La rupture d’un câble sous-marin ou d’un gazoduc n’est pas nécessairement liée à un acte de sabotage. Chaque année, environ 200 cas sont constatés… Et le plus souvent, il s’agit de dommages infligées de manière accidentelle. D’où la prudence des autorités finlandaises après qu’une panne est survenue sur l’interconnecteur Estlink 2 reliant la Finlande à l’Estonie, le 25 décembre.
Celle-ci a réduit la capacité de ce câble électrique à haute tension long de 170 km, de 1 016 à seulement 358 mégawatts. Et, selon son opérateur, Fingrid, il faudra sans doute plusieurs mois pour effectuer les réparations, ce qui pourrait perturber l’approvisionnement d’électricité pendant cet hiver.
Cela étant, vingt-quatre heures plus tard, le Bureau national d’enquête finlandais a fait savoir que la piste d’un sabotage était désormais privilégiée. Les mouvements du pétrolier Eagle S aux abords du connecteur Estlink 2 peu avant sa déconnexion du réseau électrique ont éveillé les soupçons.
Alors que le cargo Yi Peng 3, soupçonné d’avoir arraché deux câbles sous-marins de télécommunications avec son ancre, a quitté la Baltique après y être resté pendant plus d’un mois sans permettre aux enquêteurs suédois de monter à son bord, les autorités finlandaises ont réagi avec célérité puisque l’Eagle S a été arraisonné ce 26 décembre. Or, il est rapidement apparu qu’il avait, lui aussi, perdu son ancre.
« Un de nos patrouilleurs s’est rendu dans la zone et a pu constater visuellement que les ancres de ce cargo n’étaient pas présentes. Il y avait donc une raison très claire de soupçonner qu’il se passait quelque chose d’étrange », a relaté Markku Hassinen, le chef adjoint des gardes-frontières finlandais.
Battant pavillon des Îles Cook, l’Eagle S appartient à la société Caravella LLCFZ, établie aux Émirats arabes unis. Et il est exploité par la compagnie indienne Peninsular Maritime. Parti de Saint-Pétersbourg, il devait rejoindre Port-Saïd, en Égypte. Actuellement, il est immobilisé dans les eaux territoriales finlandaise, au large de Porkkalaniemi, sous la surveillance du patrouilleur Turva.
« Nous avons déjà arraisonné le navire, parlé à l’équipage et recueilli des preuves », a résumé Robin Lardot, le directeur du Bureau national d’enquête.
L’Eagle S fait partie de la « flotte fantôme » utilisée par la Russie pour exporter son pétrole en dépit des sanctions internationales dont elle fait l’objet. Les pétroliers qui la composent sont généralement en mauvais état et leur propriété n’est pas clairement établie. Qui plus est, ils naviguent le plus souvent sans être assurés.
Ce 26 décembre, le président finlandais, Alexander Stubb, a appelé à « éliminer les « risques causés » par les navires de cette flotte fantôme russe.
Par ailleurs, d’après le radiodiffuseur finlandais YLE, quatre câbles sous-marin de télécommunications ont également été endommagés en même temps que le connecteur Estlink 2. Deux d’entre eux exploités par l’opérateur Elisa, relient Helsinki à Tallinn [Estonie], de même qu’un troisième, appartenant à la société chinoise CITIC Telecom. Quant au quatrième, il s’agit du C-Lion 1, qui fait la liaison entre la Finlande et l’Allemagne.
Selon l’Agence finlandaise des transports et des communications [Traficom], les câbles d’Elisa ont été sectionnés et les deux autres ont été endommagés.
« Les dommages causés aux infrastructures sous-marines sensibles sont devenus si fréquents qu’il est difficile de croire qu’il s’agit d’accidents ou simplement de mauvaises manœuvres maritimes », a d’ailleurs commenté Margus Tsahkna, le ministre estonien des Affaires étrangères. Et d’insister : « Nous devons comprendre que les dommages aux infrastructures sous-marines sont devenus plus systématiques et doivent donc être considérés comme des attaques contre nos structures vitales ».
Eagle S executed a very unisual maneuver for a ship in transit exactly when Estlink 2 went down, and exactly on top of Estlink 2. https://t.co/qhckkA5I43 pic.twitter.com/0e9DBEz7HF
— Kresten, Kjær Sørensen 🇩🇰 🇺🇦 (@KjKresten) December 25, 2024