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mardi 23 mai 2023

La police de Toulouse a demandé de compter les élèves absents en cours le jour de la fête musulmane de l'Aïd

 

Des policiers ont demandé aux chefs d’établissements scolaires de Toulouse (Haute-Garonne) de leur indiquer le nombre d’élèves absents le jour de l’Aïd al-Fitr, qui avait lieu le 21 avril cette année. Cette fête marque la fin du ramadan pour les musulmans. 

Le ministère de l’Intérieur a expliqué ce dimanche dans un communiqué avoir en effet demandé dans certaines académies une « évaluation du taux d’absentéisme constaté à l’occasion de l’Aïd al-Fitr » mais nie tout « fichage ».

Qu’a-t-il été demandé ?

Cette demande, qui remonte au 26 avril, a été révélée vendredi dernier par La Dépêche du Midi. Les chefs d’établissement et directeurs d’école de l’enseignement secondaire ont reçu ce jour-là un courriel de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Haute-Garonne. Ils étaient sollicités par « les services de renseignement », afin de « connaître le pourcentage d’absentéisme le vendredi 21 avril 2023, lors de la fête de l’Aïd ».

« Les services du renseignement territorial sont passés par des policiers référents de l’Éducation nationale, leur message était mal formulé, mais demander un taux d’absentéisme, ce n’est pas du fichage ni des données nominatives », assurait vendredi une source proche du dossier à l’AFP. Ce travail du renseignement territorial s’inscrit dans un contexte de « regain d’atteintes à la laïcité en milieu scolaire » durant la période du ramadan, selon cette même source, avec par exemple « des défis pour les réseaux sociaux pour se filmer avec un voile » ou des refus de participer à des cours de chant et de musique.

Dans le communiqué publié ce dimanche, la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté Sonia Backès assure de son côté que « le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer étudie régulièrement l’impact de certaines fêtes religieuses sur le fonctionnement des services publics, et notamment au sein de la sphère scolaire. » C’est dans ce cadre qu’une demande pour connaître le taux d’absentéisme a été envoyée « dans certaines académies ».

Pour le ministère, il ne s’agit pas de fichage car « aucune donnée nominative n’a été ni demandée ni recensée à aucun moment ».

Le rectorat de Toulouse pas au courant

Cette requête a été faite sans l’aval du rectorat de Toulouse. « En aucun cas nous ne menons des enquêtes de la sorte », a déclaré Mostafa Fourar, recteur de l’académie, ajoutant que « dès que les chefs d’établissements et directeurs d’écoles nous ont informés de cette requête, consigne a évidemment été donnée de ne pas y répondre ».

D’après des informations du Monde, un courriel similaire a aussi été envoyé dans des collèges et lycées de l’Hérault, émanant cette fois d’un haut fonctionnaire du service départemental de l’éducation nationale. 

Des questions restent en suspens

D’après l’Union des Mosquées de France, certains chefs d’établissements ont toutefois « malheureusement, répondu à la sollicitation des policiers ». « Les familles doivent être dûment informées et rassurées du devenir des informations données », écrit l’organisation, demandant une « enquête en bonne et due forme ».

Malgré la réponse du ministère de l’Intérieur, l’association déplore le flou persistant sur cette requête : « Pour quelles autres fêtes religieuses le ministère de l’Intérieur a-t-il demandé une évaluation du taux d’absentéisme aux chefs d’établissement ? Pourquoi le ministère a choisi de s’adresser directement aux chefs d’établissement et non pas au rectorat ? (…) Si le ministère s’inquiète du fonctionnement des services publics, pourquoi ne pose-t-il pas une question sur… le fonctionnement des services publics ? »

Ce lundi, la FSU (syndicat majoritaire dans l’Éducation nationale) a également demandé des comptes à Gérald Darmanin. Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, la Fédération lui demande des « précisions » sur « la nature de la demande nationale », estimant que les « quelques explications données » n’étaient pas suffisantes. « Chercher à constituer des statistiques par les forces de l’ordre sur l’appartenance à une religion et sur ses pratiques réelles et supposées, surtout dans le cadre de l’école, contrevient aux principes élémentaires de la laïcité et des droits fondamentaux qu’elle instaure », juge le syndicat. La FSU a tenu à rappeler que « la possibilité pour les élèves de s’absenter » à l’occasion des grandes fêtes religieuses faisait partie des « garanties de liberté ». 

leparisien.fr