Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 5 juillet 2024

Le GUR donne les détails d’une opération menée contre une corvette russe

 

Début juin, le porte-parole des forces navales ukrainiennes a affirmé que le « destroyer » russe Amiral Levtchenko [classe Oudaloï] avait été victime d’un incendie au niveau de sa salle des machines, alors qu’il naviguait en mer de Barents. Seulement, quelques jours plus tard, une photographie montrant le navire en question sans dommages apparents [et sans numéro de coque] a été diffusée sur le réseau social VK, avec la légende « sous le soleil de juin ». Et, la semaine passée le ministère russe de la Défense a affirmé qu’il venait de terminer un « exercice de défense aérienne ».

Qu’en penser ? Évidemment, que la marine ukrainienne puisse évoquer le sort d’un navire de guerre russe naviguant dans une région située à plus de 1500 km de celle de la mer Noire a de quoi étonner… Cependant, il y a eu un précédent : le 8 avril, la Direction principale du renseignement militaire ukrainien [GUR] avait revendiqué un incendie survenu à bord de la corvette Serpoukhov [classe Bouïan-M], affectée en temps normal à la base navale de Baltiïsk, à Kaliningrad.

À l’époque, pour appuyer ses affirmations, le GUR avait publié une vidéo montrant les plans de la corvette ainsi qu’un engin incendiaire placé dans l’un de ses compartiments. Et d’expliquer que le feu avait ravagé « ses moyens de communications ». Cela étant, l’état-major russe s’était gardé de faire le moindre commentaire.

Trois mois plus tard, alors que la situation sur la ligne de front est compliquée pour les forces ukrainiennes, en particulier au niveau de la localité de Chasiv Yar, dont le contrôle permettrait aux forces russes de pousser vers les villes de Kramatorsk et de Sloviansk ainsi que vers le secteur de Dnipropetrovsk, le GUR est revenu sur l’incendie de la corvette Serpoukhov en livrant de nouveaux détails.

Ainsi, le navire russe a fait l’objet de l’opération spéciale « Rybalka » [« Pêcheur »], qui n’est pas sans rappeler celle qui, appelée « Synytsia » [« Mésange »], avait permis au GUR de mettre la main sur un hélicoptère russe Mil Mi-8 chargé de pièces de rechange d’avions de combat, en août 2023. Pour rappel, ce coup n’avait pu réussir que grâce à la défection du pilote de l’appareil.

En effet, lors d’une conférence de presse donnée le 3 juillet, le porte-parole du GUR, Andriy Youssov, a expliqué que, planifiée en 2023, l’opération « Rybalka » avait été exécutée par un marin de l’équipage de la corvette ayant décidé de faire défection.

Surnommé « Goga », celui-ci avait précédemment pris contact avec le renseignement militaire ukrainien et accepté de « neutraliser » le navire à bord duquel il servait. D’où les images de l’engin incendiaire produites par Kiev. Mieux encore, il aurait également livré des « informations secrètes sur la flotte de la Baltique et l’industrie militaire russe ». Ce qui semble suggérer que ce n’était pas qu’un simple matelot… D’après ses déclarations, il totalisait 11 ans de service au moment des faits.

« C’était notre première opération contre la flotte de la Baltique. Pour l’ennemi, c’était un choc et une grande surprise. Après cette opération, il y a eu des enquêtes, des sanctions et des remaniements. Il est clair que certaines têtes sont tombées », a fait valoir le porte-parole du GUR, sans apporter plus de détails.

Quant au marin russe à l’origine du sabotage de la corvette, il a réussi à prendre la fuite et à rejoindre la légion « Liberté de la Russie ». Présent à la conférence de presse, il a raconté qu’il avait « essayé de démissionner » après le début de la guerre en Ukraine.

« J’ai dit que je ne pouvais plus servir dans l’armée. Le commandant a été choqué quand il a lu cela. Il m’a immédiatement imposé un examen psychologique. Il pensait que je n’étais pas normal pour m’opposer aux autorités. Un psychiatre a remis un rapport au commandement et à toutes les autorités pour décider de ce qu’il fallait faire de moi », a expliqué « Goga ».

« Le parquet a ouvert une procédure administrative contre moi. Le procureur a lu le rapport et a dit que je ne pouvais pas démissionner, que ce serait le premier et le dernier avertissement. Et il m’a laissé partir. Aucune sanction n’a été prise contre moi. Et j’ai continué à servir sur mon navire », a-t-il poursuivi… Et avec la suite que l’on connaît.

Mais sans doute aurait-il mieux fait de rester dans l’ombre… car nul doute que les services russes tenteront de le retrouver pour lui faire subir le même sort que celui du capitaine Maxim Kouzminov, le transfuge de l’opération « Synytsia ». Réfugié en Espagne sous une nouvelle identité, il a été assassiné en février dernier, près d’Alicante.

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