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jeudi 18 juillet 2024

En mer du Nord, les câbles sous-marins attirent les « bateaux fantômes »

 


D’une surface d’environ 570’000 km², bordée par la France, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, le Danemark, la Norvège et le Royaume-Uni, la mer du Nord est un carrefour non seulement de voies de navigation essentielles pour le commerce maritime mais aussi de câbles sous-marins de télécommunications reliant le continent nord-américain à l’Europe, comme l’Atlantic Crossing-1. En outre, prisée pour ses abondantes ressources halieutiques, elle est aussi une zone de première importance en matière d’énergie, avec ses sites d’exploitation d’hydrocarbures et ses parcs d’éoliennes. En un mot, elle est stratégique.

D’où l’intérêt que lui porte la Russie, qui, sous couvert de recherches scientifques, y envoie régulièrement des navires océanographiques. Fin 2022, l’un d’eux, en l’occurrence « l’Amiral Vladimirsky », fit parler de lui pour avoir navigué près des parcs éoliens situés au large du Danemark et du Royaume-Uni. Une équipe de journalistes de la chaîne de télévision danoise DR qui s’en était approchée avec une embarcation légère avait été priée de déguerpir par deux soldats encagoulés et armés.

Diffusé justement par DR en avril 2023, le documentaire « La guerre de l’ombre » mit en évidence le recours par le renseignement russe à des chalutiers dotés d’équipements de surveillance et de collecte de données pour sillonner la mer du Nord. Comme au temps de la Guerre froide et de l’Union soviétique.

Une telle activité n’est pas toujours aisée à quantifier, étant donné que les navires se livrant à des activités suspectes et/ou illégales coupent généralement leur système AIS [Automatic Identification System], dont la finalité est de permettre d’identifier et de localiser les bateaux.

Ce dispositif est obligatoire pour tous les navires de plus de 15 mètres de long ou pouvant accueillir plus de 11 passagers à leur bord. Les petits chalutiers et les voiliers ne sont donc pas tenus de s’y soumettre.

Cela étant, avec le soutien du ministère des Armées, l’entreprise française Unseenlabs a mis au point une capacité de surveillance maritime reposant sur la détection de radiofréquence [RF] par satellite. En clair, celle-ci permet de repérer et de suivre les navires ayant désactivé leur AIS [ou qui n’en ont pas] grâce à leurs émissions électromagnétiques.

Ainsi, les 12 et 13 février, Unseenlabs s’est particulièrement intéressée à la mer du Nord. Les résultats de cette courte « campagne » ont été publiés ce 18 juillet. Au total, 637 bateaux ont été détectés… et parmi eux, 7 % [soit 43 exactement] n’avaient pas d’AIS actif. Soit parce qu’ils n’étaient pas tenus d’en posséder un, soit parce qu’ils souhaitaient rester sous les radars.

Mais le plus intéressant est que, d’après les cartes fournies par Unseenlabs, plusieurs de ces navires « fantômes » – une bonne vingtaine – ont été repérés soit le long de plusieurs câbles sous-marins de télécommunications [AC-1, Leif Erikson et le BT Highlands and Islands Submarine Cable System], soit à proximité d’un parc éolien offshore.

« Cette étude de cas démontre la nécessité de protéger les infrastructures vitales de la mer du Nord face aux menaces maritimes croissantes. La technologie avancée d’Unseenlabs permet de surveiller les navires, de fournir des données exploitables pour atténuer les risques et prévenir les dommages potentiels », a ainsi fait valoir la PME française.

Cette menace sur les infrastructure critiques a d’ailleurs incité l’Otan à lancer le programme HEIST [Hybrid Space and Submarine Architecture project to Ensure Information Security of Telecommunications], lequel vise à détecter les anomalies sur les câbles sous-marins et, le cas échéant, ) réorienter le trafic Internet vers des systèmes satellitaires.

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