Le parquet de Munich a requis lundi un procès contre les dirigeants d’un leader mondial des logiciels espions, FinFisher, filiale allemande du groupe britannique Gamma. La justice a annoncé dans un communiqué viser quatre anciens dirigeants de l’entreprise, soupçonnés d’avoir enfreint la législation de l’Union européenne (UE) restreignant depuis 2015 la vente à des pays tiers de technologies de surveillance.
Le parquet avait été saisi en 2019 par une plainte commune de quatre ONG. Il revient au tribunal de Munich de décider ou non la tenue d’un procès. «L’objectif principal du groupe FinFisher consistait à développer et à distribuer dans le monde entier des logiciels destinés aux autorités pénales et aux services de renseignements», rappelle le parquet de Munich.
«Faux site du mouvement d’opposition turc»
«Le produit principal était le logiciel d’espionnage commercial appelé FinSpy (ndlr: un logiciel type cheval de Troie), qui permettait de prendre le contrôle total des ordinateurs et smartphones et de surveiller les communications en cours», précise-t-il. FinFisher vendait ses logiciels à des pays de l’UE ou des pays bénéficiant d’une autorisation comme l’Australie, le Japon, les États-Unis ou le Royaume-Uni.
Mais la société allemande aurait aussi cédé ses logiciels à d’autres pays, la Turquie en particulier, «avec lesquels la majeure partie du chiffre d’affaires du groupe a été réalisée», selon le parquet. Des médias citent aussi l’Égypte et la Birmanie parmi les acquéreurs potentiels des logiciels FinFisher. Selon les ONG, FinFisher aurait notamment livré aux services turcs en 2017 un logiciel, utilisé ensuite sous la forme d’un «faux site du mouvement d’opposition turc dans le but de l’espionner», souligne le parquet.
Les dirigeants de la société sont aussi soupçonnés d’avoir contourné les réglementations proscrivant la vente de tels logiciels à certains pays en hébergeant une partie de ses activités hors d’Allemagne, en Bulgarie notamment. Ces réquisitions interviennent près de deux ans après les révélations d’un consortium de 17 médias internationaux.
Ce groupement avait révélé qu’un autre logiciel, Pegasus conçu par l’entreprise israélienne NSO Group, aurait permis d’espionner les numéros d’au moins 180 journalistes, 600 hommes et femmes politiques, 85 militants des droits humains ou encore 65 chefs d’entreprise de différents pays.
AFP