L'effet de surprise opérationnelle étant un atout fondamental, leur désignation explicite contredit leur logique même.
Sur le plan strictement militaire et opérationnel, la déclaration de Donald Trump semble présenter une portée très limitée. Le déploiement de sous-marins nucléaires d’attaque ou lanceurs d’engins dans des zones stratégiques fait déjà partie des postures permanentes de dissuasion des États-Unis, fondées sur le principe de la permanence à la mer. En d’autres termes, des unités sont déjà en patrouille dans toutes les régions clés du globe, y compris (peut-être) à proximité de la Russie, sans qu’il soit nécessaire de l’annoncer publiquement.
Quels sont les principes qui sous-tendent la posture nucléaire américaine? La composante sous-marine de la triade nucléaire des États-Unis repose sur le maintien permanent en mer de plusieurs sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SSBN), invisibles, dispersés et prêts à riposter à tout moment. Actuellement, la Marine américaine aligne 14 SSBN de classe Ohio, chacun capable d’emporter jusqu’à 20 missiles balistiques Trident II D5LE, eux-mêmes dotés de têtes nucléaires à charge variable, assurant une flexibilité d’emploi et une capacité de frappe massive ou limitée selon les scénarios envisagés.
En pratique, environ un tiers de la flotte est en patrouille à tout instant, dans des zones de déploiement soigneusement tenues secrètes. Ce dispositif vise à garantir la résilience de la seconde frappe en cas d’attaque nucléaire surprise et à conférer aux États-Unis une posture de dissuasion à la fois stable, crédible et furtive. Héritée de la Guerre froide, cette stratégie vise avant tout à décourager toute tentative de décapitation stratégique, en rendant l’anéantissement de la force de riposte pratiquement impossible.
À rebours des principes traditionnels de la dissuasion, fondés sur la sobriété et l’ambiguïté maîtrisée, Trump semble instrumentaliser l’arsenal nucléaire comme vecteur de communication politique, à l’instar de ce que fait le Kremlin dans ses campagnes de pression psychologique. Ce mimétisme stratégique, s’il devait se confirmer, contribuerait à banaliser le recours au registre nucléaire dans des séquences de tensions politiques. Au risque d’éroder les lignes rouges tacites qui ont jusqu’ici permis d’éviter les dérapages incontrôlés.
Effritement des normes, logiques brutales de puissance, retour du fait accompli: l’ensauvagement stratégique recourt à des masques multiples. L’activation publique du levier nucléaire par un président américain, même sous forme de signal, participe de cette dynamique préoccupante qui affaiblit les mécanismes de stabilité stratégique construits après la Guerre froide.
Vendredi dernier, Donald Trump a annoncé l'envoi de deux sous-marins nucléaires en direction de la Russie, en réponse aux propos «stupides et incendiaires» de l'ex-président russe Dmitri Medvedev. Les deux hommes s'étaient auparavant livrés à un échange houleux sur les réseaux sociaux pendant plusieurs jours. La raison de cette querelle en ligne? L'ultimatum donné à la Russie pour mettre fin à sa guerre en Ukraine a été réduit à dix jours.
L'ex-conseiller à la sécurité de Donald Trump, John Bolton, a critiqué la méthode utilisée par son ancien patron dans une interview accordée à la chaîne américaine CNN. Le président américain ne semble apparemment pas comprendre «comment fonctionnent les sous-marins nucléaires». Ces navires ne resteraient pas à quai. Ils navigueraient «en permanence et sur la base d'une feuille de route secrète» dans les océans du monde. «Ils sont donc déjà là-bas» et ne devraient pas être envoyés comme l'a suggéré le président américain.
l'US Navy détient 71 sous-marins nucléaires
Mais comment fonctionnent exactement ces sous-marins nucléaires? Un sous-marin nucléaire est propulsé par un petit réacteur nucléaire qui produit de l'énergie électrique de manière quasi illimitée. Contrairement aux sous-marins à moteur diesel, ils ne remontent à la surface que pour embarquer des vivres ou changer d'équipage.
Il existe par ailleurs deux types de sous-marins nucléaires. Les petits sous-marins à propulsion nucléaire, qui portent des armes conventionnelles, et les plus grands, qui sont équipés de missiles nucléaires. Jusqu'à présent, Donald Trump ne s'est pas exprimé sur le fait de savoir si les deux sous-marins nucléaires envoyés en direction de la Russie étaient armés de ces têtes nucléaires.
La flotte sous-marine de l'US Navy se compose de 71 sous-marins nucléaires au total. Parmi eux, 14 colosses de la classe Ohio sont équipés d'armes nucléaires et disposent d'une grande capacité de deuxième frappe. Ils sont considérés comme l'arme ultime des États-Unis en cas de guerre nucléaire.
Des armes ultra-puissantes
Le prix de ces appareils à l'unité s'élève à environ 2 à 2,5 milliards de dollars américains (soit jusqu'à 2 milliards de francs). Chacun de ces sous-marins nucléaires pèse 18'750 tonnes. Avec une longueur d'environ 170 mètres et une largeur de près de 13 mètres, ils offrent suffisamment de place pour 153 membres d'équipage.
Le système de propulsion dispose d'une puissance impressionnante de 60'000 CV (chevaux-vapeur) et permet une vitesse maximale d'environ 46 km/h. La profondeur de plongée est officiellement estimée à environ 240 mètres.
La Russie peut être atteinte en 10 minutes
En termes de puissance, les appareils Ohio sont dotés de 24 silos à missiles verticaux équipés de missiles intercontinentaux de haute précision. Chacun d'entre eux peut atteindre des cibles situées à plus de 11'000 kilomètres de distance.
Bien que la localisation des sous-marins nucléaires soit top secret, les experts en sécurité estiment que les submersibles pourraient naviguer dans les eaux de la mer de Barents ou de l'océan Arctique. Les missiles lancés depuis ces sites devraient pouvoir atteindre des cibles stratégiques importantes en Russie, en dix minutes seulement.
Egger Ph.