Sur les champs de bataille en Ukraine [et dans la région russe de Koursk], les drones FPV [First Person View, littéralement « Vue à la première personne »], dotés d’une charge militaire, sont quasiment omniprésents. Peut-être est-ce propre à ce conflit, comme l’a suggéré le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT]. « C’est un instantané dans le temps. […] Aujourd’hui, l’épée – c’est-à-dire ces drones aériens – est puissante, plus puissante que le bouclier. Mais le bouclier va s’améliorer », avait-il estimé, en juin dernier.
Mais pour le moment, il s’agit de trouver une parade efficace… D’où le projet « eAAAD » [extended All Arms Air Defence] que vient de lancer le ministère néerlandais de la Défense, avec un budget dont le montant est compris entre 50 et 250 millions d’euros.
« La guerre en Ukraine et la situation au Moyen-Orient montrent que la menace des drones est aiguë et que les troupes néerlandaises manquent actuellement de l’équipement nécessaire pour se protéger efficacement », a ainsi justifié Gijs Tuinman, le secrétaire d’État à la Défense, dans une lettre adressée à la Chambre des représentants, la semaine passée.
« Le personnel militaire risque de plus en plus d’être confronté à des attaques ou à des reconnaissances indésirables utilisant de petits […] drones. La capacité à [les] éliminer est essentielle à la sécurité de nos militaires et aux missions et tâches qu’ils accomplissent », a-t-il ajouté.
Aussi, le projet eAAAD vise à doter les soldats de l’armée royale néerlandaise d’une « boîte à outils », comprenant un viseur électro-optique pour améliorer la précision de leurs armes individuelles à une « distance d’au moins 200 mètres », de brouilleurs légers pour perturber la liaison entre le drone FPV et son opérateur ainsi que des capteurs de radiofréquence [RF] pour détecter une menace potentielle dans un rayon de 1 000 mètres.
Sur ce dernier point, l’armée de Terre française a un coup d’avance. En mars dernier, Terre Mag a en effet rapporté qu’un sous-officier du 54e Régiment de Transmissions, unité référente en matière de guerre électronique, avait mis au point un « Boîtier d’action et de détection de drone » [BA2D] qui, ayant les dimensions d’une carte de crédit, est capable de détecter les drones FPV, voire de le neutraliser en compromettant la liaison avec leurs opérateurs.
Quoi qu’il en soit, ce projet « sera réalisé de 2025 à 2028 » et un premier contrat « pour l’acquisition des ressources eAAAD » sera notifié au cours du « premier trimestre 2025 », avance le ministère néerlandais de la Défense. Et de préciser que « les premiers systèmes seront livrés dans les mois suivants et pourront être utilisés immédiatement ».
Seulement, la parade à de tels dispositifs technologiques a d’ores et déjà été trouvée par les belligérants en Ukraine, ceux-ci utilisant désormais des drones FPV filoguidés, c’est-à-dire reliés à leurs télépilotes par un fibre optique. Ainsi, ces appareils sont insensibles au brouillage électronique et peuvent fonctionner dans des environnements où la transmission est difficile [forêt dense, grottes, etc.].
Aussi, certains armuriers ont mis au point des fusils adaptés à la « chasse » au drone FPV.
C’est par exemple le cas de l’italien Benelli, qui a récemment mis sur le marché le M4 AI Drone Guardian. Il s’agit d’un fusil M4 doté d’un dispositif permettant d’augmenter la vitesse d’une cartouche de chevrotine d’environ 20 mètres par seconde, l’idée étant de produire un « nuage » de plombs plus régulier afin d’obtenir une plus grande capacité de pénétration pour détruire un drone FPV.