Trois jours après que la Russie a lancé une attaque massive contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine avec des centaines de missiles et drones « kamikazes » [ou munitions téléopérées, MTO], le Wall Street Journal a révélé que la force aérienne ukrainienne avait perdu l’un des six chasseurs-bombardiers F-16 qu’elle avait reçus au début de ce mois au cours de cette séquence. Et de préciser que la perte de cet appareil aurait été causée par une erreur de pilotage ou un incident technique.
Dans la foulée, CNN a fait état de la mort de l’emblématique et très expérimenté lieutenant-colonel Oleksii « Moonfish » Mes, qui était aux commandes de ce F-16. « L’accident fait l’objet d’une enquête et des experts internationaux seront invités à y participer », a confié une source ukrainienne au média américain.
Ces révélations ont contraint Kiev à sortir de sa réserve… Ainsi, le commandement ouest de la la force aérienne ukrainienne a confirmé la mort du lieutenant-colonel Mes, sans pour autant évoquer la perte d’un F-16 dans le communiqué qu’il a diffusé via Facebook. « Le 26 août, alors qu’il repoussait une attaque aérienne russe, Oleksii a détruit trois missiles de croisière et un drone d’attaque », a-t-il indiqué, en suggérant qu’il pilotait alors un MiG-29 « Fulcrum ».
Ce n’est qu’un jour plus tard que l’état-major ukrainien a explicitement reconnu la perte d’un F-16, via Telegram. Probablement qu’il souhaitait garder cette information sous le boisseau afin de ne pas nourrir la propagande russe. « Une commission spéciale a été nommée pour déterminer les causes de l’accident », a-t-il précisé, en laissant entendre qu’un tir ennemi était exclu pour expliquer la chute de l’appareil.
Seulement, peu après, la présidente adjointe du comité sur la Sécurité nationale, la Défense et le Renseignement du Parlement ukrainien, Mariana Bezuhla, a affirmé que, selon « ses informations », le F-16 avait été victime d’un « tir ami » après avoir été touché par un système de défense aérienne Patriot. Au passage, en novembre dernier, la parlementaire avait déjà vertement critiqué le général Valeri Zaloujny, alors commandant en chef des forces ukrainiennes. Depuis, celui-ci a été relevé de son commandement avant d’être nommé ambassadeur d’Ukraine au Royaume-Uni.
Normalement, les dispositifs IFF [Identification Friend or Foe / identification ami ou ennemi], associés aux procédures d’identification d’une cible [positive ID] par, si possible, deux sources différentes, sont censés éviter les tirs fratricides.
Quoi qu’il en soit, la déclaration de Mme Bezuhla a fait sortir de ses gonds le général Mykola Olechtchouk, le chef de la force aérienne ukrainienne.
« Personne ne cache rien. L’enquête est déjà en cours. Les déclarations de Bezuhla sont utilisées pour discréditer les plus hauts dirigeants militaires. Elle a vendu son nom il y a longtemps pour atteindre des objectifs ignobles », s’est emporté le général Olechtchouk.
« Bien sûr, nous sommes en train de déterminer les causes du ‘crash’. Personne n’a caché ou ne cache rien ! Tous les responsables ont immédiatement reçu un rapport sur le ‘crash’. Nos partenaires des États-Unis, qui ont déjà participé à l’enquête sur les causes, ont également reçu un rapport préliminaire », a-t-il poursuivi, avant de souligner que les informations « sur de tels incidents ne pouvaient pas être immédiatement rendus publiques et détaillées pour les médias, car une guerre est en cours ».
« Maryana, le temps viendra où tu demanderas pardon devant toute l’armée pour ce que tu as fait, j’espère au tribunal », a conclu le général Olechtchouk.
« Cedant arma togae » [que les armes cèdent à la toge]. Ce principe est-il à l’origine de la décision que vient de prendre Volodymyr Zelenski, le président ukrainien ? Toujours est-il qu’il a annoncé le limogeage du général Olechtchouk avec effet immédiat.
« J’ai décidé de remplacer le commandant de l’armée de l’air des forces armées ukrainiennes », a en effet déclaré M. Zelensky, via Telegram. « Je suis infiniment reconnaissant à tous nos pilotes, techniciens, soldats des groupes de tir mobiles, équipages de défense aérienne. À tous ceux qui se battent vraiment pour l’Ukraine, pour le résultat. Et il faut aussi renforcer le niveau du commandement […] et protéger le personnel, protéger toutes nos troupes », a-t-il ajouté.
Un décret présidentiel de deux lignes [n° 600/2024] a ensuite été publié pour confirmer cette mesure. Le général Anatoliy Kryvonozhko a été désigné pour remplacer le général Olechtchouk, qui, jusqu’ici, aura été l’un des rares officiers généraux ukrainiens à avoir su garder son poste depuis le début de la guerre.
Par ailleurs, en juin, le président Zelinsky a annoncé la création d’une nouvelle branche des forces armées ukrainiennes, dédiés uniquement aux drones. Son chef vient d’être nommé : il s’agirait de l’amiral Roman Gladky. Or, selon Mme Bezuhla, non seulement il n’a aucune expérience en la matière mais cet officier originaire de Crimée est aussi soupçonné d’avoir des liens avec Moscou, de par son épouse [qui a un passeport russe] et sa fille, qui a participé à des compétitions de natation au nom de la Russie. « On ne sait pas comment il a réussi le contrôle du Service de sécurité ukrainien », a persifflé la députée.