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mardi 16 juillet 2024

Selon la DRSD, la Chine mène une campagne massive de débauchages dans les milieux scientifiques français

 

Fin juin, devant la commission d’enquête du Sénat sur les ingérences étrangères, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait notamment révélé que 150 « atteintes physiques » [intrusions, cambriolages, sabotages, etc.] avaient visé des entreprises de la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française entre 2021 et 2023.

On « n’est pas sur une petite opération de cyberattaque, mais bel et bien sur une opération beaucoup plus structurée de gens qui – au gré d’une visite, au gré d’un cambriolage qui paraît quelconque – tentent une intrusion dans une industrie de défense et dont il nous est clairement apparu que ça n’avait rien de domestique, que c’était bel et bien commandité par un acteur étranger », avait ensuite expliqué le ministre. Et d’ajouter : « C’est quelque chose qui est très ‘Guerre froide’, mais qui n’a jamais disparu et qui reprend une force particulière depuis deux ans ».

Faut-il comprendre que la Russie est principalement à l’origine de ce phénomène ? Sans doute… Mais d’autres acteurs pourraient être tentés de s’en prendre à la BITD, à en croire une note que vient de publier la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense [DRSD, contre-espionnage militaire, ndlr].

« Les différents appels à dénoncer et entraver les ventes d’armement français sur fond de conflits en Europe de l’Est comme au Moyen-Orient, pourraient se traduire dans les prochains mois par des actions plus ciblées [manifestations, envahissement de sites, sabotages, etc.]. À cet effet, l’exposition médiatique de certains sites doit faire l’objet d’une attention toute particulière

et d’une parfaite maîtrise, tant il est vrai qu’elle peut attirer l’attention de certains acteurs malveillants », a en effet mis en garde la DRSD.

Cela étant, ces « atteintes physiques » ne sont que la partie émergée de l’iceberg, les ingérences pouvant prendre plusieurs formes, comme les attaques « réputationnelles », les intrusions informatiques, les prises de contrôle capitalistique, l’instrumentalisation du droit [« Lawfare »] ou encore, plus simplement, les menaces « humaines » [pressions, chantage, débauchage, etc.].

Or, il se trouve que Pékin est souvent à la baguette en matière d’ingérence. « La Chine mène des opérations plus larges que la Russie, car elle dispose de plus de moyens financiers, mais aussi de ressources humaines importantes », avait ainsi souligné Paul Charon, directeur du domaine « renseignement, anticipation et stratégies d’influence » à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire [IRSEM] devant la même commission d’enquête sénatoriale.

La Chine a la capacité de mener des actions « plus larges » mais aussi plus « ciblées », comme cela s’est récemment produit aux États-Unis. « Nous avons ainsi découvert une opération visant à empêcher l’ouverture d’une usine de traitement des terres rares au Texas, en discréditant les opérateurs et en insistant sur le coût environnemental pour faire capoter le projet. On voit aussi des opérations qui s’apparentent aux ‘mesures actives’ soviétiques, consistant à jeter de l’huile sur le feu dès qu’il y a des tensions sociales, ethniques ou religieuses. Elles visent très souvent les États-Unis », avait relaté M. Charon.

Cependant, la note de la DRSD n’évoque pas de faits similaires concernants la France. En revanche, elle a donné un petit aperçu des ingérences chinoises affectant la BITD, lesquelles avaient été évoquées en 2022 par le Secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale [SGDSN], Stéphane Bouillon, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. « De nombreux Chinois s’intéressent à nos intérêts en pratiquant l’infiltration et l’espionnage. […] Des chinois espionnent à tire-larigot et s’en donnent à cœur joie en matière d’entrisme, de pénétration et de tentatives de captations », avait-il dit.

Ces ingérences chinoises se matérialisent le plus souvent par des « atteintes dites humaines » [chantage, faux entretiens de recrutement, débauchage, vol d’ordinateurs, etc.]. Leur nombre, avance la DRSD, a continué de croître en 2023 pour représenter 45 % des atteintes.

« Certains collaborateurs, dirigeants, ingénieurs ou agents commerciaux, notamment à l’occasion de déplacements professionnels à l’étranger, ont subi des tentatives de chantage reposant sur des infractions, réelles ou supposées, à la législation nationale afin d’obtenir de leur part des informations sensibles sur leur entreprise », explique la DRSD.

« En parallèle de ce mode opératoire, certaines nations et sociétés concurrentes mettent en place de véritable stratégies de débauchage visant à capter, notamment à l’occasion de voyages d’affaires, le savoir-faire et les connaissances des collaborateurs d’entreprises françaises. Ces modes opératoires peuvent être précédés d’approches par le biais de faux entretiens de recrutement, qui se sont multipliées en 2023 à la faveur de l’expansion constante de l’usage des réseaux sociaux », a-t-elle poursuivi.

Or, ces actions, auxquelles s’ajoute une « épidémie » de vols d’ordinateurs, « s’inscrivent au cœur de stratégies souvent plus larges d’influence, de lobbying et d’entrisme, fréquemment employées par certains états offensifs », soutient la DRSD.

De son côté, la Direction générale de la sécurité intérieure [DGSI] publié régulièrement des « Flash ingérence » dans lesquels sont décrits les méthodes utilisées pour approcher le personnel des entreprises et des centres de recherche sensibles. De telles approches peuvent se faire en dehors du cadre professionnel [via une association sportive, voire un… restaurant situé près d’une structure travaillant pour la défense]. Mais la DRSD a donné un cas précis, impliquant la Chine.

« Depuis novembre 2022, un cabinet de conseil chinois mène une campagne massive de débauchages dans le milieu de la recherche scientifique française. Dans ce cadre, les structures de recherche contribuant à la défense sont particulièrement ciblées », explique-t-elle avant de révéler qu’elle a ainsi « pu confirmer que plus de 650 approches échelonnées ont été identifiées au cours de l’année 2023 ».

Par ailleurs, s’il est souvent question d’éventuels rachats d’entreprises sensibles françaises par des acteurs américains, Pékin en fait autant… mais en passant sous les radars. « La Chine qui investit en France dans les secteurs sensibles de l’industrie, l’énergie, la santé, l’électronique et les télécommunications, contourne parfois les restrictions croissantes imposées par

la législation française aux investisseurs étrangers en utilisant des sociétés chinoises qui procèdent à des investissements sous le seuil de déclenchement du contrôle IEF [investissements étrangers en France], soit 10 % du capital pour les sociétés cotées ou 25 % pour les sociétés non-cotées », a observé la DRSD.

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