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mercredi 22 janvier 2025

L’Ukraine ferme les robinets du pétrole et du gaz russes pour l'Europe, provoquant la colère de la Hongrie et de la Slovaquie

 

En plus de frapper les raffineries avec ses drones, l’Ukraine tente d’affaiblir le secteur énergétique russe en asséchant ses revenus pétroliers. En raison de sanctions prises en juin par Kiev, le pétrole du géant russe Lukoil ne transite plus par le territoire ukrainien depuis la semaine dernière, provoquant la colère des deux principaux destinataires, la Hongrie et la Slovaquie, qui ont demandé lundi à l’Union européenne (UE) d’intervenir.

Les relations entre la Hongrie et l’Ukraine se dégradent de jour en jour. Dans une déclaration fracassante, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a fustigé mardi ce qu’il considère comme des propos « hostiles et agressifs » tenus par les autorités ukrainiennes. Au cœur de la discorde : la décision de Kiev d’interrompre le transit de gaz russe vers l’Europe centrale.

Pour M. Orban, cette attitude est tout simplement « inacceptable ». Le dirigeant n’a pas mâché ses mots, menaçant l’Ukraine de « contre-mesures » si le pays ne revient pas sur sa position. Des propos tenus à l’issue d’un entretien avec son homologue slovaque Robert Fico, lui aussi connu pour ses prises de position tranchées.

Une rhétorique belliqueuse qui inquiète

Le ton adopté par Viktor Orban laisse peu de place au dialogue. Selon lui, si l’Ukraine persiste dans son « agressivité » et son « hostilité », elle n’en sortira que « perdante ». Une rhétorique qui fait écho au retour de Donald Trump à la Maison Blanche, symbole pour le dirigeant hongrois d’un « courant dominant » désormais « pro-paix » dans le monde occidental.

Mais derrière ces appels à la paix, Viktor Orban brandit aussi la menace de représailles. « Nous finirons par nous fâcher et nous prendrons des contre-mesures » a-t-il prévenu, sans toutefois en préciser la nature exacte. Une posture qui fait craindre une escalade des tensions dans une région déjà marquée par de profondes divisions.

L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN en question

Au-delà du dossier gazier, c’est aussi la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN qui cristallise les tensions. Pour M. Orban, cette perspective « ne bénéficiera jamais d’un soutien unanime » au sein de l’alliance. Il met en garde contre une réaction russe, Moscou ayant clairement indiqué être prêt à « contester » une telle adhésion « au prix d’une guerre et d’une agression militaire ».


La question n’est donc pas de savoir si nous voulons permettre 

à l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN, 

mais si nous voulons entrer en guerre contre la Russie.

Viktor Orban


Une position partagée par son homologue slovaque Robert Fico. Lui aussi opposé à l’adhésion de Kiev à l’Alliance atlantique, il y voit « un grand risque » susceptible de « conduire à une troisième guerre mondiale ». Les deux dirigeants veulent privilégier la stabilité à tout prix.

Entre volonté de dialogue et fermeté

Malgré ses propos abrupts, Viktor Orban se dit favorable à des pourparlers de paix entre Kiev et Moscou. Un appel au dialogue qui reste cependant teinté de menaces à peine voilées. La Hongrie a d’ailleurs refusé d’envoyer une aide militaire à l’Ukraine, privilégiant une approche qu’elle qualifie de « pro-paix ».

Mais cette main tendue s’accompagne aussi d’une grande fermeté. Pour le dirigeant hongrois, « tout doit être fait pour instaurer la paix ». Et l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est selon lui synonyme de « guerre ». Une équation simple mais lourde de conséquences, qui place Kiev devant un choix cornélien.

Un avenir incertain pour les relations hungaro-ukrainiennes

Face à cette escalade verbale, l’avenir des relations entre la Hongrie et l’Ukraine semble plus incertain que jamais. Si Kiev ne revoit pas sa position sur le transit gazier, Budapest promet des représailles dont l’ampleur reste à déterminer. Un bras de fer qui risque de fragiliser encore davantage une région déjà sous haute tension.

Dans ce contexte, la voie d’une résolution pacifique du conflit semble étroite. Entre les impératifs énergétiques, les enjeux géopolitiques et les ambitions de chacun, les points de friction ne manquent pas. Il faudra pourtant bien que les deux pays trouvent un terrain d’entente, sous peine de voir la situation dégénérer de manière incontrôlable.

Car au-delà des déclarations fracassantes et des menaces voilées, c’est bien la stabilité de toute une région qui est en jeu. Un défi de taille pour la diplomatie européenne, qui devra redoubler d’efforts pour éviter l’embrasement et promouvoir le dialogue. Avec en toile de fond, l’ombre d’une Russie qui observe attentivement, prête à tirer profit de chaque faille.

La fin de ce transit marque la disparition d’une route énergétique historique. Depuis les années 1960, au temps de l’Union soviétique, le gazoduc Bratstvo (fraternité, en russe) faisait le le lien entre la Russie et certains pays européens. En 2021, avant la guerre, 45 % des importations de gaz naturel de l’Union européenne provenaient de Russie, une proportion réduite à 18 % en juin 2024, selon un rapport sur l'état de l'union de l'énergie. 

Gazoduc TurkStream

Avec la fin du transit via l'Ukraine et plus de deux ans après le sabotage par les ukrainiens des tubes Nord Stream en mer Baltique, les approvisionnements russes vers l’Europe reposeront désormais sur deux autres axes majeurs : le gazoduc TurkStream, passant par la mer Noire et alimentant le sud-est de l’Europe, notamment la Hongrie, et le gaz naturel liquéfié (GNL), acheminé par méthaniers.  

"Avec le GNL, Vladimir Poutine bénéficie encore d’une rentrée d’argent et d’un pouvoir de nuisance, il renvoie aussi l’Europe à une certaine hypocrisie. L’Europe a imposé des sanctions sur le pétrole et sur le charbon russe, mais elle n’est pas arrivée à en faire de même sur le gaz", analyse Phuc-Vinh Nguyen, spécialiste de l’énergie à l’Institut Jacques Delors, cité par Le Monde

Parallèlement, la Moldavie, qui vient de réélire une présidente pro-européenne, ne recevra plus de livraison de Gazprom, dans le contexte d'un différend financier. Après l'échec des négociations avec le géant gazier russe, Chisinau a été contraint de décréter l'état d'urgence face à la menace d'une pénurie de gaz.

La région séparatiste prorusse de Transnistrie "traverse une situation difficile" après que le fournisseur local Tiraspoltransgaz "a interrompu l'approvisionnement en gaz naturel et en chauffage", a averti meercredi le porte-parole du gouvernement moldave Daniel Voda, appelant la Russie à "cesser son chantage". Le chef des séparatistes prorusses, Vadim Krasnosselski, a rapidement reconnu "un problème" et convoqué une réunion d'urgence.

Le reste de la Moldavie est épargné pour l'instant, notamment grâce à l'aide de la Roumanie voisine. Il ne reçoit déjà plus de gaz russe depuis le début de la guerre en Ukraine mais dépend pour une grande partie de ses besoins en électricité de la centrale thermique de Transnistrie. 

france24.com