Si l’usage généralisé de drones aériens FPV [First Person View – Vue à la première personne] durant la guerre en Ukraine n’est peut-être qu’une parenthèse, comme le pense le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], il en ira certainement autrement pour les drones de surface [USV], ceux-ci ayant permis aux forces ukrainiennes, dépourvues de navires de guerre, d’infliger de sérieux revers à la flotte russe de la mer Noire.
En réalité, cela fait maintenant plusieurs années que les USV suscitent l’intérêt des forces navales. En 2012, la DARPA, l’agence du Pentagone dédiée à l’innovation, défricha la voie en lançant le projet ACTUV [Anti-Submarine Warfare (ASW) Continuous Trail Unmanned Vessel], lequel permit de mettre au point le Sea Hunter, un trimaran autonome de 140 tonnes bardés de sonars, radars et autres capteurs. Depuis, avec son programme « Ghost Fleet Overlord », l’US Navy entend accélérer l’intégration de navire sans équipages [de surface ou sous-marins] au sein de sa flotte.
D’autres pays suivent le même chemin. Comme la Turquie, avec les USV armés « Ulaq », conçus dans le cadre d’une coopération entre Ares Shipyard et Meteksan Defence. La marine turque en a commandé une plusieurs dizaines d’exemplaires.
En juillet, le ministère néerlandais de la Défense a lancé des études sur un drone de surface dédié à la lutte anti-sous-marine [USV ASW] et pouvant être mis en œuvre depuis les frégates issues du programme ASWF. De son côté, la Royal Navy s’intéresse aussi à cette capacité, laquelle lui permettrait de pallier en partie ses problèmes de personnel tout en lui donnant de la « masse », les USV étant relativement peu coûteux à l’achat et faciles à produire.
« Le coût des drones » et « les moyens pour les contrôler » rendent « possible leur achat et leur pilotage en nombre très important », ce qui fait que la « quantité peut alors redevenir un mode d’action à part entière, par exemple sous la forme d’essaims », avait d’ailleurs récemment expliqué le capitaine de frégate François-Olivier Corman, co-auteur, avec le capitaine de vaisseau Thibault Lavernhe, de l’indispensable ouvrage « Vaincre en mer au XXIe siècle ».
Pour le moment, et même si la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prévoit 5 milliards d’euros d’investissements pour les « drones et les robots », la Marine nationale n’a pas encore précisé ses plans en matière d’USV, hormis pour la guerre des mines et les drones sous-marins, via le programme UCUV [Unmanned Combat Underwater Vehicles], confié à Naval Group.
Pourtant, une filière visant à développer et à produire des USV commence à prendre forme en France. Ainsi, en 2022 le chantier naval Couach a dévoilé « Magellan » un drone de surface en composite [kevlar et carbone] de 6 mètres de long pour un déplacement de 1,2 tonne, doté d’une propulsion diesel-électrique lui permettant de naviguer à la vitesse de 6 nœuds. Il peut assurer des missions de guerre électronique, de renseignement, de surveillance et de reconnaissance.
Par ailleurs, filiale de Naval Group, SIREHNA propose au moins trois modèles de drones de surface dans son catalogue, à savoir le SIR850 et le SIR175 [tous les deux dédiés à des missions de surveillance] ainsi que le SIR930 [interception, avec des armes non létales].
Mais il est question d’aller plus loin. En effet, le 29 août, Naval Group et Couach ont annoncé qu’ils avaient noué un partenariat en vue de proposer aux forces navales des « drones de premier plan capables de répondre aux exigences du combat collaboratif ».
« Avec la création début 2023 de la direction « Drones, Systèmes autonomes et Armes sous-marines », Naval Group veut proposer aux marines une offre complète intégrant ses propres drones et systèmes autonomes, mais aussi ceux de sa filiale SIREHNA ou de partenaires. Alors que les conflits de haute intensité se multiplient, l’objectif de Naval Group est d’accroître la capacité opérationnelle des forces navales par des solutions innovantes, éprouvées et compétitives », a fait valoir l’industriel.
Ce partenariat s’appuie sur l’expérience de SIREHNA dans les technologies de téléopération de navires ainsi que sur les savoir-faire de Couach en matière de conception et de construction de « navires sur mesure ». Pour Naval Group, il permetta ainsi de proposer des « produits prêts au combat, rapidement déployables mais aussi ultra-compétitifs ». Un premier modèle issu de cette coopération devrait bientôt être dévoilé.