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mercredi 17 juillet 2024

USA 2024 : une élection présidentielle inédite aux enjeux historiques

 

En novembre prochain doivent se tenir aux États-Unis des élections présidentielles, dans un contexte de polarisation extrême de la société. Comment se déroule la campagne jusqu’à présent ? Quels sont les principaux thèmes de campagne ?

Il y a deux aspects particuliers à cette élection. Premièrement, il est très rare de voir une reprise d’un affrontement déjà expérimenté quatre ans auparavant. La dernière fois remonte à 1956. Deuxièmement, les primaires n’ont pas été compétitives. Par conséquent, plusieurs mois avant les conventions des partis démocrate et républicain, nous savions déjà quels seraient les candidats. Cela crée une dynamique particulière qui personnalise cette campagne et fait que l’on est davantage dans un registre négatif vis-à-vis de Biden ou de Trump.

Le thème récurrent à chaque élection et qui unit les deux campagnes est la fameuse question que l’on pose toujours : « Est-ce que les choses sont mieux maintenant qu’il y a quatre ans ? » Du côté des républicains, on affirme que les choses allaient mieux il y a quatre ans, lorsque Trump était au pouvoir : l’économie était prospère, il n’y avait pas de guerre en Ukraine, ni au Moyen-Orient, pas de problèmes à la frontière sud et pas d’inflation. Du côté des démocrates, on rappelle qu’il y a quatre ans, c’était la crise du coronavirus, mal gérée selon eux, et que les États-Unis avaient une image ternie à travers le monde. Il semble que, jusqu’à présent, ce qui prédomine dans la campagne américaine est la capacité à entretenir une certaine nostalgie parmi l’électorat. Certains électeurs, y compris des progressistes qui ne voteraient jamais pour Trump, peuvent parfois se surprendre à dire qu’il y avait plus de stabilité à cette période, moins d’inflation, et des affaires internationales moins agitées. Bien sûr, cela comporte un biais cognitif, car cela ne met pas en avant les aspects négatifs comme la gestion du coronavirus sous Trump. Néanmoins, cette nostalgie semble favoriser la campagne de Trump en misant sur la question : « Êtes-vous dans une meilleure situation qu’il y a quatre ans ? »

Pourtant, le bilan économique de Joe Biden n’est pas si mauvais, mais il a du mal à le vendre ou à le défendre. Quels sont les indicateurs que l’on utilise pour dire que les choses vont bien ? Traditionnellement, l’indicateur numéro un est évidemment la situation de l’emploi aux États-Unis. Avec un taux de chômage historiquement bas, si on devait s’en tenir à cet indicateur, Biden devrait se diriger vers une réélection triomphale. Le problème réside dans les séquelles laissées par l’inflation. Bien que celle-ci ait été partiellement résorbée, le taux d’inflation annuel est revenu à des dimensions plus courantes, mais les Américains ressentent encore son impact dans leurs achats quotidiens. L’accès à la propriété est également un problème majeur, notamment avec les taux d’intérêt considérablement augmentés par la banque centrale des États-Unis. Tout cela fait que, malgré une économie américaine globalement performante et une excellente situation de l’emploi, les Américains de la classe moyenne et des classes plus défavorisées n’ont pas l’impression de vivre des jours de splendeur.

Comment expliquer que l’on se retrouve à nouveau en 2024 avec un duel opposant Joe Biden à Donald Trump ? Est-ce que cela peut s’expliquer par un trop faible renouvellement de la classe politique américaine ? Car 2028 arrivera vite…

Il n’existe pas de problème de renouvellement de la classe politique, car il y a en réalité, dans les deux partis, beaucoup de jeunes qui ont de grandes ambitions.

Du côté des républicains, on commence à les voir, notamment ceux qui se préparent pour être les colistiers de Trump en 2024. Le choix du vice-président est crucial, car cette personne sera bien placée pour devenir la figure de proue du parti en 2028, à moins que la situation ne se termine comme avec Mike Pence (1). Le problème n’est pas tant le renouvellement de la classe politique en lui-même, mais plutôt l’influence dominante de Donald Trump. Ce dernier a amené avec lui un nouvel électorat qui sert de base au parti républicain et qui lui est extrêmement fidèle. C’est un électorat, et on l’a vu dans les élections de mi-mandat entre autres, qui ne serait pas forcément allé voter si ce n’était pas son nom qui était marqué sur les bulletins de vote. En sachant que le parti républicain a perdu une bonne partie de sa base traditionnelle, il doit s’adapter à cette base qui soutient fermement Trump.

Historiquement, jusqu’aux années 1950, il faut garder en tête qu’il était assez courant de voir un candidat présidentiel perdre une élection et revenir à la tête du parti à l’élection suivante. On a vu cela avec Adlai Stevenson et Thomas Dewey dans les années 1940. De nos jours, un candidat qui perd une élection est généralement rejeté. Voir Trump revenir comme candidat et dominer les primaires est remarquable. Il y a eu des tentatives de s’opposer à lui, comme celles de Ron DeSantis et de Nikki Haley, mais la popularité de Trump auprès de sa base électorale est trop forte pour être battue. Cela devient presque inutile de s’opposer à lui et ceux qui ont tenté de le faire ont eu du mal à se distinguer de Trump tout en cultivant son soutien parmi la base républicaine. Tant que Trump est dans le décor, il occupe l’espace pour être le candidat des républicains.

Du côté des démocrates, la situation est différente. Il y a des dynamiques très structurelles et une génération de démocrates plus âgés qui s’accrochent à leurs postes, comme on l’a vu au Congrès. Même si Nancy Pelosi a fini par renoncer à son rôle de leader des démocrates, cela a pris du temps. Ce sont des octogénaires qui ne font pas beaucoup de place aux jeunes. Joe Biden a obtenu la nomination en 2020 en promouvant d’être un candidat de transition, qui n’allait déplaire à personne, sans faire nécessairement plaisir à qui que ce soit. Au fond, il y avait l’espoir qu’il ne ferait qu’un seul mandat. Cependant, lorsqu’il a décidé de briguer un second mandat, même s’il est âgé et que sa popularité n’est pas si élevée que ça au sein de l’électorat démocrate, il a obtenu le soutien de l’establishment démocrate, qui a dissuadé d’autres candidats de se présenter. Cela s’explique par le fait qu’il y a une chose qui ne change pas dans l’histoire américaine : un président en exercice qui décide de briguer un second mandat, dans l’histoire contemporaine des États-Unis, va généralement l’obtenir.

Il faut comprendre aussi que les jeunes démocrates qui voudraient éventuellement devenir candidats présidentiels en 2028 ont tout intérêt à attendre quatre ans plutôt que de lancer un défi contre Biden et d’être marginalisés au sein du parti. La patience est donc une vertu qu’ils ont su cultiver, notamment parmi les plus ambitieux qui aspirent à devenir candidats à la Maison-Blanche. C’est réellement en 2028, si Donald Trump ne cherche pas à briguer un troisième mandat ou à être candidat des républicains, que l’on pourra voir un renouvellement politique marquant où il y aura probablement au moins une vingtaine de candidatures dans les deux partis.

Avec deux candidats qui dépasseront les 80 ans en fin de mandat, quid du choix des vice-présidents ? Est-il plus stratégique que jamais, avec une réelle perspective d’accéder au pouvoir ?

Ce choix est toujours stratégique dans l’époque contemporaine des États-Unis, et notamment depuis Harry Truman qui accéda à la Maison-Blanche à la fin de la Seconde Guerre mondiale sans savoir que les États-Unis travaillaient sur la bombe atomique. Par la suite, pendant la guerre froide, lors du mandat d’Eisenhower, qui avait eu des problèmes cardiaques, une forte confiance s’est développée aux États-Unis envers des candidats vice-présidents capables de devenir présidents à tout moment, même lorsqu’il y a un candidat jeune. C’est d’autant plus un enjeu pour les élections de novembre que les cartes se préparent dès aujourd’hui pour 2028. La personne que Trump choisira pour être son colistier, pour peu qu’elle réussisse à traverser quatre ans de l’administration Trump, sera vraisemblablement bien positionnée pour 2028, surtout si Trump accepte de lui apporter son soutien. Déjà, certains noms émergent plus que d’autres. Le nom que l’on entend le plus est celui du sénateur de Caroline du Sud, Tim Scott, un Afro-Américain qui a fait brièvement campagne pour la présidentielle cette année sans se mettre Trump à dos, ce qui est un atout pour lui. Il est également reconnu pour avoir de très bonnes relations au sein du parti républicain, un peu comme Mike Pence en 2016. Cela ne signifie pas que son destin est semblable à celui de Pence s’il devenait vice-président, mais son profil est similaire : il peut parler à la base traditionnelle du parti républicain tout en étant loyal au président.

Du côté des démocrates, Kamala Harris est à nouveau la colistière de Joe Biden. Harris a cependant le problème de ne pas être très populaire, notamment auprès de l’électorat démocrate et de manière générale. Mais si Biden est réélu, elle aura quatre ans pour améliorer son profil et préparer sa candidature pour 2028, ce qui lui donnerait de bonnes chances. Harris a tout ce qu’il faut pour devenir présidente en cas de problème de santé ou de décès de Biden.

Que penser de la candidature de celui qui est présenté comme le troisième homme : Robert F. Kennedy Jr. ?

Il est difficile de se prononcer sur son cas. Ce qui est certain, c’est que les Américains — tous les sondages le montrent — ne sont pas satisfaits des deux choix principaux qui leur sont proposés. Cependant, cela ne veut pas dire que Kennedy Jr. arrive à créer un réel engouement pour ses idées. On a l’impression que les gens le connaissent relativement peu. C’est un Kennedy, donc cela aide à attirer l’attention, mais très peu ont dû prendre le temps d’étudier ses prises de position qui sont, somme toute, assez éclectiques : il s’oppose viscéralement aux vaccins, soutient inconditionnellement Israël, mais est contre l’aide à l’Ukraine et, supposément si on se fie à son parcours, soutient fortement les mesures environnementales. Cela le place, à l’exception des mesures environnementales, dans le camp idéologique trumpiste, bien qu’on pense que ce sont plutôt les électeurs de Biden qui risquent de se tourner vers lui. Cependant, de plus en plus d’analystes estiment que sa candidature pourrait jouer sur les deux candidats, attirant des votes venant aussi bien de chez les démocrates que de chez les républicains. Ce qui est sûr, c’est qu’il commence à provoquer de la nervosité du côté de Trump, qui a commencé à l’insulter dans ses interventions, signe qu’il perçoit une menace.

Il faut souligner que, évidemment, ce n’est pas lui qui va gagner les élections, mais il pourrait bien influencer les résultats : s’il réussit à être sur les bulletins de vote dans les États clés et à obtenir quelques milliers de voix, cela pourrait faire une différence dans le résultat final et éventuellement faire basculer l’élection d’un côté ou de l’autre. Il est donc probable que les deux partis le considèrent comme une menace potentielle. Le fait que les deux camps se soient mis d’accord pour organiser deux débats présidentiels sans inviter Kennedy Jr. montre bien qu’ils craignent de lui donner une plate-forme supplémentaire. Si Trump était certain que Kennedy Jr. ne ferait que voler des voix à Biden, il ferait tout pour qu’il participe aux débats. Le fait que les deux camps préfèrent l’exclure indique qu’ils veulent s’assurer qu’il ne représente pas une menace pour le résultat de l’élection.

Dans un tel contexte de polarisation de la société, et alors que les élections américaines reposent en partie sur le vote des indépendants, l’émergence d’un troisième grand parti est-elle envisageable à l’avenir ?

C’est un paradoxe aux États-Unis. À chaque élection, des sondages montrent que les Américains voudraient une tierce partie, une autre option. Cependant, la polarisation, qui repose sur plusieurs facteurs, est de plus en plus viscérale et négative, au point que les électeurs craignent de voir l’autre parti élu et ne sont donc pas prêts à sacrifier leur vote pour un tiers parti.

Il faut ajouter à cela toutes les contraintes d’ordre institutionnel et administratif, dont le cout extrêmement élevé de la politique aux États-Unis, surtout au niveau national. Pour être sur les bulletins de vote, un candidat tiers comme Kennedy Jr. doit remplir des conditions dans chacun des 50 États, ce qui inclut un nombre de signatures, une infrastructure locale pour chaque État, des équipes pour faire campagne et mobiliser les électeurs. C’est extrêmement difficile. Actuellement, on voit une dialectique marquée par la frustration de voir le retour d’un duel Trump/Biden et par une insatisfaction croissante des électeurs envers les options qui leur sont présentées. Cela a conduit à des propositions pour des candidatures tierces.

On peut parler de Kennedy Jr., mais aussi de l’initiative de l’ancien candidat démocrate Andrew Yang, qui a lancé Forward, un parti centriste cherchant à réunir des modérés démocrates et républicains. Pour l’instant, cela ne mène nulle part. Un autre groupe, initié par l’ancien sénateur Joseph Lieberman, décédé le 27 mars dernier, voulait également lancer une candidature centriste. Là encore, on voulait créer un groupe pour soutenir la candidature du sénateur de Virginie-Occidentale Joe Manchin, qui a finalement refusé de se présenter en février dernier.

Ces tentatives sont souvent infructueuses pour des raisons structurelles, monétaires et médiatiques. Les médias ne donnent pas beaucoup d’attention à ce genre d’initiatives. Ainsi, un tiers parti peine à émerger. Cela ne veut pas dire que ça ne va jamais arriver, mais il est difficile de voir comment cela pourrait se concrétiser, même si la question revient à chaque cycle électoral.

Ironiquement, si lancer ce troisième parti et obtenir des votes en fonction des idées mises en avant suffisait, ce parti modéré serait probablement le plus populaire. Le centrisme, comme partout ailleurs dans le monde, est généralement la position idéologique la plus répandue parmi la population. Mais pour diverses raisons, il est impossible de surmonter les deux machines politiques qui dominent la vie politique américaine. Ces deux partis s’entraident pour maintenir ce duopole en mettant en place des règles qui les favorisent toujours, sans introduire des éléments proportionnels qui pourraient permettre à d’autres partis d’émerger, ni des structures de financement public pour aider de jeunes partis à se faire une place. Cette situation est donc maintenue par les deux partis eux-mêmes.

Si, fut un temps, un scandale pouvait faire vaciller la campagne d’un candidat, il semble aujourd’hui que rien ne peut faire trembler un candidat comme Donald Trump. Visé par de nombreux chefs d’inculpation et actuellement en plein procès, il semble pourtant davantage s’inquiéter des consignes de vote de la chanteuse Taylor Swift. Qu’est-ce que cela dit de la vie politique américaine aujourd’hui ?

C’est évidemment la question de la polarisation. Trump l’avait quand même assez bien remarqué dans sa première campagne de 2016 lorsqu’il avait dit : « Si je tirais sur quelqu’un en pleine 5e Avenue, je ne perdrais aucun électeur, ok ? C’est franchement incroyable. (2) » Cette polarisation, d’un côté, et la notion de double réalité à laquelle sont confrontés les Américains, de l’autre, expliquent pourquoi les électeurs continuent d’appuyer Trump malgré tous ses scandales et procès. Si vous regardez les médias qu’ils consultent, que ce soit Fox News, des réseaux plus à droite ou des médias conservateurs en général, soit on ne parle pas des scandales liés à Trump, soit on les présente avec un point de vue favorable, en soutenant que c’est une conspiration de l’État pour l’empêcher de revenir au pouvoir, que les accusations contre lui sont politiquement motivées et sans fondement.

L’inverse est également vrai : du côté des démocrates et des médias progressistes, on a tendance à exagérer chaque scandale, en suggérant toujours que cela pourrait être la fin de Trump. Cette polarisation médiatique joue un rôle crucial dans la perception de Trump comme indélogeable.

En ce qui concerne Trump et ses scandales, il est vrai qu’il semble résister à tout. Cependant, on observe de plus en plus de politiciens qui survivent à des scandales. Trump bénéficie d’une base de partisans extrêmement loyaux qui ne l’abandonneront pas malgré les accusations, ce qui l’aide beaucoup à se maintenir en place.

Pour ce qui est d’un autre candidat, cela dépendrait vraiment du contexte, de la nature du scandale et de la popularité du candidat. L’histoire américaine est remplie de campagnes déraillées par toutes sortes de scandales. Joe Biden lui-même, lors de sa première campagne en 1988, a vu sa campagne torpillée par un scandale lié au plagiat d’un discours. On peut aisément imaginer qu’aujourd’hui, il ne serait vraiment pas grave de voir Trump accusé de plagiat ; cela n’aurait rien à voir avec la gravité des scandales actuels.

Quels acteurs ou événements pourraient exercer une influence sur le résultat ou la motivation des électeurs à aller voter en novembre prochain ? Quid notamment du cas de la vague de manifestations pro-Palestine ?

Ce mouvement de solidarité propalestinien, que l’on a observé lors des primaires, où même des militants démocrates ont voté blanc (3), pourrait jouer un rôle dans les élections de novembre. La colère des jeunes sur les campus risque également d’avoir un impact. Cette situation a été très mal gérée, car elle aligne non seulement les jeunes contre l’administration Biden, mais aussi de plus en plus d’électeurs afro-américains qui sont souvent historiquement proches de la cause palestinienne. Toute l’évolution du conflit à Gaza pourrait peser lourd. Contrairement aux opérations israéliennes passées, cette crise perdure, et cela fait sept mois que l’administration Biden est sous pression. Elle n’a pas réussi à condamner fermement l’intervention du gouvernement de Benyamin Netanyahou et continue de fournir des armes, même si elle fait semblant de condamner ces actions en bloquant parfois des envois. Les Américains ne sont pas dupes, et ceux qui sont convaincus qu’il s’agit d’un génocide pourraient ne pas vouloir soutenir celui que certains appellent maintenant « Genocide Joe ». Même si Trump serait pire, il y a un enjeu moral qui pousse certains à ne pas voter pour Biden. Cela pourrait être un enjeu déterminant, surtout lors des conventions. Beaucoup se demandent s’il y aura une reprise des événements de Chicago en 1968, notamment avec les manifestations contre la guerre du Vietnam. La convention démocrate qui se déroule justement à nouveau à Chicago pourrait bien connaitre des oppositions similaires. Si des images de jeunes manifestants se faisant frapper par des policiers émergent, cela pourrait être un désastre de relations publiques pour le parti démocrate et torpiller ses chances de rester à la Maison-Blanche. Ces événements sont particulièrement dangereux pour les démocrates. Pour les républicains, qui ont une ligne encore plus pro-Israël que les démocrates, tout ce qu’ils ont à faire est de dire que les démocrates n’en font pas assez.

Quid de la question de l’avortement qui était sur le devant de la scène avant la guerre entre Israël et le Hamas ?

Cette question de l’avortement, qui a récemment été un sujet de discussion intense, pourrait également mobiliser les électeurs pour ne pas voter démocrate. Les démocrates ont constamment surperformé dans les jugements liés à la décision Dobbs en 2022. Il serait erroné de dire que ce ne sera pas un facteur dans cette élection. Lorsque certains États vont de l’avant avec des mesures visant à criminaliser l’avortement, cela pourrait mobiliser les électeurs. Plus l’enjeu est présent, plus les démocrates peuvent espérer des résultats favorables. Cela pourrait être un facteur si d’autres décisions sont rendues, mais l’impact sera probablement très local. Cela dépendra du nombre d’États se prononçant sur cette question, mais cela pourrait aussi motiver le vote de personnes jusque-là pas convaincues par le reste de la campagne.

Donald Trump a refusé de s’engager explicitement à reconnaitre le résultat du vote contre Joe Biden en novembre prochain, ajoutant qu’il « faudra se battre pour le bien du pays » si tout n’est pas conduit de manière honnête. La situation peut-elle réellement dégénérer au lendemain des élections ?

Le pire n’est jamais certain mais toujours possible. Ce qui est certain, c’est qu’il y a un niveau de préparation du gouvernement fédéral américain supérieur à ceux de 2016 et 2020. Les forces de l’ordre seront en principe prêtes à faire face à d’éventuels débordements. De plus, des lois ont été modifiées, notamment la fameuse loi sur la certification des votes au collège électoral, pour empêcher une interprétation similaire à celle qui a été tentée en 2020-2021 afin de bloquer le transfert du pouvoir. Le fait que Trump ne soit plus au pouvoir, mais que ce soit Biden qui le soit, fait que Trump a moins de leviers pour potentiellement interférer dans le résultat de l’élection.

C’est un contexte explosif alimenté par les discours assez incendiaires du candidat Trump, qui joue sur la paranoïa de certains groupes d’électeurs plus extrémistes, souvent armés, faisant partie de milices ou de groupes plus radicaux. Ainsi, des débordements sont toujours possibles. Cependant, on peut au moins garder espoir en se disant que, premièrement, nous avons affaire à un système constitutionnel bien établi dans le temps et, deuxièmement, à un système électoral assez bien rodé. Les élections de 2021 ont été remarquablement bien conduites malgré le contexte pandémique. De plus, le gouvernement a probablement tiré des leçons de ses erreurs en 2016 et 2020, ce qui pourrait potentiellement limiter les dégâts. Cependant, il est certain que nous devrons rester vigilants et que l’inquiétude sera présente chez de nombreux citoyens quant aux résultats de cette élection.

Notes

(1) Ancien vice-président du mandat Trump et candidat comme colistier pour le deuxième mandat de ce dernier, Pence, alors président du Sénat, avait refusé de rejeter les résultats de l’élection 2020. Il a tenté de s’opposer à Trump lors des primaires 2024 mais, disposant de très peu d’intentions de vote, il a retiré sa candidature avant le début des primaires.

(2) Courrier international, « États-Unis. Trump : “Si je tirais sur quelqu’un en pleine 5e Avenue, je ne perdrais aucun électeur” », 24 janvier 2024 (https://​digital​.areion24​.news/​kmr).

(3) Alexis Buisson, « Primaires américaines : le mouvement pour le vote “Uncommitted”, épine dans le pied de Joe Biden », La Croix, 13 mars 2024 (https://​digital​.areion24​.news/​2u4).

Christophe Cloutier-Roy

Thomas Delage 

areion24.news