Un programme militaire russe aurait eu pour objectif de cartographier des parcs éoliens offshore, des gazoducs et des câbles électriques et de communication au Danemark, en Norvège, en Finlande et en Suède, selon un documentaire diffusé mercredi (19 avril).
Le documentaire, baptisé « La guerre de l’ombre » (Skyggekrigen), a été produit par le radiodiffuseur public danois DR en collaboration avec des chaînes de télévision norvégiennes, suédoises et finlandaises. Il révèle que l’objectif de l’opération russe serait de planifier et de réaliser des actes de sabotage contre les pays nordiques, notamment en coupant les câbles électriques et de données qui traversent l’Atlantique et le reste de l’Europe.
Selon les sources utilisées par les quatre médias, le programme militaire fait partie de la préparation de la Russie à un conflit majeur avec l’Occident, et un grand nombre de navires militaires et civils naviguent autour des eaux nordiques, découvrant ce qui se trouve au fond de la mer, et comment les infrastructures sont interconnectées.
« En cas de conflit avec l’Occident, ils sont prêts et savent où frapper s’ils veulent paralyser la société danoise », a déclaré Anders Henriksen, chef du contre-espionnage du service de renseignement danois (Politiets Efterretningstjeneste, PET).
Nils Andreas Stensønes, chef des services de renseignement norvégiens, a déclaré que le programme militaire est une capacité stratégique pour la Russie, considérée comme essentielle et contrôlée directement par Moscou.
Dans le cadre de son enquête, DR, ainsi que les chaînes de télévision norvégienne (NRK), suédoise (SVT) et finlandaise (Yle), ont obtenu des communications radio interceptées de la marine russe, révélant que des « navires fantômes » russes naviguent dans les eaux nordiques en éteignant leurs émetteurs du système d’identification automatique (AIS), afin de ne pas transmettre leur position.
Le navire russe « Admiral Vladimirsky » en est un exemple. Officiellement, ce transporteur effectue des recherches océanographiques, mais selon les sources de DR, il est également utilisé pour le renseignement, car le navire a envoyé des messages radio détaillant ses positions à une base de la flotte en Russie.
Sur la base des communications radio interceptées, les réalisateurs du documentaire ont révélé que l’Amiral Vladimirsky a navigué pendant un mois autour de la mer Baltique, du Storebælt, du détroit du Kattegat et de la mer du Nord. Le navire est passé devant des parcs éoliens offshore existants et futurs, où il est resté plusieurs jours.
Selon des sources de renseignement et des experts, l’objectif de la mission de l’Amiral Vladirmirsky dans les eaux nordiques était de préparer un sabotage afin que la Russie puisse éventuellement paralyser l’approvisionnement en électricité dans le nord-ouest de l’Europe.
« C’est ce que font les navires de recherche, dans le cadre de la préparation d’une guerre majeure contre l’OTAN », révèle une source clé d’un service de renseignement occidental dans le documentaire.
Plus précisément, le navire russe a vraisemblablement cartographié les câbles d’alimentation et de données reliant les parcs éoliens offshore au réseau terrestre et leurs interconnexions, ainsi que l’emplacement d’autres infrastructures essentielles.
Des révélations prises au sérieux
En Suède, l’ancien ministre de la Défense Peter Hulqvist a déclaré qu’au cours des dernières années, 50 « navires fantômes » russes ont été découverts dans la région nordique, dont 27 dans les eaux suédoises.
Selon lui, il y a une intention claire et sérieuse derrière ce que font réellement les transporteurs russes.
« Il s’agit de fournir une base pour la planification de la guerre russe directement contre la Suède. L’objectif est de trouver comment saboter les systèmes suédois », a-t-il déclaré à la chaîne suédoise SVT.
Les représentants du gouvernement suédois ont également réagi vivement à la révélation de l’ampleur de l’espionnage russe à partir de la mer.
Selon Mikael Oscarsson, porte-parole des chrétiens-démocrates pour la politique de défense, ce comportement est « inacceptable » et la question sera soulevée jeudi au sein de la commission de la défense.
Les forces armées suédoises, le service de renseignement militaire suédois et le service de sécurité seront appelés à mettre en place des mesures, a-t-il déclaré à SVT.
La découverte des plans de cartographie et de sabotage potentiels de la Russie dans la région nordique a également suscité l’inquiétude des autorités danoises, norvégiennes et finlandaises.
Le gouvernement danois a demandé un renforcement de la sécurité autour de ses parcs éoliens en mer, et l’Agence danoise de l’énergie a ordonné une révision urgente des plans de sécurité et d’urgence pour le secteur éolien en mer.
Le ministère norvégien de la Défense a également exprimé ses inquiétudes sur la situation et la surveille de près.
La Commission européenne n’a pas répondu à la demande de commentaire d’EURACTIV, qui portait notamment sur la sécurité des infrastructures critiques de l’UE.
Anne-Sophie Gayet