Étant donné que les trois-quarts des câbles sous-marins de l’hémisphère transitent par sa zone économique exclusive [ZEE] et qu’elle est un point faible de l’Otan [dont elle ne fait pas partie] de par la faiblesse de ses capacités militaires, l’Irlande fait régulièrement état de la présence de navires de renseignement et de sous-marins russes dans les eaux dont elle a la responsabilité.
Ces dernières années, relevant de la Direction principale de la recherche en eaux profonde [GUGI] du ministère russe de la Défense, le navire océanographique [pour reprendre son appellation officielle, nldr] Yantar, équipé de deux mini-sous-marins, a éveillé l’attention des autorités irlandaises et britanniques à plusieurs reprises, en raison de son comportement près d’infrastructures sous-marines critiques.
Cela a encore été le cas en novembre dernier, le Yantar ayant été repéré à proximité de câbles sous-marins de télécommunications et d’un gazoduc d’interconnexion en mer d’Irlande. Alors qu’il était surveillé étroitement par le patrouilleur LÉ James Joyce et un avion de surveillance maritime C295 du Corps aérien irlandais [Irish Air Corps – IAC], le navire avait mis en œuvre trois drones aériens. « Des sources de sécurité ont indiqué que l’objectif de ces appareils n’était pas clair mais que cela suscitait une certaine inquiétude », avait rapporté le quotidien Irish Times, à l’époque.
Quoi qu’il en soit, le Yantar n’est pas le seul bâtiment russe à fréquenter la ZEE de l’Irlande. Depuis quelques jours, le patrouilleur irlandais LÉ Samuel Beckett suit la trace du navire espion Viktor Leonov. Ce dernier est aussi surveillé par un C295 de l’IAC ainsi que par un avion de surveillance de la Royal Air Force basé à Lossiemouth [probablement un P-8A Poseidon, ndlr].
Selon la Radio-télévision d’Irlande [RTÉ], le « service naval irlandais a tenté de communiquer avec le Viktor Leonov pour qu’il précise ses intentions dans la zone. Mais le navire n’a pas répondu », même s’il a accusé réception du message qui lui a été adressé.
Le Viktor Leonov « n’a enfreint aucune loi maritime, mais les observations précédentes de navires de guerre similaires ont suscité des inquiétudes quant à la surveillance ou à la cartographie des infrastructures sous-marines et des câbles irlandais par la Russie », a souligné l’Irish Times.
Pour rappel, appartenant à la classe Vichnia, le Viktor Leonov est un navire affichant un déplacement d’environ 3 000 tonnes pour une longueur de 91 mètres. Armé de deux canons de 30 mm et de missiles surface air SA-N-8, il est équipé de capteurs dédiés à l’interception de signaux électromagnétiques.
En 2020, ce navire avait été repéré au large de l’Écosse. Mieux : il s’était même attardé dans le Moray Firth, où il s’était abrité lors de la tempête Aiden. Sa position ne devait rien au hasard puisqu’elle était situé à une cinquantaine de kilomètres de la base de Lossiemouth.
Sollicité par la presse, les Forces de défense irlandaise ont répondu qu’elles ne faisaient aucun commentaire sur les opérations.
A priori, selon les médias irlandais, il semblerait que le Viktor Leonov fasse route vers Cuba, une destination qu’il connaît bien pour s’y être rendu à plusieurs reprises lors de ces derniers années. Et cela pour naviguer ensuite au large de Cap Canaveral et des bases navales de Norfolk et de Kings Bay. En 2019, son comportement avait été jugé « dangereux » par les autorités américaines. Ces dernières l’avaient accusé de ne pas utiliser ses feux de navigation par visibilité réduite, de ne pas répondre aux navires commerciaux pour éviter une éventuelle collision et d’effectuer des manœuvres jugées « erratiques ».