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mardi 19 mars 2024

L’Asie du Sud-Est en pleine déconsolidation démocratique ?

 

Il est loin le temps où l’Asie du Sud-Est était présentée comme un modèle de démocratisation. Les alternances ne sont plus à l’ordre du jour. Ce sont plutôt les vieilles structures politiques, souvent liées aux dynasties familiales et aux milieux d’affaires (Cambodge, Philippines, Singapour, Thaïlande), à l’armée (Thaïlande, Birmanie) et au nationalisme ethnico-religieux (Malaisie) qui ont le vent en poupe.

Pendant une dizaine d’années, du milieu des années 1990 au milieu des années 2000, l’Asie du Sud-Est avait plus ou moins réussi à développer et à renforcer ses processus démocratiques tout en accélérant son intégration régionale tant au niveau politique qu’économique. Cependant, dès le milieu des années 2000, bien avant la montée des populismes et des nationalismes en Europe, elle s’est engagée dans un mouvement de reflux démocratique. Aujourd’hui, à l’exception du Timor-Leste, qui devrait finalement devenir membre de plein droit de l’ASEAN (1) en 2025, l’idée de démocratie libérale au mieux stagne mais plus souvent recule dans la région.

L’Indonésie, considérée un temps comme la « troisième démocratie mondiale », ne fait pas exception. L’actuel président Joko Widodo, pourtant perçu comme un « homme du peuple », qui doit quitter le pouvoir l’année prochaine, n’a pas été en mesure de stopper l’érosion des libertés citoyennes engagée depuis la présidence de son prédécesseur, le président Susilo Bambang Yudhoyono (2004-2014). La pression des élites conservatrices fait doucement et par à-coups glisser le pays sur la pente savonneuse de l’« illibéralisme politique ». L’élection probable à la présidence, l’année prochaine, de l’actuel ministre de la Défense, Prabowo Subianto, ne ferait qu’accélérer le processus.

Une parenthèse démocratique qui se referme

La greffe démocratique sud-est-asiatique n’a pas pris. La parenthèse se referme d’autant plus vite que l’Occident et notamment les États-Unis ne font plus rêver. Les modèles alternatifs proposés par la Chine et la Russie semblent d’autant plus intéressants que les élites d’Asie du Sud-Est ne souhaitent ni se renouveler ni se diversifier. Elles cherchent avant tout à asseoir leur pouvoir et à renforcer leurs propres intérêts. Face à un Occident qui a perdu de sa superbe, la démocratie est de plus en plus perçue comme illusoire et ineffective. Si elle est encore ardemment désirée par certains, c’est surtout par la jeunesse, comme l’ont très bien illustré les élections législatives qui se sont tenues au printemps en Thaïlande. Or la région vieillit. Plusieurs pays d’Asie du Sud-Est sont déjà des « sociétés vieillissantes » selon le critère de classification retenu par l’Organisation mondiale de la santé et les Nations Unies (2). C’est particulièrement le cas de de la Malaisie, de Singapour, de la Thaïlande et du Vietnam. Dans ces trois derniers pays, les personnes âgées de plus de 65 ans représentent déjà entre 7 et 14 % de la population totale. La transformation démographique est rapide. Elle s’opère à une vitesse similaire à celle du Japon mais intervient alors que le niveau de revenu par habitant reste plus faible. Or, une population vieillissante est souvent plus encline aux idées conservatrices. C’est du moins ce que nous montrent les exemples japonais et sud-coréens en Asie du Nord-Est.

Alors, si en Asie du Sud-Est on maintient des élections dans les pays où c’est la règle, c’est surtout pour conserver les apparences. Le résultat des urnes compte peu. Ce qui importe, ce sont les négociations internes et les concessions que les différents groupes d’influence peuvent passer entre eux. À ce titre, l’année 2023 pourrait être considérée comme un cas d’école.

Des élections pour légitimer une succession « dynastique »

Le Cambodge a ainsi organisé des élections législatives auxquelles le principal parti d’opposition, le Parti de la bougie, n’a pas pu prendre part, pour des « raisons techniques ». Le Parti du peuple cambodgien (PPC) mené par le Premier ministre Hun Sen a ainsi facilement remporté 120 des 125 sièges du Parlement. Quelques jours après que les résultats ont été promulgués, Hun Sen, âgé de 71 ans, a annoncé démissionner du poste de Premier ministre qu’il occupait depuis trente-huit ans au bénéfice de son fils, Hun Manet. Ce dernier, général quatre étoiles, a été formé en Grande-Bretagne où il est titulaire d’un doctorat en économie de l’université de Bristol et à l’académie militaire américaine de West Point. Il dirige également l’armée cambodgienne depuis 2018. Cette succession « dynastique » a été préparée de longue date. Cela faisait plus d’un an que Hun Sen avait ouvertement fait savoir qu’il souhaitait transmettre le pouvoir à son fils aîné sans pour autant se retirer de la vie politique. Il a aussi affirmé qu’il avait l’intention de continuer à exercer son influence et à occuper des postes officiels au moins jusqu’en 2033. Il prévoit déjà de devenir président du Sénat l’année prochaine, ce qui lui permettrait de devenir numéro deux dans le protocole après le roi. Cela devrait limiter les marges de manœuvre du nouveau Premier ministre et des nouvelles équipes qu’il souhaiterait mettre en place. Ainsi, son frère cadet, Hun Many, a été nommé ministre de la Fonction publique et son cousin, Neth Savoeun, l’ancien chef de la police depuis 2008, est devenu Vice-Premier ministre. Par ailleurs, Tea Seiha et Sar Sokha, les fils des ministres de la Défense et de l’Intérieur, ont tous les deux pris les places de leurs pères, Tea Bank et Sar Kheng. Avec une opposition muselée, des élections faites sur-mesure, une presse sous contrôle et une succession bien assurée, il est peu probable que le Cambodge s’engage dans une direction plus libérale. On change de génération, pas de système.

Gagner une élection n’est pas synonyme de gouverner

En Thaïlande, gagner une élection ne signifie pas forcément pouvoir gouverner. La Constitution actuelle (3) a été rédigée en partie pour empêcher un parti de gouverner seul. On peut donc remporter une élection et se retrouver sur la touche au moment de la constitution du gouvernement. Sans grande surprise, c’est ce qui s’est passé cette année. Des élections législatives se sont tenues le 14 mai. Les partis d’opposition ont clairement remporté le scrutin. Coalisée, l’opposition pro-réformatrice a obtenu 313 sièges sur les 500 soumis au vote. Or, le Premier ministre doit être désigné par la majorité des 500 députés auxquels on doit ajouter les 250 sénateurs nommés par l’armée, soit 750 parlementaires. Par conséquent, ce ne sont pas 251 sièges qu’il faut pour obtenir une majorité mais 376. Ce système permet à l’armée de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre, et ce, peu importe le résultat des élections. L’armée n’a pas souhaité travailler avec le parti Move Forward, mené par Pita Limjaroenrat, pourtant largement arrivé en tête du scrutin (38 % des suffrages, 112 députés de circonscription et 30 sièges de liste), car jugé trop radical dans sa volonté de réforme institutionnelle. La volonté affichée par Move Forward de revoir la législation sur le crime de lèse-majesté, mais aussi de limiter l’influence de l’armée dans la société, a provoqué un fort rejet dans les milieux conservateurs et traditionnalistes, ce qui l’a exclu de la composition d’un gouvernement dont il aurait dû prendre la tête. Finalement, malgré une défaite cuisante, les deux partis pro-militaires ont réussi à se maintenir au pouvoir en soutenant le parti Pheu Thai, mené par Paethongtarn Shinawatra, fille de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, et arrivé second avec 28 % des voix (112 députés de circonscription et 29 députés de liste).

La base électorale de Move Forward est essentiellement constituée de jeunes urbains avides de plus de liberté et de réforme constitutionnelle. Le camp conservateur, composé essentiellement de l’armée, de l’administration, du système judiciaire et d’une bonne partie des milieux d’affaires a remporté la partie tout en ayant perdu les élections. Si une partie des électeurs de Pheu Thai, déçue par l’alliance de ce dernier avec les partis pro-militaires, pourrait basculer à l’occasion d’une prochaine élection vers Move Forward, il n’est pas certain que cela soit suffisant pour changer la donne. Au pouvoir ou en exil, Thaksin Shinawatra a mis vingt ans pour imposer des réformes économiques qui ne sont aujourd’hui plus discutées. Cela pourrait prendre également de nombreuses années pour que Move Forward, sous ce nom ou un autre, parvienne à faire passer l’idée des réformes institutionnelles qu’il propose. En attendant, la question de l’intérêt du vote se pose, notamment pour une jeunesse thaïlandaise qui réalise que peu importe le résultat des élections, ce sont toujours les mêmes, à savoir les milieux conservateurs et l’armée, qui restent au pouvoir. Depuis la semi-révolution de 1932, le schéma est toujours le même : élections, nomination d’un gouvernement, crise politique, manifestations ou troubles sociaux, coup d’État, constitutions intérimaires, constitution définitive, élections sans pour autant que l’élite ou la classe dirigeante ne change. Certes, le pays apparaît souvent comme turbulent mais, malgré un nombre important de coups d’État et de constitutions, le système apparaît comme plutôt stable et prévisible au risque d’épuiser celles et ceux qui œuvrent encore pour des réformes institutionnelles par voie démocratique. Face à une machine administrativo-judiciaire puissante et une armée omniprésente, les options et les marges de manœuvre de l’opposition réformiste sont limitées. Son principal outil est sans doute d’infuser goutte à goutte ses idées pour qu’elles se diffusent progressivement dans la société jusqu’au moment où elles deviendront acceptables pour les cercles conservateurs. Cela paraît long mais, au final, ce n’est pas grand-chose pour un pays à l’histoire aussi ancienne, qui n’a pas connu de véritable révolution et qui n’est pas passé par les affres de la colonisation. En Thaïlande, le temps fait tout à l’affaire.

Des élections annulées lorsque le résultat ne convient pas

La libération d’Aung San Suu Kyi en 2010 et la victoire de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) aux élections législatives de 2015 avaient suscité l’espoir d’un assouplissement et d’une normalisation du régime birman. Le drame des Rohingyas en 2016-2017 puis le coup d’État du 1er février 2021 ont remis les pendules à l’heure. Placée à l’isolement depuis le coup d’État, Aung San Suu Kyi a été condamnée à 33 ans de prison au cours de différentes procédures qui ont duré 18 mois. Après la très large victoire de son parti aux élections législatives qui se sont déroulées en novembre 2020, cinq ans après celles de 2015 qui l’avaient portée au pouvoir, Aung San Suu Kyi aurait pu espérer continuer à œuvrer pour davantage de liberté, d’ouverture et de dialogue, malgré son image dégradée à l’international. Les généraux birmans en ont décidé autrement. En juillet 2021, la junte a annulé les résultats des élections arguant que le scrutin n’était « ni libre, ni juste ». Au lendemain du dernier coup d’État, les militaires s’étaient engagés à organiser de nouvelles élections après la fin de l’état d’urgence en février 2022. La date du scrutin a ensuite été repoussée au mois d’août 2023 avant d’être une fois encore reportée à une date qui n’a pas encore été fixée. Dans l’intervalle, en février 2023, la junte a dissous la LND ainsi que 39 autres partis qui avaient décidé de ne pas participer aux éventuelles prochaines élections dans le cadre de la loi électorale actuelle considérée comme trop stricte et favorable à l’armée. En attendant, la guerre civile aux racines anciennes et complexes dans laquelle est plongé le pays depuis son indépendance n’en finit pas de faire des victimes sans que la communauté internationale ne s’en émeuve (4). Les Nations Unies, bloquées par la Chine et la Russie, qui soutiennent le régime birman, semblent impuissantes. Début septembre, l’ASEAN a annoncé que la Birmanie ne prendrait pas la présidence tournante de l’association en 2026 comme le prévoyait le calendrier. Elle sera remplacée par les Philippines. La Birmanie n’est également plus invitée aux réunions de haut niveau du groupe. Cependant, les capacités de l’ASEAN à influencer la junte birmane sont très limitées. La non-ingérence dans les affaires intérieures des pays membres réduit les marges de manœuvre de l’organisation et surtout, plusieurs pays membres de l’association continuent à développer un dialogue de haut niveau avec les responsables de la junte. La Thaïlande a ainsi organisé en juin une réunion de « réengagement » avec la Birmanie à laquelle ont participé des représentants du Brunéi, du Laos, du Cambodge et du Vietnam ainsi que de la Chine et de l’Inde. Si l’initiative a été critiquée par plusieurs autres membres de l’ASEAN, notamment la Malaisie, l’Indonésie et Singapour, elle illustre clairement l’incapacité de l’organisation à parler d’une seule voie sur la question birmane.

La permanence du pouvoir

Les apparences sont souvent trompeuses. Alors que Singapour prône la transparence au niveau des affaires, il a beaucoup de mal à se l’appliquer au niveau politique. Le Parti d’action populaire (PAP) est au pouvoir sans discontinuer depuis 1959. L’enjeu des élections n’est pas de savoir qui sera élu mais de connaître avec quel pourcentage le candidat soutenu par le PAP le sera. Ainsi, c’est sans surprise que Tharman Shanmugaratnam, un « poids lourd » du PAP, ancien Senior minister, ministre coordinateur des Affaires sociales et président de l’Autorité monétaire de Singapour, a remporté avec plus de 70 % l’élection présidentielle qui s’est tenue en septembre 2023. Le rôle du président étant principalement honorifique, c’est vers les élections générales — qui doivent se tenir au plus tard en novembre 2025 — que les regards sont tournés. S’il ne fait quasiment aucun doute que le PAP remportera encore une fois ces élections, la transition voulue par Lee Hsien Loong, Premier ministre depuis 2004, et par son père avant lui — Lee Kuan Yew, premier Premier ministre de Singapour de 1959 à 1990 —, risque toutefois d’être plus complexe qu’initialement prévu. Dans un pays où le débat politique reste feutré et où la plupart des décisions sont prises dans la plus grande discrétion, une série récente d’enquêtes lancées par l’agence anti-corruption à l’encontre de personnalités politiques de premier plan laissent supposer que le transfert progressif des pouvoirs vers la quatrième génération de leaders (4G) depuis l’indépendance ne se fait pas sans quelques difficultés (5). La procédure de sélection du prochain Premier ministre a commencé en 2016 quand six candidats potentiels, tous d’origine chinoise, ont été présentés au public. Et pourtant, rien ne semble vouloir se dérouler comme prévu, surtout depuis le retrait du favori Heng Swee Keat en avril 2021.

Aussi, sauf nouvel incident de parcours le moment venu, ce sera Lawrence Wong, actuel Vice-Premier ministre et ministre des Finances, qui succédera à Lee Hsien Loong. Toutefois, les marges de manœuvre du prochain Premier ministre seront sans doute limitées. Resté longtemps dans l’ombre de son mentor Lee Hsien Loong, Lawrence Wong semble avoir encore du mal à s’affirmer comme un acteur politique autonome. Ayant également travaillé sous la responsabilité de Tharman Shanmugaratnam, il lui sera sans doute difficile de s’imposer face à son ancien patron. À Singapour, la technocratie l’emporte sur le politique. Des questions se posent sur la capacité de l’élite politique et du gouvernement à répondre aux attentes de plus en plus pressantes de la population. Le pays est bien géré et est, à bien des égards, perçu comme un modèle de développement économique, mais le système mis en place depuis l’indépendance répond de moins en moins aux attentes d’une population inquiète par le ralentissement économique et la montée des tensions dans son environnement proche.

Après la chute du régime Marcos en 1986, les Philippines ont été considérées comme un bastion de la démocratie en Asie du Sud-Est, bien que son paysage politique et économique soit toujours dominé par quelques grandes dynasties familiales. Comme d’autres pays de la région, les Philippines semblent aussi vouloir faire marche arrière en matière d’avancées démocratiques. Le mouvement est devenu visible avec l’élection du président Rodrigo Duterte en 2016. Sous couvert d’une lutte dure contre la drogue et le terrorisme, les libertés individuelles et démocratiques ont reculé sous son administration et la liberté d’expression a été limitée. Officiellement, 5 900 personnes ont été tuées dans le cadre d’opérations de police. Le haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies recense 8 663 victimes. Des organisations de défense des droits humains affirment qu’il y aurait eu entre 20 000 et 30 000 exécutions extrajudiciaires entre 2016 et 2022.

Pour le remplacer, les Philippins ont élu en mai 2022 Ferdinand Marcos Junior, fils de l’ancien dictateur. Trente-six ans après avoir perdu le pouvoir, la famille Marcos a réussi à revenir aux premières loges ; belle illustration de la permanence du pouvoir parmi les grandes familles. De manière surprenante, le nouveau président a jusqu’à présent réussi à modérer certains des excès de l’administration précédente. Reste à voir quelle sera son action dans la durée.

En Malaisie, les élections fédérales partielles qui se sont tenues le 12 août 2023 dans six États de la fédération de Malaisie n’ont pas bouleversé l’équilibre précaire des forces. Le gouvernement conduit par l’ancien opposant Anwar Ibrahim depuis novembre 2022 est sorti conforté de ces élections et peut dorénavant se concentrer sur la réforme de l’administration et la relance de l’économie. Toutefois, l’opposition islamo-nationaliste est également sortie renforcée du scrutin et a confirmé sa place de premier parti pour les électeurs malais ethniques au détriment de l’historique Organisation nationale des Malais unis (UMNO), parti membre de la coalition gouvernementale et dont l’appui est nécessaire pour le maintien au pouvoir d’Anwar Ibrahim. La pression sur les épaules de ce dernier est d’autant plus forte que les doutes sur la probité de son gouvernement s’accumulent. La Malaisie n’est pas tout à fait sortie de la période de turbulences politiques qui la secoue depuis plusieurs années et qui, là encore, illustre les difficultés de la région à renouveler une classe politique encore dominée par de vieilles, pour ne pas dire de très vielles, figures.

À Brunéi Darussalam, la question des élections ne se pose pas. Le système repose sur une monarchie absolue que laisse peu de place au débat. Au Laos et au Vietnam, le Parti communiste continue de régenter la vie politique de ces pays et garde la main sur toutes les nominations. Garant de stabilité, le système offre que peu d’opportunités de renouvellement, d’autant plus que sous l’impulsion de Nguyen Phu Trong, secrétaire général du parti depuis 2011, c’est l’aile conservatrice du parti qui reste aux commandes.

L’Asie du Sud-Est est confrontée à des degrés divers en fonction des pays à un retour, à la persistance voire au regain des autoritarismes. L’ASEAN, principal outil d’intégration régional, ne peut rien ou pas grand-chose pour freiner la mécanique qui s’est enclenchée. Malgré quelques effets d’annonces ou l’adoption, en 2007, d’une charte faisant référence à la démocratie et aux droits de l’homme, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États membres signifie qu’il est peu probable que l’association prennent des mesures concrètes pour favoriser le retour ou le développement de la démocratie dans la région. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas ici ou là, comme en Thaïlande, des tentatives de relances démocratiques, mais le recul de la liberté politique, la désaffection croissante de la population, notamment des jeunes générations, à l’égard des institutions démocratiques et la perte de confiance, souvent liée à la corruption, vis-à-vis des élus, laissent supposer que l’Asie du Sud-Est s’est engagée dans un processus de déconsolidation démocratique.

Notes

(1) L’association des nations d’Asie du Sud-Est regroupe 10 États membres. Créée par l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande et les Philippines en 1967, elle a été rejointe par le Brunéi (1984), le Vietnam (1995), le Laos et la Birmanie (1997) et enfin le Cambodge (1999). Son secrétariat général est installé à Jakarta (Indonésie).

(2) La vitesse à laquelle un pays « vieillit » est calculée en fonction du nombre d’années séparant son entrée dans la catégorie de « société vieillissante » à celle de son entrée dans la catégorie « société âgée », où les plus de 65 ans représentent plus de 14 % de la population totale. Cette transition s’est effectuée en 115 ans en France, en 69 ans aux États-Unis et en 25 ans au Japon. Elle s’effectuera en moins de 20 ans en Thaïlande et au Vietnam et en environ 25 ans à Singapour et en Malaisie. Singapour a basculé en 2020 dans la catégorie des « sociétés âgées ». Cela devrait être le cas pour la Thaïlande en 2025.

(3) Il s’agit de la Constitution de 2017, la vingtième depuis 1932. La durée de vie moyenne d’une constitution en Thaïlande est de quatre ans et demi. Sur la même période, la Thaïlande a connu 19 coups d’État militaires dont 12 réussis. La Constitution de 2017 a été promulguée à la suite du coup d’État de 2014 déclenché par Prayuth Chan-o-cha et visant à destituer Yingluck Shinawatra, la sœur de Thaksin Shinawatra, Premier ministre « populiste » contraint à l’exil après un coup d’État en 2006. La fille de Thaksin Shinawatra a conduit la liste du parti Pheu Thai aux élections de mai 2014. L’actuel Premier ministre thaïlandais, Srettha Thavisin, est issu du Pheu Thai et est un proche de Thaksin Shinawatra. Ce dernier est finalement rentré en Thaïlande en août 2023.

(4) Lire à cet égard l’entretien avec Amaury Lorin, « Birmanie : une guerre civile qui dure », Conflits, janvier 2023 (https://​www​.revueconflits​.com/​b​i​r​m​a​n​i​e​-​u​n​e​-​g​u​e​r​r​e​-​c​i​v​i​l​e​-​q​u​i​-​d​u​re/).

(5) Voir : Arnaud Leveau, « Singapour : une transition pas si tranquille », extrait de la Lettre confidentielle Asie21 – Futuribles n°174, juillet-août 2023 (https://​www​.asie21​.com/​2​0​2​3​/​0​7​/​1​6​/​s​i​n​g​a​p​o​u​r​-​u​n​e​-​t​r​a​n​s​i​t​i​o​n​-​p​a​s​-​s​i​-​t​r​a​n​q​u​i​l​le/).

Arnaud Leveau

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