La Chine vient d’annoncer l’allongement progressif de l’âge de départ en retraite à partir du 1er janvier 2025. Celui-ci passera progressivement à 63 ans pour les hommes et de à 55 ou 58 ans pour les femmes, selon les métiers. Une réforme attendue depuis longtemps et plus limitée que prévu, qui ne suffira pas à assurer l’équilibre des régimes de retraite du pays compte tenu du vieillissement très rapide de la population.
Le bureau permanent de l’Assemblée nationale chinoise a annoncé vendredi 13 septembre l’allongement de l’âge de départ en retraite. Cette réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2025. Elle allongera progressivement sur une période de quinze ans l’âge de départ des hommes de 60 à 63 ans, et des femmes de 50 à 55 ans pour les ouvrières et 55 à 58 ans pour les autres métiers.
Une réforme indispensable
L’âge de départ en retraite en Chine n’avait pas été modifié depuis 1978, alors que l’espérance de vie a fait un bond de quinze ans, passant de 63 ans en 1978 à 78 ans aujourd’hui. Par ailleurs, la très faible fécondité des femmes (qui vient de chuter à un enfant par femme en 2023) va réduire la taille de la population et surtout faire exploser le poids démographique des plus de 65 ans, qui va grimper de 15 % de la population globale du pays actuellement à 31 % en 2050.
La réforme annoncée est moins ambitieuse que les projections officielles antérieures, qui portaient sur un allongement de l’âge de départ en retraite à 65 ans en 2045. Elle ne modifie qu’à la marge l’écart d’espérance de retraite entre hommes et femmes.
Les femmes mieux traitées pour l’âge de départ en retraite
Les femmes continueront à bénéficier de conditions de départ en retraite très avantageuses en termes d’âge – mais pénalisantes en termes de rémunération. Les « ouvrières » pourront partir en retraite à 55 ans au lieu de 50 ans, ce qui réduit de deux ans la différence d’âge avec les hommes. Le concept « d’ouvrières » en Chine désigne l’ensemble des travailleuses manuelles. Une masseuse par exemple, ou une livreuse, entrent dans cette catégorie qui concerne à peu près la moitié des emplois. Les autres femmes pourront partir en retraite à 58 ans, soit toujours cinq ans plus tôt que les hommes.
Compte tenu de la répartition assez équilibrée entre emplois manuels et autres emplois, l’âge moyen auquel les femmes partiront en retraite sera de l’ordre de 56 ans et demi, contre 63 ans pour les hommes. Or l’écart d’espérance de vie entre hommes et femmes devrait être de l’ordre de quatre ans en 2040 pour la Chine, selon les dernières prévisions des Nations Unies (World Population prospects 2024). L’écart d’espérance de durée de retraite sera donc d’une dizaine d’années : 17 ans pour les hommes, et un peu plus de 27 ans pour les femmes. Par comparaison, la retraite à 64 ans en France d’ici 2032 se traduit par une espérance de durée de retraite de 17,5 ans pour les hommes et 23 ans pour les femmes.
Le problème d’un tel écart est qu’il se traduit par un plus faible nombre d’années de cotisations, auquel s’ajoutent les écarts de salaire importants entre hommes et femmes. Les femmes pourront toujours partir tôt à la retraite, en courant le risque d’entrer en dessous du seuil de pauvreté.
Une réforme qui reste insuffisante
L’annonce qui vient d’être faite constitue un pas important mais reste en deçà des prévisions gouvernementales de long terme, et son application très progressive sur 15 ans ne garantit pas l’équilibre financier des régimes de retraite.
La complexité de ces régimes est beaucoup plus importante qu’en France. Il existe autant de régimes différents que de villes ou de districts, avec d’énormes différences entre les ruraux – y compris les migrants de l’intérieur – et les urbains. Le système de retraite comporte par ailleurs trois couches différentes : une retraite de base octroyée par l’État, des retraites de capitalisation cofinancées entre employeurs et salariés, et depuis 2022 des retraites individuelles de capitalisation pour ceux qui veulent et peuvent y cotiser. La composante de l’âge est donc loin d’être le seul paramètre sur lequel le gouvernement chinois devra agir afin de garantir des retraites décentes pour tous, sans accumuler les dettes sociales.
Hubert Testard