épuisement de ses stocks d’armes, déjà mobilisés pour le soutien à l’Ukraine et à Israël. Le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan avait d’ailleurs averti que les Etats-Unis seraient rapidement à court de munitions essentielles en cas de guerre contre la Chine.

Vers un conflit en 2027?

La Chine considère Taïwan comme une partie inséparable de son territoire et affirme que la réunification doit avoir lieu, y compris par la force si nécessaire. Taïwan, de son côté, se pose en nation souveraine.

Même si Pékin n’a annoncé aucun calendrier, plusieurs services de renseignement occidentaux estiment que la Chine pourrait se préparer à tenter une prise de contrôle de l’île vers 2027. Une date qui coïncide avec les objectifs de modernisation militaire fixés par Xi Jinping.

Solène Monney

blick.ch

Les États-Unis sont une menace pour le Danemark, selon son service de renseignement

 

C’est une première. Jamais encore les renseignements militaires danois n’avaient exprimé aussi clairement leurs inquiétudes concernant les États-Unis dans leur évaluation annuelle des menaces. Dans un rapport de 64 pages intitulé "Udsyn 2025" et publié ce mercredi 10 décembre, le service de renseignement de la défense danois (FE) ne se contente pas, cette année, de décrire uniquement la menace russe ou la montée en puissance de la Chine : il s’attarde sur la politique américaine menée par Donald Trump. Un nouveau facteur d’incertitudes dont se préoccupe le FE.

Les Etats-Unis "n’excluent plus le recours à la force militaire" contre leurs alliés

"Les Etats-Unis utilisent leur puissance économique, y compris la menace de droits de douane élevés, pour imposer leur volonté, et n’excluent plus le recours à la force militaire, même contre leurs alliés", peut-on lire dans le document.

Ce rapport est également l’occasion pour le FE d’évoquer l’intensification des activités militaires dans l’Arctique qui, selon lui, rappelle les inquiétudes partagées depuis plusieurs années par les dirigeants européens face à la doctrine "America First".

Le rapport note aussi que l’attention croissante portée par Washington à la concurrence stratégique avec la Chine "crée une incertitude quant à son rôle de principal garant de la sécurité en Europe". Autrement dit, un pivot américain vers l’Asie pourrait affaiblir la protection dont bénéficie historiquement le continent.

Dans une interview accordée au journal de centre-gauche danois Politiken, le directeur du FE, Thomas Ahrenkiel, a justifié le choix d’inclure les Etats-Unis dans le rapport : Ils "ont été le garant de notre sécurité pendant des générations, ce qui accroît l’incertitude en matière de politique de sécurité. […] La situation est grave, c’est pourquoi nous nous efforçons davantage de décrire et d’analyser cet aspect", explique-t-il. Le directeur a toutefois souligné dans ses déclarations publiques que les Etats-Unis restaient le "partenaire et allié le plus proche" du Danemark, malgré le ton de plus en plus hostile de l’administration Trump.

Ces propositions d’achat du Groenland qui ont semé la discorde

Ce rapport paraît dans un climat tendu entre les Etats-Unis et l’Europe. Parmi les nombreuses discordes, la demande insistante de Donald Trump d'"acquérir" le Groenland a crispé les responsables danois. Une demande répétée, assortie de déclarations affirmant que le président américain obtiendrait l’île "d’une manière ou d’une autre". Pour Copenhague, l’épisode a révélé combien les priorités américaines pouvaient déstabiliser même les plus anciens alliés, selon le rapport.

L’an dernier, le gouvernement avait même convoqué le chef de l’ambassade américaine après des allégations d'"opérations d’influence secrètes" au Groenland, menées par trois Américains liés à Donald Trump. Aucune identité n’a été révélée, mais ces accusations faisaient suite à des informations selon lesquelles les services de renseignement américains avaient été encouragés à renforcer leur présence dans la région.

La semaine dernière, l’administration Trump publiait un document sur sa stratégie de sécurité nationale dans lequel elle appelait les pays européens à assumer la "responsabilité principale" de leur propre défense. Et ce, avant d’ajouter que l’Europe risquait la "disparition de sa civilisation".

lexpress.fr