Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed ben Salmane (dit «MBS»), aurait «approuvé» et «vraisemblablement ordonné» en 2018 l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. C’est ce qu’affirme l’agence de presse Reuters, qui a interrogé quatre représentants américains proches du dossier. Ces conclusions figureraient dans un rapport déclassifié des services américains du renseignement, que la Maison Blanche s’apprête à publier.
Biden veut parler au roi
Entré en fonction le 20 janvier, le président des Etats-Unis ne s’est pas encore entretenu avec les dirigeants saoudiens, alliés très proches de son prédécesseur Donald Trump au Moyen-Orient. Joe Biden a indiqué mercredi qu’il avait lu le rapport et a fait savoir qu’il parlerait le moment venu au roi Salmane plutôt qu’au prince héritier, interlocuteur privilégié de la diplomatie trumpiste.
Selon la chaîne CNN, qui a consulté des documents judiciaires, les deux avions privés utilisés par le commando qui a tué Jamal Khashoggi «appartenaient à une société saisie moins d’un an plus tôt par le puissant prince héritier». Le journaliste saoudien, résident aux Etats-Unis et chroniqueur du quotidien Washington Post, avait été assassiné en 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul par des agents saoudiens. Le Sénat américain, qui avait eu accès aux conclusions des services de renseignement de la première puissance mondiale, avait à l’époque jugé que le prince héritier était «responsable» du meurtre particulièrement sanglant: découpée en morceaux pour être exfiltrée discrètement des locaux du consulat la dépouille du journaliste n’a jamais été retrouvée.
Mais Donald Trump n’avait jamais voulu blâmer publiquement «MBS», pour préserver l’alliance avec Ryad, pilier de sa stratégie anti-Iran et gros acheteur d’armes américaines. Encore dans l’opposition, Joe Biden avait, lui, jugé que l’Arabie saoudite devait être traitée comme un Etat «paria» en raison de cette affaire et de ses atteintes aux droits humains.
Possibles sanctions
Le conseiller présidentiel à la sécurité nationale, Jake Sullivan, avait dit la semaine dernière sur CNN que la publication de ce document serait accompagnée d’une «réponse» de Washington pour «faire en sorte que les responsables de ce meurtre rendent des comptes».
Dans le Guardian, plusieurs pistes de sanctions sont évoquées. Si les renseignements montrent bien que le prince héritier a ordonné ou incité le crime, les Etats-Unis pourraient sanctionner des entreprises saoudiennes implantées sur le territoire américain ou ne plus accepter certains investissements dans le pays, voire interdire la venue de représentants saoudiens.
Agnès Callamard, la rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, qui a enquêté sur le meurtre de Khashoggi, évoque de son côté d’autres réponses possibles : «Des sanctions ciblées contre les avoirs personnels et le compte bancaire du prince Mohammed» a minima, ainsi que «des pressions sur les Saoudiens pour identifier l’emplacement des restes de Khashoggi, permettre aux enfants du journaliste de quitter l’Arabie saoudite s’ils le souhaitent». Si Mohammed ben Salmane est reconnu comme commanditaire, les engagements diplomatiques du prince avec les États-Unis pourraient aussi être «gelés».