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dimanche 9 mars 2025

Les renseignements français « ne disent pas » que la Russie pourrait attaquer l’Otan d’ici cinq ans

 

Macron ne devait-il pas écouter ses services, plutôt que de vociférer sur un futur conflit contre la Russie ?

Reprise des vols de bombardiers stratégiques dans l’Atlantique Nord et cyberattaques contre l’Estonie en 2007, invasion de la Géorgie en 2008, simulation d’attaque contre des bases suédoises en 2013, annexion de la Crimée en 2014 suivie par la multiplication d’incidents décrits comme dangereux avec des forces de l’Otan dans les espaces internationaux, menaces contre le Danemark, attaques informationnelles contre les intérêts français en Afrique, ingérences en Allemagne et dans d’autres pays européens, remise en cause de l’architecture de sécurité, invasion de l’Ukraine…

Cela fait désormais longtemps que la Russie a adopté une posture inamicale, voire menaçante à l’égard du bloc occidental. D’ailleurs, elle avait prévenu, par la voix de son président, Vladimir Poutine, en février 2007. « Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la modernisation de l’Alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé », avait-il dit.

Maintenant, quelle sera l’attitude de la Russie dans les années à venir ?

En Allemagne, où les dépenses militaires ont été négligées jusqu’à aujourd’hui, le patron du renseignement extérieur [BND], Bruno Kahl, a récemment estimé que, « en termes humains et matériels, les forces armées russes seront probablement en mesure de mener une attaque contre l’Otan dès la fin de cette décennie ». Soit dans cinq ans. Et il n’est pas le seul à faire cette évaluation.

« La Russie anticipe probablement un conflit avec l’Otan au cours de la prochaine décennie », avaient en effet estimé les services de renseignement estoniens, en février 2024. Même constat au Danemark où le FE [Forsvarets Efterretningstjeneste, renseignement militaire] a mis en garde, le mois dernier, contre une une possible « guerre à grande échelle » en Europe d’ici cinq ans.

Dans son adresse aux Français, le 5 mars, le président Macron a semblé reprendre à son compte cette estimation. « D’ici 2030, a-t-il dit, la Russie « prévoit encore d’accroître son armée, d’avoir 300 000 soldats supplémentaires, 3 000 chars et 300 avions de chasse de plus ». Et de demander : « Qui peut donc croire, dans ce contexte, que la Russie d’aujourd’hui s’arrêtera à l’Ukraine ? ». Aussi, a-t-il poursuivi, la « Russie est devenue au même ou je vous parle et pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe ».

Cependant, comme l’a souligné Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, dans les pages de La Tribune Dimanche, ce 9 mars, il faut raison garder. « Minimiser la menace russe est absurde » comme il est « tout aussi absurde » de manifester une « forme de fébrilité » à cet égard, a-t-il dit.

Cela étant, les « menaces russes » contre la France s’ajoutent à d’autres, comme le terrorisme ou l’essor du narcotrafic. Et, comme l’a expliqué le ministre, elles ne sont « pas toujours visibles ».

« Les Russes réinventent la guerre, c’est leur grande force. Ils ciblent notre démocratie et notre économie. La prochaine campagne présidentielle pourrait ainsi faire l’objet de manipulations massives […]. Sur notre économie, c’est encore plus préoccupant. Il y a par exemple les déstabilisations des flux maritimes, de la mer Rouge aux nombreux navires de la flotte fantôme civile russe qui s’en prennent à des câbles sous-marins ou à des infrastructures énergétiques. Les cyber-attaques sont aussi de plus en plus sophistiquées. […] Cela peut même aller plus loin  : opérations de sabotage, planification d’assassinats ciblés contre des personnages clés du monde économique, interactions agressives avec nos forces armées… », a développé M. Lecornu.

Quant au risque d’une attaque de la Russie contre un pays de l’Otan d’ici deux à cinq ans, le ministre l’a écarté. « Nos services [de renseignement] ne disent pas cela », a-t-il avancé. Cependant, que Moscou « ait la tentation de déstabiliser la Moldavie à travers la Transnistrie, c’est exact », a-t-il ajouté. « Des pays ayant des minorités russophones peuvent aussi faire l’objet de déstalisation russe », a-t-il estimé.

Pour rappel, en 2022, il avait été reproché au renseignement français – en particulier la Direction du renseignement militaire [DRM] et la Direction générale de la sécurité extérieuse [DGSE] – de ne pas avoir vu venir l’invasion de l’Ukraine. Ce que Bernard Émié, alors directeur de la « Piscine », à l’époque, avait vigoureusement contesté.

« Nous avons détecté les mêmes mouvements de troupes russes que nos alliés. Si nous avons pu différer dans nos analyses, nous avions le même degré d’information. La seule différence tient au traitement qui a été fait de ces renseignements. Nous étions encore dans une phase de négociation et de dialogue [avec la Russie, ndlr]. La CIA a choisi de divulguer au grand public ses renseignements dans l’espoir de dissuader Moscou de passer à l’action. Nous avons gardé ces éléments secrets car nous ne voulions pas dévoiler nos méthodes de collecte. Ce silence de notre part a conduit un certain nombre de médias à imaginer que nous ne savions pas. Ce qui est faux », avait en effet expliqué M. Émié, lors d’un entretien donné au Point.

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