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dimanche 31 janvier 2021

Vers un réengagement militaire américain en Afghanistan ?

 

Le 29 février dernier, Zalmay Khalilzad, l’émissaire américain pour l’Afghanistan, et le mollah Abdul Ghani Baradar, émissaire du mouvement taleb afghan, signaient un accord ouvrant la voie à un désengagement militaire des États-Unis, conformément à la promesse, martelée par le président Trump, de mettre fin aux guerres interminables [et coûteuses].

À grands traits, cet accord prévoyait un retrait progressif d’Afghanistan des troupes amércaines, ainsi que de celles de l’Otan [mission Resolute Support], en échange d’un engagement du mouvement taleb à accepter de négocier les autorités de Kaboul et à empêcher le retour des organisations terroristes dans les territoires passés sous son contrôle.

Si la mise en œuvre de cet accord a été loin d’être parfaite du côté des taliban, les États-Unis ont réduit progressivement leur présence militaire au cours de dix derniers mois, au point qu’il y avait dix fois plus de soldats à Washington pour l’investiture de Joe Biden qu’en Afghanistan. En effet, au 15 janvier, le contingent américain ne comptait plus que 2.500 hommes.

Cela étant, les négociations entre le mouvement taleb et les autorités afghanes ont commencé… Mais, dans le même temps, le niveau des violences dans le pays a augmenté significativement, si l’on en juge par les chiffres collectés par les Nations unies. Ainsi, entre juillet et novembre 2020, 10.439 atteintes à la sécurité ont été constatées [soit 18% de plus par rapport à la même période en 2019], dont 6.599 affrontements armés [+38%] et 389 assassinats [+21%], ayant notamment visé « des chefs religieux qui avaient critiqué les taliban ».

S’agissant de la présence d’organisation jihadiste, le rapport de l’ONU a évoqué la mort d’Abu Muhsin Al-Misri [alias Husam Abd-al-Ra’uf], un cadre de haut rang d’al-Qaida dans le sous-continent indien tué en septembre 2020 par les forces de sécurité afghane. Quant à la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-K], le nombre d’attaques qu’elle a revendiquées [ou qui lui ont été attribuées] « a été plus faible en 2020 qu’à la même période en 2019 [11 contre 343] », est-il affirmé dans le document.

Quoi qu’il en soit, le 30 novembre, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a fait savoir qu’il avait invité le nouveau président américain à disccuter « d’importants sujets, notamment des décisions à prendre sur le maintien ou le retrait de la mission de l’Alliance en Afghanistan. »

Et d’ajouter, alors qu’il était annoncé que le retrait américain allait s’accentuer : « Nous n’avons aucune garantie que les pourparlers de paix réussissent et nous serons confrontés à un dilemme. Soit l’Alliance quitte l’Afghanistan et le pays risque de devenir un nouveau sanctuaire pour les terroristes qui mènent des opérations contre nous, soit l’Otan reste, avec une nouvelle mission, mais elle sera confrontée au risque de combats. »

Ayant à peine pris ses fonctions, Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président Biden, a fait savoir qu’il était dans l’intention des États-Unis de « réexaminer l’accord de février 2020 » passé avec le mouvement taleb et « d’évaluer si les talibans respectent leurs engagements de couper tout lien avec les groupes terroristes, de réduire la violence en Afghanistan et de mener des négociations sérieuses avec le gouvernement afghan et d’autres acteurs. »

Plus tôt, le nouveau chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken avait dit la même chose, jugeant « indispensable » de préserver les « avancées faites pour les femmes et les filles en Afghanistan au cours des 20 dernières années », c’est à dire depuis l’intervention américaine, lancée à l’origine pour chasser al-Qaïda de ses sanctuaires afghans et mettre la main sur Oussama Ben Laden, son chef.

En outre, le premier entretien téléphonique de l’ex-général Lloyd Austin, désormais à la tête du Pentagone, aura été pour M. Stoltenberg, avec lequel il a évoqué la situation en Afghanistan.

Lors d’une conférence de presse, le 28 janvier, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, n’y est pas allé par quatre chemins. « Les taliban n’ont pas respecté leurs engagements », a-t-il lancé, avant de faire état d’une « discussion en cours avec nos partenaires et alliés pour prendre les meilleures décisions pour l’avenir de notre présence militaire en Afghanistan ».

« Tant qu’ils ne respectent pas leur engagement à renoncer au terrorisme et à mettre un terme aux attaques violentes contre l’armée afghane […], il est très difficile de voir comment parvenir à un règlement négocié », a continué le porte-parole du Pentagone.

« Le secrétaire [à la Défense] et le président Biden estiment aussi qu’il est temps de mettre fin à cette guerre. Mais nous voulons le faire de manière responsable, dans le respect de nos intérêts de sécurité nationale et de deux de nos partenaires afghans », a affirmé M. Kirby.

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