Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 17 juillet 2024

Avions-radars, quel avenir pour les guetteurs du ciel ?

 

Pendant la période de la guerre froide, le marché des avions de contrôle et d’alerte avancée (AEW&C, Airborne Early Warning and Control) était incontestablement dominé par les E‑3 Sentry et E‑2 Hawkeye américains. Ces avions-­radars, véritables postes de commandement aériens, étaient alors très complexes à concevoir, mais aussi à opérer. Néanmoins, améliorant les systèmes qu’ils ont mis au point dès la fin de la guerre froide, certains experts de l’électronique comme Saab, ELTA ou IAI sont en train de renforcer les positions qu’ils ont réussi à conquérir sur un marché longtemps dominé par les avionneurs américains Boeing et Northrop Grumman… qui n’ont cependant pas dit leur dernier mot.

Dès la fin des années 1980, deux révolutions technologiques viennent annoncer le futur changement de paradigme dans le milieu des AEW&C. D’une part, les technologies d’antennes radar à balayage électronique actives (AESA) permettent désormais de développer des radars plats et fixes performants. Fini donc les imposants rotodômes qui tournent en continu au-­dessus de l’avion porteur : l’AESA peut se fixer sur les flancs, le dos ou le ventre d’un appareil, en s’adaptant à différents modèles d’avions. Dès lors, les programmes d’AEW&C peuvent être menés par des électroniciens qui choisiront leur cellule sur étagère, et non plus par les grands fabricants d’avions militaires.

D’autre part, l’augmentation de la puissance de calcul informatique permet de développer des logiciels et des algorithmes de traitement du signal très efficaces, réduisant la charge de travail des opérateurs, et donc la taille des équipages. Les premiers modèles reposant sur cette architecture, comme l’EL/M‑2075 Phalcon israélien, sont encore imposants. Mais la miniaturisation des composants va permettre aux électroniciens – notamment suédois et israéliens – d’intégrer leurs systèmes sur des avions plus légers et avec un équipage réduit, rendant leurs offres plus personnalisables et abordables.

Nouvelles technologies et multiplication des plateforme

Aujourd’hui, le marché des avions AEW&C est sans doute plus intéressant que jamais. Ayant miniaturisé leur équipement, les israéliens IAI et ELTA proposent désormais le système EL/W‑2085, intégré dans le fuselage d’un Gulfstream G550 et exporté en Italie et à Singapour. Si l’Inde développe son propre AEW&CS Netra, monté sur Embraer‑145, elle avait auparavant fait l’acquisition de l’EL/W‑2090, une version du système intégrée dans le rotodôme d’un Beriev A‑50, l’avion-­radar de conception russe qui a aussi inspiré le KJ‑2000 chinois. Contrairement à l’A‑50 de base, les variantes indiennes et chinoises utilisent des antennes AESA placées dans le rotodôme de l’avion. Cette approche qui combine l’agilité électronique de l’antenne AESA et le positionnement mécanique du rotodôme a également été choisie par Northrop Grumman pour son E‑2D Advanced Hawkeye, en cours de production pour l’US Navy et la Marine nationale.

Du côté de chez Boeing, la cellule du 707 était résolument trop ancienne, et l’AWACS basé sur le 767 n’avait trouvé preneur qu’au Japon. C’est donc le Boeing 737 qui a été choisi comme base au remplaçant de l’AWACS. Désigné E‑7 Wedgetail, le nouvel appareil est doté d’un radar AESA (fabriqué par Northrop Grumman et placé au-­dessus de l’avion), et est entré en service en Australie en 2010. Il a depuis été vendu en Turquie, en Corée du Sud, mais aussi plus récemment au Royaume-­Uni et enfin aux États-­Unis. Et l’avion, dans sa dernière version, est déjà candidat au renouvellement des 14 AWACS opérés directement par l’OTAN et pourrait bien, dans quelques années, être proposé à la France pour le remplacement des E‑3F Sentry récemment modernisés.

Mais, sur ces deux marchés, Boeing devra faire face à un sérieux concurrent : Saab. Le groupe suédois dispose en effet de décennies d’expérience en matière de systèmes AEW&C, notamment grâce à sa gamme de radars Erieye qui a su s’adapter, au fil des années, sur un large panel d’avions : Saab 340, Saab E‑2000, Embraer‑145… De quoi en faire, avec une trentaine d’appareils en service ou en commande pour le compte d’une dizaine de pays, le système AEW&C le plus répandu au monde après les E‑3 et E‑2 américains. Désormais, le système Erieye‑ER (Extended Range) est proposé sur la base d’un avion d’affaires Bombardier Global 6000/6500, déjà vendu en Suède et aux Émirats arabes unis. Portant le nom de GlobalEye, ce système est bien plus qu’un AEW&C puisque, outre l’Erieye positionné au-­dessus de l’avion, il peut embarquer un radar ventral pour la surveillance maritime et terrestre, une boule optronique multifonctions, et une suite SIGINT. De quoi en faire un avion de détection lointaine de référence pour toutes les opérations aériennes, aéroterrestres et aéromaritimes.

Fusion de données, IA et polyvalence des plateformes

Les capacités théoriques offertes par ces AEW&C de dernière génération sont impressionnantes, mais en réalité assez logiques, étant donné l’évolution des technologies ces dernières années. Si, extérieurement, les antennes Erieye et Erieye‑ER se ressemblent beaucoup, tout comme celles de l’E‑7 de Boeing, du KJ‑200 chinois ou du Netra indien par exemple, les systèmes embarqués dans les AEW&C modernes sont proprement révolutionnaires si on les compare à ce qui se faisait il y a une vingtaine d’années. Concrètement, les systèmes informatiques de commandement, de contrôle et de gestion du combat font désormais la part belle à la fusion de données (y compris en provenance de transmissions externes), et les algorithmes d’intelligence artificielle viennent simplifier et fluidifier le travail des opérateurs embarqués. Cela permet à ces derniers de traiter plus efficacement un plus grand nombre de menaces, et donc d’étendre leur champ d’action aux opérations terrestres et navales, si nécessaire.

Disperser et multiplier la mission AEW&C : vers un nouveau paradigme ?

Si les technologies actuelles permettent de concevoir des avions de commandement plus performants et plus polyvalents que jamais, l’évolution attendue dans les domaines des IA, des transmissions par satellite, des communications laser ou encore des liaisons de données sécurisées permet d’entrevoir le futur de la mission AEW&C. D’ici à quelques années, des drones intégrant des antennes AESA ultraplates directement dans leurs ailes pourraient servir de piquets radars à longue distance, effectuant un prétraitement de l’information grâce à des IA embarquées, avant de transmettre leurs données par satellite à l’ensemble du réseau. Les avions AEW&C, déployés à proximité du champ de bataille, pourront aussi prendre le contrôle direct de flottes de drones de détection chargés d’étendre leur bulle de surveillance, tout en contrôlant directement des missiles de croisière ou des remote carriers armés (voir notre article p. 30), si la mission l’exige. Cette dilution sur de multiples vecteurs interconnectés offrirait à la mission AEW&C plus de redondances, de permanence et de performances, et la rendrait virtuellement indispensable à la conduite de toutes les opérations militaires à venir.

Le point de vue de Saab : GlobalEye, un atout national pour la sécurité

Les menaces sont aujourd’hui multidomaines et nécessitent les efforts coordonnés de différents systèmes d’armes, de ressources civiles et militaires, voire de contributions d’autres pays. Face à une situation critique, il est donc nécessaire de pouvoir contrôler toutes les dimensions de la menace et optimiser rapidement la connaissance situationnelle afin d’aider à la décision. Pour cela, la capacité à échanger des informations en temps réel entre toutes les forces concernées est essentielle.

En situation de crise, voire de conflit de haute intensité, la mise en œuvre de la solution de détection et de commandement aéroporté (Airborne Early Warning & Control : AEW&C) GlobalEye de Saab est un facteur déterminant. GlobalEye apporte un avantage considérable à toute nation soucieuse de protéger son intégrité territoriale. GlobalEye peut fonctionner de façon autonome ou être facilement intégré à d’autres ressources nationales.

Une ressource nationale stratégique

Au cœur du GlobalEye, deux éléments principaux permettent des échanges d’informations et une connectivité interdomaines. Le premier est son système de commandement et de contrôle (Battle Management Command & Control : BMC2) qui assure un haut niveau de performance en termes de surveillance multidomaines et d’information en temps réel. Le second élément est un ensemble de capteurs actifs (Radar Erieye Extended Range notamment) et passifs (dont les équipements d’autoprotection et de guerre électronique) capables de traiter toutes les menaces, dans tous les domaines – qu’il s’agisse de signaux électroniques, de missiles hypersoniques, d’avions de chasse furtifs ou encore d’objets aériens de petite taille, lents et à basse altitude.

Lors d’opérations interarmées, c’est une multitude de personnes et d’unités différentes, mais également de systèmes qui sont impliqués et doivent fonctionner ensemble – communications, capteurs ou encore systèmes d’armes et systèmes de commandement et de contrôle. Pour créer un avantage informationnel décisif dans les opérations multidomaines, toutes les forces engagées doivent pouvoir intégrer leurs informations et les données de leurs capteurs dans un réseau conjoint afin d’aboutir à une vue d’ensemble commune.

La solution AEW&C GlobalEye crée et maintient à jour les situations aérienne, maritime et terrestre grâce aux données des capteurs et des effecteurs, y compris en utilisant les données d’une ressource extérieure, puis partage sans délai ces situations avec les forces amies et alliées.

Un système de capteurs aéroportés d’ultra-longue portée

GlobalEye révèle sa véritable force lorsque toutes les informations multidomaines générées sont enregistrées, combinées et fusionnées. GlobalEye doit rapidement et efficacement traiter la très grande quantité de données qu’il gère afin de repérer instantanément les tendances et les écarts susceptibles d’influer sur le cours des évènements. Les fonctionnalités d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique garantissent une analyse performante des données en temps réel et viennent compléter pertinemment les renseignements disponibles dans le système de commandement et de contrôle.

La connectivité à travers tous les domaines crée des avantages tactiques, opérationnels et stratégiques uniques, ce qui procure au commandement un soutien décisionnel efficace et lui permet d’établir et de partager des situations reconnues fiables, cohérentes et en temps réel. Il est important que les décideurs disposent d’informations correctes et à jour plutôt que de tous les détails.

À plus de 35 000 pieds d’altitude opérationnelle, la solution multidomaines aéroportée GlobalEye est capable de détecter, d’identifier et de suivre un très grand nombre d’objets et de signaux différents à des distances allant jusqu’à 650 km. GlobalEye est la seule solution AEW&C du marché capable aujourd’hui de fournir des renseignements à une si longue distance sur des objets aériens, maritimes et terrestres, en temps réel et depuis une plateforme unique. Système de capteurs aéroportés d’ultra longue portée, GlobalEye peut alerter et exploiter d’autres capteurs au sein du réseau, augmentant ainsi le préavis pour la mise en œuvre de mesures adaptées aux menaces détectées.

Garantir la sécurité des populations et de la société

GlobalEye est conçu pour effectuer des missions aussi bien pour le domaine civil que le domaine militaire, y compris dans des scénarios d’opérations conjointes. Réunir toutes ces capacités au sein d’une seule et même solution est évidemment plus efficace pour répondre aux défis sécuritaires, alors que la frontière entre les menaces civiles et militaires s’estompe. Prédire la nature et l’étendue des futurs conflits et des enjeux de sécurité est extrêmement complexe. Protéger les personnes et les nations dans de telles conditions impose de pouvoir fournir des informations d’alerte avancée en continu et des renseignements multidomaines fiables et à jour.

Yannick Smaldore

areion24.news