Dans les dernières prévisions du FMI sur l’économie mondiale, l’Asie reste le continent dont la croissance est la plus robuste, avec un net rééquilibrage entre la Chine et les autres pays asiatiques émergents. Mais globalement, l’Asie cesse de progresser en part du PIB mondial depuis 2020. Dans le match Chine/États-Unis/zone euro, l’économie américaine connaît un rebond spectaculaire. Un flash-back depuis 1980 montre clairement une succession de pays clés pour la croissance asiatique : le Japon jusqu’en 1995, la Chine de 1995 à 2021 et désormais une double dynamique Inde-Asean.
Le dernier World Economic Outlook du Fonds monétaire international (FMI) publié le 22 octobre dernier comprend les prévisions de court terme habituelles couvrant 2024 et 2025, mais il s’accompagne aussi d’une base de données considérable couvrant les quarante-quatre dernières années de l’économie mondiale depuis 1980 et des projections à cinq ans jusqu’en 2029 fondées sur l’analyse du FMI sur le potentiel de croissance des différents pays. Un zoom sur les économies asiatiques et sur la compétition internationale avec l’Occident donne des résultats inattendus.
L’économie mondiale est en phase de ralentissement structurel
Premier constat du FMI : la croissance mondiale s’est durablement ralentie après le choc de 2020 et le rebond temporaire de 2021. À l’horizon 2029, les économistes du FMI tablent sur une croissance annuelle limitée à 2,5 %, soit un demi-point de moins que durant la décennie 2010. Ce ralentissement a des facteurs multiples : une progression plus lente de la productivité en dépit des révolutions technologiques en cours, un moindre rattrapage des pays émergents (et en particulier de la Chine), le vieillissement de la population, un rythme d’urbanisation moins rapide et l’impact des aléas climatiques.
L’Asie reste dynamique, l’amorce d’un rééquilibrage interne
Le FMI prévoit à court terme une certaine stabilité de la croissance mondiale, estimée à 2,7 % en 2024 et 2,8 % en 2025. Si l’on décompose cette moyenne par continent, l’Asie en développement reste la composante la plus dynamique de la croissance mondiale (5,3 % en 2024), nettement devant l’Afrique subsaharienne (3,6 %), le Moyen Orient (2,4 %) et l’Amérique Latine (2,1 %). L’analyse à cinq ans du FMI montre une érosion de cet avantage asiatique : la croissance pourrait se limiter à 4,5 % en 2029 alors que les autres régions en développement rattraperaient pour partie leur retard. Or l’avantage de l’Asie en développement était beaucoup plus spectaculaire dans la période 2006-2015 : la croissance annuelle frôlait les 8 % alors qu’aucun autre continent ne parvenait à dépasser une moyenne de 5 %.
L’autre changement structurel que constate le FMI est le rééquilibrage interne de la croissance asiatique au détriment de la Chine et au profit du couple Inde-Asean.
Si la Chine caracolait largement en tête jusqu’en 2014, l’Inde atteint un rythme de croissance comparable sur la période 2015-2019, puis nettement supérieur après le choc économique provoqué par le Covid-19 (très violent pour l’Inde). Le différentiel de croissance Chine-Inde atteindrait plus de trois points par an au profit de l’Inde à l’horizon 2029, avec une croissance chinoise qui se rapprocherait de la moyenne mondiale. L’Asean 5 (Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande et Vietnam) dépasse à son tour le rythme de croissance de la Chine à partir de 2024. Au sein même de l’Asean, deux pays – Vietnam et Philippines – ont un potentiel comparable à celui de l’Inde, tandis que la Thaïlande freine la progression du bloc Asean 5 avec une croissance molle (2,7 % en 2029).
Le poids de l’Asie dans l’économie mondiale a reculé depuis 2019
Si l’Asie poursuit son rattrapage économique en volume, elle a cessé provisoirement de le faire en valeur. Sa part dans le PIB mondial mesurée en dollars courants a temporairement régressé. C’est un paradoxe car, sur le long terme, le rattrapage des pays émergents s’est opéré par une addition d’effets/volume et d’effets/prix, soit parce que les prix intérieurs augmentaient plus vite que la moyenne mondiale, soit parce que le taux de change de la monnaie nationale progressait, soit une combinaison de ces deux facteurs.
Or sur la décennie 2014-2023, les États-Unis ont connu à la fois une monnaie forte – le dollar a progressé de 13 % par rapport au yuan chinois et de 25 % par rapport au yen japonais –, mais également une économie plus inflationniste que les économies asiatiques depuis 2020. L’indice des prix à la consommation des États-Unis sur la période 2020-2023 a augmenté de 18 % contre seulement 3 % en Chine et 6 % au Japon. Ces deux effets vont très probablement s’atténuer ou disparaître dans les années à venir. L’inflation aux États-Unis revient à sa tendance de long terme et l’effet refuge que joue toujours le dollar en périodes de crise va diminuer (sauf nouveau choc géopolitique ou sanitaire).
Toujours est-il que le poids relatif de l’Asie, et particulièrement de la Chine dans l’économie mondiale, a subi un choc sensible en dollars courants depuis 2020.