Depuis le début de la guerre en Ukraine, des groupes russes affiliés à l’armée ukrainienne, comme « Liberté de la Russie » et le « Corps des volontaires russes » [RDK], ont tenté plusieurs incursions en Russie, en particulier dans le secteur de Belgorod. Mais n’ayant été que des coups d’épée dans l’eau, ces « raids » ont été critiqués pour n’avoir servi qu’à gaspiller des ressources qui auraient été plus utiles ailleurs.
Le 6 août, alors que les forces russes continuent de grignoter dans l’oblast de Donetsk, au point de menacer désormais la localité de Pokrovsk, qui abrite un important centre logistique de l’armée ukrainienne, Kiev a mobilisé des moyens relativement importants pour lancer une nouvelle incursion en Russie, précisément dans la région de Koursk.
Contrairement aux fois précédentes, les unités mobilisées relèvent de l’armée régulière ukrainienne. Il serait en effet question de bataillons issus de la 22e brigade mécanisée et de la 82e brigade d’assaut aérien. Après avoir été visée par des drones et des missiles, la ville de Soudja [5000 habitants], située à 10 km de la frontière, est passée sous contrôle ukrainien. Or, c’est par cette dernière que transite une partie du gaz russe destiné à la Hongrie, à la Slovaquie et à l’Autriche.
L’offensive ukrainienne s’est poursuivie durant la journée du 7 août, des combats ayant été signalés dans les secteurs de Goncharivka et d’Olechnia. En outre, plusieurs villages auraient été conquis, comme ceux de Daryino, Gornal, Guevo, Kourilovka, Lioubimovka, Nikolayevo-Daryino, Oboukhovka, Pokrovskoïe, Sverdlikovo et Tolsty Loug. En outre, selon des vidéos diffusées via les réseaux sociaux, plusieurs dizaines de soldats russes auraient été faits prisonniers.
À Moscou, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a dénoncé une « une provocation à grande échelle » de Kiev. De son côté, le chef d’état-major des forces russes, le général Valéri Guérassimov, a estimé qu’environ 1000 soldats ukrainiens étaient engagés dans cette incursion lancée dans la région de Koursk, où l’état d’urgence a d’ailleurs été déclaré. Soit trois fois plus que l’évaluation données quelques heures plus tôt par ses propres services.
Cela étant, la situation sur le terrain est confuse. Selon le général Guérassimov, « l’avancée de l’ennemi en profondeur dans le territoire a été stoppée par des frappes de l’aviation et de l’artillerie » mais des combats sont toujours en cours « dans les zones immédiatement adjacentes à la frontière ».
Cependant, ce 8 août, le ministère russe de la Défense a fait savoir, via son canal Telegram, que « les tentatives d’unités individuelles visant à pénétrer sur le territoire en direction de Koursk sont en train d’être stoppées » et que « l’opération de destruction des unités des forces armées ukrainiennes se poursuit ». Et cela après avoir assuré que les pertes « ennemies » s’élevaient à « 660 militaires et à 8 chars, 12 véhicules blindés de transport de troupe, 6 véhicules de combat d’infanterie et 55 véhicules blindés ». Ces bilans ne peuvent pas être vérifiés de manière indépendante. Cela vaut également pour ceux communiqués par la partie ukrainienne.
Cette dernière est restée silencieuse depuis le début de cette offensive en direction de Koursk. Seul Mykhaïlo Podoliak, un conseiller du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est risqué à faire un commentaire via X. Selon lui, il s’agit de la « conséquence de l’agression russe ».
« Vladimir Poutine est l’architecte du concept d »autodestruction de la Russie’. Les conclusions sont claires comme de l’eau de roche… La Russie a toujours cru que les normes juridiques ne lui étaient pas applicables, ce qui lui permet d’attaquer en toute impunité les territoires des pays voisins et d’exiger hypocritement… l’inviolabilité de son propre territoire », a-t-il déclaré. « Mais la guerre est la guerre, avec ses propres règles, et l’agresseur en récolte inévitablement les conséquences… », a-t-il conclu.
Les buts de cette incursion dans la région de Koursk restent à préciser. Principaux soutiens de l’Ukraine, les États-Unis sont dans le flou. « Nous allons contacter l’armée ukrainienne pour en savoir plus sur ses objectifs », a en effet déclaré Karine Jean-Pierre, la porte-parole de la Maison Blanche, le 7 août.
En attendant, plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Peut-être qu’il s’agit pour Kiev de contraindre Moscou à revoir son dispositif dans l’oblast de Donetsk et de faire baisser ainsi la pression dans le secteur de Pokrovsk. D’autant plus que la région de Koursk est une base logistique importante pour les forces russes et qu’elle abrite une centrale nucléaire, située à une soixantaine de kilomètres de la frontière.
Autre possibilité : il peut s’agir pour l’état-major ukrainien de mener une opération « médiatique » censée déstabiliser l’opinion publique russe et remobiliser les Occidentaux. À moins que les objectifs soient encore plus ambitieux, l’Ukraine cherchant à s’emparer [et à conserver] des territoires russes pour ensuite les utiliser comme monnaie d’échange lors d’hypothétiques négociations de paix.
La seule chose dont on peut être sûr est que le renseignement militaire russe n’a pas été en mesure de détecter les mouvements de troupes ukrainiens aux abords de la région de Koursk… et donc d’anticiper cette offensive.
En attendant, plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Peut-être qu’il s’agit pour Kiev de contraindre Moscou à revoir son dispositif dans l’oblast de Donetsk et de faire baisser ainsi la pression dans le secteur de Pokrovsk. D’autant plus que la région de Koursk est une base logistique importante pour les forces russes et qu’elle abrite une centrale nucléaire, située à une soixantaine de kilomètres de la frontière.