Depuis l’invasion de son territoire par la Russie, le 24 février 2022, l’Ukraine a reçu différents systèmes de défense aérienne de la part de ses principaux partenaires, comme le Patriot, l’IRIS-T SLM, le SAMP/T [ou Mamba], le NASAMS, Hawk, Crotale NG, Aspide, etc. Systèmes qui se sont ajouté à ceux dont les forces ukrainiennes avaient hérité de leur passé soviétique. Cette hétérogénéité n’est pas forcément un gage d’efficacité, faute de pouvoir intégrer ces équipements dans une chaîne de commandement et de contrôle [C2] adaptée.
Cela étant, le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, martèle que la renforcement de la défense aérienne arrive en tête de ses priorités. Et on en comprend la raison à la lumière des chiffres livrés par le général Oleksandr Syrsky, le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, à l’occasion d’un Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, cette semaine.
Ainsi, depuis le début de la guerre, la Russie a tiré 9627 missiles et envoyé 13’997 drones « kamikazes » [ou munitions téléopérées] sur des objectifs situés en Ukraine. Sur ces 23’624 engins, 11’879 ont atteint la cible qui leur avait été désignée. Soit 50 % d’entre eux. Dans le détail, 6203 positions civiles et 5676 emprises militaires ont été touchées.
Parmi ces 23’624 missiles et MTO lancés par la Russie, 11’701 ont été interceptés par la défense aérienne ukrainienne, les autres [44] n’ayant pas pu atteindre leur cible pour des raisons diverses [défaillance technique par exemple].
Étant donné que les forces ukrainiennes ont dû faire avec les systèmes de conception soviétique durant les premiers mois de la guerre, on ne peut pas tirer de conclusion définitive sur l’efficacité de ceux qui leur ont été donnés au titre de l’aide militaire fournie par les pays occidentaux.
Cependant, les statistiques communiquées par le général Syrsky donnent un aperçu sur les performances des missiles et MTO [notamment les Shahed-136 fournis par l’Iran] utilisés par les forces russes. Mais encore faut-il également prendre en considération le fait que la défense aérienne ukrainienne n’a pas forcément toute la latitude nécessaire pour utiliser ses systèmes, faute de pouvoir disposer d’un stock suffisant de munitions.
Reste que celle-ci a néanmoins réussi à intercepter environ 66 % des missiles de croisière Kalibr, Kh-555/101 et R-500 [une variante du Kalibr pour le système Iskander K].
Au passage, le Kh-555/101 [code Otan : AS-15 « Kent »] est le moins efficace de tous, avec 1441 exemplaires interceptés sur 1846 lancés [soit 78 % de pertes].
Cependant, le taux de réussite de la défense aérienne ukrainienne chute à 22 % pour les missiles guidés Kh-59, Kh-35 et autres Kh-31.
Selon le site spécialisé ukrainien Defense Express, qui a relayé ces chiffres, cette différence « s’explique par le fait que les missiles guidés sont généralement tirés vers des cibles situées en première ligne ou à la frontière, c’est-à-dire là où il est impossible de déployer un grand nombre de systèmes de défense aérienne ».
Les missiles balistiques, comme l’Iskander-M, le Tochka U et le KN-23 [de conception nord-coréenne] donnent visiblement du fil à retordre aux forces ukrainiennes, le taux d’interception de ces engins n’étant que de 4,47 %. Même chose pour les missiles de défense aérienne S-300 / S-400 utilisés pour des frappes terrestres : seulement 0,63 % ont été interceptés, sur les 3008 qui ont été tirés.
Mais l’arme la plus redoutable de l’arsenal russe est l’imposant missile antinavire Kh-22 « Bouria » [code Otan : AS-4 « Kitchen »] : sur les 362 qui ont été lancés par les bombardiers Tu-22 et Tu-95, seulement 2 ont pu être interceptés [soit un taux de réussite de 0,55 %].
Enfin, pourtant décrits comme « invincibles », les missiles hypersoniques russes ne sont pas infaillibles. D’après les chiffres du général Syrsky, sur les 111 « Kinjal » tirés par les chasseurs lourds MiG-31K, 28 ont été interceptés [soit 25 % environ]. L’efficacité du Zircon, mis en ְœuvre par la marine russe, n’est pas plus probante : 2 ont été interceptés sur les 6 tirés [soit un tiers], les 4 autres s’étant abattus sur des cibles civiles. Le missile antinavire P-800 Oniks est plus efficace : seulement 12 des 211 exemplaires tirés n’ont pas atteint leur objectif [soit 5,7 %].
S’agissant des munitions téléopérées Lancet et Geran-2 [déclinaison russe du Shahed-136 iranien], c’est leur nombre qui pose un problème. Utilisés en masse, un certain nombre finit par atteindre les cibles désignées. En effet, sur les 13’997 lancés par les forces russes, 9272 ont été détruits par la défense aérienne ukrainienne [soit un taux de réussite de 66 %].