Si Téhéran décide de lancer son attaque attendue contre Israël, Vladimir Poutine aura certainement son mot à dire. Depuis la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine, les deux pays ont renforcé leur coopération. Ainsi, l'Iran fournit aux Russes des drones, des missiles et des bombes planantes, tandis que Moscou a fourni à Téhéran des radars et des systèmes de défense aérienne pour se défendre contre les représailles.
Mais cela ne suffit pas pour Vladimir Poutine qui veut également avoir son mot à dire dans l'attaque elle-même. Il a des intérêts particuliers dans cette affaire.
Officiellement, le Kremlin demande à l'Iran de faire preuve de retenue lors des mesures de représailles et d'éviter les victimes civiles. C'est ce qu'a déclaré Sergueï Choïgou, ancien ministre russe de la Défense et aujourd'hui secrétaire du Conseil de sécurité, lors de sa visite à Téhéran en début de semaine, au cours de laquelle il a réaffirmé le soutien de la Russie dans la lutte contre Israël.
La raison de cette exigence est que parmi les 9,5 millions d'habitants d'Israël, près de deux millions sont russophones. Il s'agit principalement d'anciens citoyens soviétiques et de leurs descendants. Aujourd'hui encore, l'afflux de Russes est important. Depuis le début de la guerre d'Ukraine, 84'000 Russes ont migré vers Israël selon timesofisrael.com. Des citoyens russes ont également été tués par l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.
Un ennemi commun
La raison de cette étroite collaboration tient en fait en trois lettres: USA. Les États-Unis sont leur ennemi commun. La Russie et l'Iran ont la vision d'un ordre mondial anti-occidental. Ensemble, ils soutiennent par ailleurs le dirigeant Bachar el-Assad dans la guerre civile syrienne. Le chef d'état-major de l'armée iranienne, le major-général Mohammad Hossein Bagheri, a déclaré dès le début de l'année que les relations avec Moscou avaient atteint «une nouvelle dimension». Plusieurs visites réciproques ont eu lieu.
L'Institute for the Study of War (ISW) part du principe que le partenariat militaire sera renforcé, notamment dans le but de dissuader l'Occident de soutenir davantage l'Ukraine. Des manœuvres communes avec la Chine ont également eu lieu.
Une dépendance mutuelle
Il existe déjà aujourd'hui une dépendance mutuelle. L'Iran est devenu un acheteur important de gaz russe. A l'inverse, la livraison de radars et de systèmes de défense prouve, selon l'ISW, la dépendance continue de Moscou vis-à-vis de Téhéran.
La Russie pourrait en effet utiliser le matériel à bon escient dans la guerre en Ukraine. Mardi dernier, des forces ukrainiennes ont percé la frontière russe près de Koursk, causant d'importants dommages et obligeant des milliers de Russes à fuir.
Dans le domaine non-militaire aussi, Téhéran et Moscou se rapprochent de plus en plus. Ulrich Schmid, expert de la Russie à l'université de Saint-Gall confirme: «Il y a beaucoup d'investissements russes en Iran.» Sans compter que les deux Etats coopèrent dans le cadre des BRICS et de l'Organisation de Shanghai.
Inquiétudes face au programme nucléaire
Malgré des cultures et des religions différentes, la collaboration russo-iranienne se renforce. «La religion est le cadet de leurs soucis», assure Ulrich Schmid. La Russie se targue toujours d'avoir, contrairement à l'Occident, des siècles d'expérience dans les relations avec l'islam.
Selon Ulrich Schmid, c'est le programme nucléaire iranien qui inquiète surtout la Russie. Moscou ne veut pas non plus que les mollahs possèdent la bombe atomique. «Mais en raison de son isolement actuel, la Russie met de côté tous ses doutes et choisit des alliés très problématiques.»
Guido Felder