Fortement suspecté d’avoir laissé traîner son ancre pour arracher les câbles sous-marins de télécommunication Arelion et C-Lion1, le cargo chinois Yi Peng 3 est resté immobilisé pendant environ un mois dans la détroit de Cattégat, à la limite des eaux territoriales danoises.
Ce faisant, et comme il n’a pas été pris sur le fait, il n’était pas possible pour les pays riverains de la mer Baltique concernés par la rupture de ces deux câbles d’arraisonner le Yi Peng 3. Sauf à en demander l’autorisation à l’État de son pavillon. D’où des négociations menées avec la Chine.
Celles-ci ont finalement permis, à des enquêteurs suédois de la police et de l’Autorité d’enquête sur les accident [SHK] d’assister, en tant qu’observateurs, à une inspection du cargo par des « représentants des autorités chinoises ». Quant au procureur chargé de cette affaire, Henrik Söderman, Pékin a refusé sa présence à bord.
« Notre demande de permettre au procureur suédois et à la police […]de prendre des mesures dans le cadre de l’enquête préliminaire à bord [du Yi Peng 3] reste inchangée », a fait valoir Maria Malmer Stenergard, la ministre suédoise des Affaires étrangères, via un message adressé à l’AFP. « Dans le même temps, je constate que la Chine n’a pas répondu [favorablement] à notre demande d’autoriser le procureur à mener une enquête préliminaire à bord », a-t-elle continué.
Puis, le 21 décembre, alors qu’il était surveillé par des navires danois et allemands, le Yi Peng 3 a levé l’ancre. Il « navire a commencé à se déplacer et a annoncé qu’il se dirigeait vers Port-Saïd en Égypte », a indiqué un porte-parole de la garde-côtière suédoise. « Nous le suivons et sommes en contact étroit avec les autres autorités concernées », a-t-il ajouté.
Cette information a été confirmée par la porte-parole de la diplomatie chinoise, ce 23 décembre. « La société propriétaire du navire, après une évaluation complète et des consultations avec les parties concernées, a décidé de reprendre ses opérations », a-t-elle dit. « La Chine a informé à l’avance les pays concernés », a-t-elle assuré.
Seulement, le Yi Peng 3 n’est pas le premier navire chinois à avoir laissé traîner son ancre en mer Baltique. En octobre 2023, le porte-conteneurs Newnew Polar Bear avait été à l’origine de la rupture du gazoduc Balticconnector, alors qu’il se rendait au port d’Arkhangelsk [Russie]. Ayant promis de coopérer à l’enquête ouverte par la Finlande, les autorités chinoises ont récemment conclu que ce navire n’avait pas agi intentionnellement… Et d’affirmer que les dommages infligés à la conduite étaient dus « à un accident causé par le mauvais temps ».
Quoi qu’il en soit, pour Kestutis Budrys, le ministre lituanien des Affaires étrangères, il n’est plus que temps de prendre des mesures. « Le renforcement de la sécurité commence par l’atténuation des faiblesses. Le refus de la Chine de coopérer aux enquêtes sur les incidents sous-marins en mer Baltique ne peut pas créer un précédent en Europe – ou ailleurs. Si la mentalité du ‘ce qui est à moi est à moi’ devient une nouvelle norme mondiale, elle devra être contrée par de nouvelles règles de navigation dans les eaux de l’UE pour remédier aux vulnérabilités », a-t-il dit dans les pages du Financial Times.
Comme le Yi Peng 3 a mis le cap vers l’Égypte, il a mis le cap vers le détroit du Pas-de-Calais, dont l’étroitesse fait que la France et le Royaume-Uni s’en partagent les eaux. En clair, le cargo chinois devra naviguer dans les eaux territoriales françaises ou britanniques. Ce qui le met potentiellement à la merci d’un arraisonnement dans le cadre de l’enquête suédoise, à condition d’avoir un prétexte pour cela. En effet, selon la loi française, le droit de passage d’un navire est considéré comme « inoffensif » tant que celui-ci « ne porte atteinte à la paix, au bon ordre ou à la sécurité de l’État ». Après, ce sera trop tard étant donné que les eaux du détroit de Gibraltar sont internationales.