Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 30 décembre 2024

Le DKRO, le service d'espionnage «le plus élitiste du Kremlin»

 

Dans la Russie de Poutine, le service de renseignements du FSB est d'une puissance sans égale. L'un de ses départements est particulièrement actif puis le début de l'invasion de l'Ukraine: le DKRO.

Parmi les différents outils à la disposition de Vladimir Poutine pour faire mainmise sur son peuple, le service de renseignements du FSB, le «successeur du KGB», est certainement le principal. Au sein même de l'omnipotente organisation tentaculaire se trouve le DKRO, un puissant département encore peu connu du grand public et dont l'acronyme vaut pour «Département des opérations de contre-espionnage».

Créé en 1998, il a gagné de l'importance au fur et à mesure que Vladimir Poutine serrait la société russe dans le creux de sa main, comme le raconte Slate. Depuis 2022, il est notamment utilisé pour des opérations de contre-espionnage et pour contrôler sa population intérieure.

Echange de prisonniers

C'est ainsi le DKRO qui a arrêté plusieurs citoyens américains. Parmi eux, la basketballeuse Brittney Griner, le marine Paul Whelan ou bien encore Evan Gershkovitch, un journaliste américain du Wall Street Journal qui a été libéré dans le cadre d'un échange de prisonniers, en échange de Vadim Krassikov, un agent du FSB emprisonné en Allemagne pour un assassinat politique en plein cœur de Berlin.

Dans un récent article, le Wall Street Journal et Gershkovitch indiquent justement que le DKRO est dirigé par le lieutenant-général Dmitri Minaïev. C'est lui-même qui est venu réceptionner Vadim Krassikov à son arrivée à Moscou.

Une «force de sécurité élitiste»

Le DKRO dispose toutefois d'une quantité d'agents relativement restreinte par rapport à d'autres services russes: 2000 environ. Mais ils constituent «la force de sécurité la plus élitiste du Kremlin». La loyauté des agents, par ailleurs grassement payés, est totale. Selon le renseignement américain et européen,

«Aucun officier du DKRO n'est connu pour avoir fait défection vers l'Ouest»

Leur mission? S'assurer que la population russe ne soit pas tentée par la trahison et tuer toute rébellion possible dans l'œuf. Les méthodes? Surveiller, intimider, voire arrêter la population, les journalistes anti-régime ou les étrangers suspects. Depuis le début de la guerre en Ukraine, ce service est d'autant plus utilisé pour s'assurer de la loyauté du peuple russe. Pour le journaliste d'investigation et dissident russe Andreï Soldatov:

«Le DKRO est devenu la branche de contre-espionnage la plus notable du FSB, vitale pour la protection du régime »

Une grande vague de répression

Le DKRO est devenu un des instruments les plus puissants de Vladimir Poutine, lançant ainsi «la plus grande vague de répression depuis la disparition de Joseph Staline». Il a aussi pris part aux purges au sein du ministère de la Défense russe après les premiers échecs en Ukraine, avec d'autres services du FSB. Chose ironique: les prisonniers sont envoyés dans la prison moscovite de Lefortovo, la même utilisée à grande échelle par Staline lors des purges des années 1930.

Parmi les étrangers suspects sur le territoire russe, les diplomates occidentaux et leurs familles, espionnées jusque dans leurs écoles privées, sont visés. Des pneus de véhicules de diplomates américains ont été lacérés et le chien d'une famille a été retrouvé mystérieusement mort.

Mais le DKRO est aussi actif... à l'extérieur du territoire russe. Dans son enquête, le Wall Street Journal révèle ainsi que deux de ses journalistes ont été ouvertement suivis dans la rue dans ce qui ressemble à une tentative d'intimidation. L'une a eu lieu à Vienne et l'autre à Washington. En Europe de l'Est, les suspicions de sabotage ou kidnapping de la part du DKRO sont nombreuses, par exemple en Estonie.

Espionnage sur l'oreiller

L'autre espionnage typique de la guerre froide, «sur l'oreiller», est également de retour. Les jeunes Américains qui travaillaient en Russie dans le secteur de la sécurité ont rencontré de belles jeunes femmes russes en nombre.

Les Affaires étrangères allemandes ont par ailleurs recommandé à leurs ressortissants présents en Russie d'être particulièrement prudents avec les applications de rencontre.

«En ce moment, la Russie n'est pas la meilleure destination pour un premier rendez-vous avec un flirt rencontré en ligne»

Certains l'ont appris à leurs dépends, comme le militaire américain Gordon Black:

Un soldat américain rencontre une Russe en ligne et finit en prison

Alexandre Cudré

watson.ch