Négocié sous l’égide des Nations unies, l’accord de cessez-le-feu signé en octobre dernier par les deux gouvernements libyens rivaux est, pour le moment, globalement respecté. Sauf sur un point : le retrait, d’ici le 23 janvier, des combattants et mercenaires étrangers venus en Libye pour en appui des deux camps.
Pour rappel, la Turquie a envoyé des moyens militaires ainsi que des mercenaires recrutés en Syrie pour soutenir le Gouvernement d’entente nationale [GNA] établi à Tripoli et avec lequel elle a signé un accord sur ses frontières maritimes, dont la valeur juridique est sujette à caution.
Quant au gouvernement de Tobrouk, issu des élections législatives de 2014 et dont relève l’Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar, il bénéficie du soutien des Émirats arabes unies et de la Russie [du moins, celui de la société militaire privée Wagner, proche du Kremlin].
Quoi qu’il en soit, le 15 décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a de nouveau réclamé le départ de Libye des combattants étrangers, « conformément à l’accord de cessez-le-feu conclu par les parties libyennes le 23 octobre, aux engagements des participants à la Conférence de Berlin et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU. »
À noter que la Russie, qui a toujours nié toute implication militaire en Libye , s’était associée à cette déclaration.
Cependant, Ankara n’a depuis nullement manifesté son intention de se retirer de Libye : le 22 décembre, le Parlement turc a en effet voté la prolongation de son engagement pour 18 mois supplémentaires, estimant que la situation libyenne continuait de représenter un « risque pour la Turquie et toute la région », notamment dans le cas où les troupes de maréchal Haftar repasseraient à l’offensive.
Dans cette affaire, les États-Unis sont jusqu’à présent plutôt restés à l’écart. Si son prédécesseur, Barack Obama, n’avait pas hésité à engager les forces américaines – en l’occurence l’US Marine Corps – dans la bataille pour reprendre, aux côtés des milices pro-GNA, la ville de Syrte à l’État islamique [EI], via l’opération Odyssey Lightning, le président Trump n’a pas cherché à prendre parti pour l’un ou l’autre des camps rivaux.
Pour autant, durant sa présidence, plusieurs frappes aériennes ont visé des formations jihadistes libyennes. Mais c’est surtout l’activité russe en Libye qui aura été dénoncée par Washington. Encore récemment, l’US Africom, le commandement militaire américain pour l’Afrique, a ainsi accusé Moscou d’avoir livré des avions de combat à l’ANL… Et d’estimer que la Russie « n’est pas intéressée par ce qui est le mieux pour le peuple libyen, mais s’efforce plutôt d’atteindre ses propres objectifs stratégiques. »
Quant au rôle de la Turquie, M. Trump a fait le service minimum. En mai dernier, il s’était contenté de répéter « son inquiétude face à l’aggravation de l’ingérence étrangère en Libye » et réaffirmé « la nécessité d’une désescalade rapide », peu après s’être entretenu avec Recep Tayyip Erdogan, son homologue turc.
Visiblement, la nouvelle administration américaine a l’intention de changer de ton sur la Libye. En tout cas, c’est le sentiment qu’a donné Richard Mills, le représentant [par intérim] des États-Unis auprès des Nations unies.
« Conformément à l’accord de cessez-le-feu d’octobre, nous demandons à la Turquie et à la Russie d’entamer immédiatement le retrait de leurs forces du pays et le retrait des mercenaires étrangers et des substituts militaires, qu’ils ont recrutés, financés, déployés et soutenus en Libye », a en effet déclaré M. Mills, lors d’une visioconférence du Conseil de sécurité organisée le 28 janvier.
« Nous demandons à toutes les parties extérieures, incluant la Russie, la Turquie et les Émirats Arabes Unis, de respecter la souveraineté libyenne et de cesser immédiatement toutes les interventions militaires en Libye », a encore insisté le diplomate américain.
Sauf à user de moyens contraignants, comme par exemple la menace de sanctions internationales toujours compliquées à faire adopter au Conseil de sécurité, il est peu probable que cette demande soit exaucée… d’autant plus que la Russie ne reconnaît pas son implication en Libye et que la Turquie fera valoir qu’elle fournit une aide militaire à la demande du GNA… Cela étant, Washington a sans doute un moyen de pression sur les Émirats arabes unis, avec les éventuels contrats d’armement dont il était question sous la présidence de M. Trump.