Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 8 octobre 2019

En trois clics, découvrez la carte des stations d'écoute de la DGSE



La condamnation, en appel, à 3000€ d'amendes de Bluetouff, ce blogueur et hacker (au sens noble) qui avait trouvé des documents parce qu'ils avaient été indexés par... Google, révèle le fossé numérique qui sépare encore ceux qui savent se servir de Google de ceux qui ne savent pas (voir l'analyse de Maître Eolas).

Les réactions à mon Quiz: rions un peu avec la DGSE qui brocarde notamment la Direction du renseignement militaire (DRM) et son utilisation des adresses @yahoo.fr -un peu comme si la NSA utilisait des adresses @wanadoo.com-, et qui révélait que les numéros de téléphone (et d'accès à Internet) des stations d'interception des télécommunications de la DGSE avaient été archivés par Google... via un appel d'offres passé par la DGSE, révèle de son côté le fossé numérique qui sépare ceux qui connaissent un peu les services de renseignement, de ceux qui ne savent pas.

Nombreux sont ceux qui, sur Twitter notamment, ont en effet cru que mon article était «inquiétant sur l'état du renseignement français», ou encore que j'avais voulu les ridiculiser... ce qui n'était pas du tout le cas. Les services de renseignement sont des administrations (presque) comme les autres, qui doivent donc rendre certains de leurs appels d'offres de marchés publics. C'est la loi, c'est un droit, Internet permettant à tout un chacun de les consulter.

Les informations que j'ai pointées du doigt ne sont pas des secrets d'Etat: la liste des numéros de téléphone (et d'accès à Internet) des stations espions de la DGSE —que je m'étais gardée de rendre publique— est ainsi toujours disponible en ligne, signe que ça ne la dérange pas plus que ça, et je me garderais bien de qualifier la DGSE d'incompétente (ses stations d'espionnage des télécommunications ne sont pas protégées «que» par des ficelles), même si l'on peut effectivement questionner la pertinence d'utiliser des emails @yahoo.fr ou @laposte.net, ou encore le choix de PC durcis tournant sur «Microsoft Windows XP Tablet Edition»...

La réaction d'Abou Djaffar, un ancien des services, que mon article aurait surtout fait «rigoler», révèle a contrario les fantasmes que d'aucuns —la majorité— se font au sujet des services de renseignement, comme s'il s'agissait de «boîtes noires» qui, mâtinées de «JamesBonderies», pourraient échapper aux regards scrutateurs de la société civile. Faute de communiquer (contrairement à la NSA), la DGSE en particulier, et les services de renseignement en général, entretiennent une aura de mystère qui ne fait, hélas, qu'accentuer les fantasmes que l'on peut s'en faire.

En levant quelque peu le voile sur cette institution, je ne cherche, tout comme Bluetouff, qu'à contribuer au débat public. En l'espèce, la consultation des marchés publics passés par la DGSE, croisée avec les photos disponibles sur Google Maps et Street View, plus les photos aériennes accessibles sur le Geoportail de l'INA, confirment l'existence de tout un réseau de stations d'écoute et d'interception des télécommunications opérées par les services de renseignement français, en France métropolitaine, dans les DOM-TOM, et à l'étranger.

Les appels d'offre ne précisent jamais qu'ils émanent de la DGSE, pas plus qu'ils ne mentionnent explicitement le fait qu'il s'agit de stations d'espionnage, mais il suffit de recouper les données pour comprendre ce dont il retourne. On trouve ainsi la trace de marchés portant sur l'entretien de la station d'épuration du «centre radioélectrique de Domme», des espaces verts du «centre radioélectrique de Saint-Christol d'Albion», du désherbage des «pieds d'antennes» des centres d'Alluets-le-Roi et de Feucherolles, ou du désherbage du «champ antennaire» du centre de Bonifacio («au croisement des routes de Cala Longa et Santa Monza», précise l'appel d'offres).

En 2009, un autre marché public de la DGSE portait, lui, sur la «maintenance des installations de climatisation en province (Domme, Poucharramet, Saint Laurent, Saint christol et Bonifacio)». En 2007, un appel d'offres portant sur des «travaux de conservation du domaine en voiries et réseaux divers (V.R.D)» mentionnait, comme «lieux d'exécution»:

«Bonifacio (2a), Domme (24), Poucharramet (31), Agde (34), Quelern (35), Saint Laurent de la Salanque (66), Saint Christol d'Albion (84), Paris 20ème, Romainville (93), Les Alluets le Roi (78), Feucherolles (78), Ablis (78).»

Exceptions faites de Quelern —qui accueille le Centre parachutiste d'entraînement aux opérations maritimes (CPEOM) du Service Action de la DGSE—, de la caserne Mortier à Paris —le QG de la DGSE—, du fort de Noisy à Romainville —QG du «Service action» et du «Service technique d'appui» (STA, le «Mr Q» de la DGSE)—, tous ces lieux correspondent à des «centres radio-électriques» (pour reprendre la terminologie officielle) de la DGSE.

Les appels d'offres révèlent également que les services de renseignement français en ont fermé plusieurs, connues ou non, ces dernières années. Enfin, et contrairement à la rumeur qui situait une station espion de «Frenchelon» dans un fort surplombant le village naturiste du Cap d'Agde, une contre-enquête révèle qu'elle était située plus à l'intérieur des terres, et qu'elle a été démantelée il y a 30 ans.

L'emplacement de certaines de ces stations espion avaient déjà fuité dans la presse en l'an 2000 —suite aux révélations de l'existence d'«Echelon», le système anglo-saxon d'espionnage des télécommunications, et de «Frenchelon», son pendant français— (voir «La carte des stations espion "Frenchelon"» ), d'autres n'avaient jusque-là jamais été identifiées -alors qu'elles existaient pourtant depuis les années 60.

La France espionnait les USA dès 1946

Dans un billet étrangement passé inaperçu cet été, Matthew M. Aid, ancien analyste du renseignement, historien et journaliste américain, spécialiste de la NSA et de l'espionnage des télécommunications, évoquait plusieurs de ces «centres radioélectriques», tout en accusant les services de renseignement français d'espionner les communications militaires et gouvernementales américaines :

«Des documents consultables dans les Archives nationales de Washington montrent que des centres d'écoute des télécommunications de l'armée française interceptait le trafic radio du gouvernement américain dès 1946. Et la France continue. Ces 30 dernières années, une portion considérable des efforts français en matière de renseignement d'origine électromagnétique (ou SIGINT, pour SIGnals INTelligence) ont pour objectif de voler les secrets industriels des entreprises américaines et d'Europe de l'Ouest, notamment dans les domaines high-tech, de défense, d'aviation, de pétrole, d'exploration du gaz naturel, de l'industrie logicielle et de matériel informatique.»

A l'en croire, la direction technique de la DGSE contrôlerait 15 centres d'écoute des télécommunications (9 en France, 6 outre-mer) employant quelques 2.000 personnes, soit plus du tiers des employés civils et militaires de la DGSE.

«Un des plus grands centres d'écoute du monde»

Le Centre radioélectrique de Domme, en Dordogne, près de Sarlat, est probablement le plus important d'entre eux: créé en 1974, d'après Matthew M. Aid, c'était le premier centre français d'interception des télécommunications satellites, avec une seule antenne parabolique, de 25 mètres de large. L'explosion des télécommunications satellites aurait conduit la DGSE a multiplier le nombre d'antennes dans les années 80 et 90. Les photos satellites sont floutées, mais pas les photos aériennes de Bing, le service de Microsoft, où l'on distingue près d'une quinzaine d'antennes :

Capture de la vue par satellite sur Bing du Centre radioélectrique de Domme, en Dordogne, près de Sarlat


Un article du Nouvel Observateur le présentait en 2001 comme «l'un des plus grands centres d'écoute du monde (...) le site principal des "grandes oreilles" de la République». Il est formellement interdit de le photographier, mais l'aéroport de Sarlat, situé juste à côté, propose des baptêmes de l'air en ULM, et nombreux sont ceux qui prennent les antennes en photo depuis la route qui longe la station...

Les centres radioélectriques des Alluets-Le-Roi et, à 4 kilomètres de là, de Feucherolles, situés entre Nanterre et Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, hébergent des dizaines d'antennes : après la Seconde guerre mondiale, écrit Matthew M. Aid, le centre d'Alluets servait de station de communication radio pour le service technique («Service 26») du SDECE, l'ancêtre de la DGSE, et dans un second temps pour de l'interception des télécommunications.

Dans les années 70, le centre d'Alluets était l'un des principaux centres d'écoute des appels téléphoniques internationaux et des fax, toujours selon Matthew M. Aid, qui estime qu'en 2001, plus de 200 opérateurs d'interception travaillaient à Domme ou aux Alluets, devenue la deuxième plus grosse station espion de la DGSE.

Aujourd'hui, elle compte plus d'une dizaine d'antennes paraboliques d'interception des télécommunications satellites, plus une autre dizaine d'autres antennes non-identifiables, floutées sur Google Maps et Bing, mais pas ailleurs, comme le relevait, amusé, le blogueur Zone d'Intérêt, également à l'origine de la découverte, sur le web, des plans du système anti-intrusion de la DGSE, et qui a consacré un long billet à ce que révèlent les appels d'offres de la DGSE:



On notera, par ailleurs, que si les photos satellites de nombreuses stations sont floutées, celles de Google Street View, elles, ne le sont aucunement, comme on peut le voir ici aux Alluets:


Construite en 1997 sur une ancienne base militaire nucléaire, le centre radioélectrique de Saint-Christol d’Albion (Haute-Provence), qui accueillait, selon Matthew M. Aid, entre 50 et 100 personnes de la DGSE en 1998, ciblerait principalement les télécommunications africaines. 10 ans plus tard, 150 personnes de la DGSE y auraient été déployés.


On y distingue une douzaine d'antennes satellites, ainsi que le GRAVES (pour «radar Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiales»), un système de détection de satellites, qui, deux ans après son installation, en 2005, avait identifié de 20 à 30 «anomalies orbitales, dont bon nombre de satellites espions, surtout américains», écrivait Le Monde en 2007 :

«"Cela nous a conduits à prendre contact avec nos amis américains, explique le général Patrick de Rousiers, commandant de la défense aérienne, et à faire part de notre étonnement." Les choses se sont réglées à l'amiable. "Nous sommes dans tous les cas très dépendants des renseignements des Etats-Unis, parce qu'ils disposent de bien plus de capteurs que nous, explique le général de Rousiers, et voient des objets plus petits."»

Situé au milieu des marais, sans perturbations électromagnétiques, dans un lieu isolé, le centre de réception et de radiogoniométrie de Saint Laurent-de-la-Salanque (Pyrénées-Orientales), près de Perpignan, aurait été créé en 1997; il ne possède pas d'immenses paraboles, mais une vingtaine d'antennes «parapluies» d'à peu près quatre mètres de haut qui serviraient surtout à espionner les télécommunications d'Afrique du Nord, notamment celles de l'armée et de la diplomatie algériennes.

«Des espions chez les naturistes»?

La presse française et Matthew M. Aid ont par ailleurs évoqué, à de nombreuses reprises, la présence d'une station espion à Agde, dans l'Hérault, pointant du doigt les grandes antennes du Mont Saint-Loup. Ils omettaient cela dit de préciser que tout un chacun peut y accéder, et que nombreux sont ceux, à commencer par la voiture de Google Street View, à avoir pris des photographies aux pieds des antennes...

Capture de la vue par satellite sur Google Maps des antennes du Mont Saint-Loup, à Agde, dans l'Hérault


Intrigué, un journaliste de la Gazette de Montpellier s'est même fendu d'un article, cet été, intitulé «Des espions chez les naturistes», cherchant à vérifier si la DGSE avait effectivement une station d'interception des télécommunications à quelques pas des plages naturistes.




Renseignement pris, l'une des antennes du Mont Saint-Loup appartient à la SARL Megamix, et sert notamment à relayer la radio RTL2; l'autre appartenait au Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS)...

Le sémaphore, abandonné depuis les années 2000, a depuis servi de squat, puis de chenil municipal. La vraie station de la DGSE, installée plus haut dans les terres, dans un bâtiment estampillé les champs blancs, était quant à elle désertée depuis 30 ans, et sert aujourd'hui de base arrière aux 100 agents des services «Espaces verts» et «Propreté voirie». Les prises de vues aériennes archivées par le Geoportail révèlent effectivement la présence de plusieurs antennes dès 1955, mais plus en 1992, où ne restaient plus que les plots :



Les «crop circles» de la DGSE

Le Geoportail permet par ailleurs de trouver de nombreuses photographies aériennes, datant pour certaines des années 60, de plusieurs des centres et champs d'antennes radiogoniométriques de la DGSE, reconnaissables parce que sphériques, et utilisées pour localiser les émetteurs d'émissions, à l'instar de la station d'Ablis, dans les Yvelines, dont une photo aérienne disponible sur le Geoportail indique qu'elle existait déjà en 1970.


On trouve des champs d'antennes sphériques de ce type à côté de Bonifacio, Poucharramet (Haute-Garonne), près de Toulouse, Velaine-en-Haye (Meurthe et Moselle), près de Nancy, et Kerdraziou (Finistère), près de Brest. A l'exception de Bonifacio, surveillé par de nombreuses caméras de vidéosurveillance, ces centres ne sont pas particulièrement sécurisés.

En cherchant sur Google la liste des marchés publics d'entretien des «espaces verts» de la DGSE, on découvre par ailleurs l'existence d'autres sites à Mutzig et Illkirch, en Alsace, ainsi qu'à Kourou en Guyane, sur l'île de Mayotte, ainsi qu'à La Tontouta en Nouvelle Calédonie, tous lieux mentionnés, depuis des années, comme accueillant des stations du système surnommé Frenchelon.

Les stations de la DRM

L'armée contrôle par ailleurs d'autres stations, déployée en France, outre-Mer et dans certains pays «amis», par la Direction du renseignement militaire (DRM).

Ses détachements avancés (ou autonomes) de transmission (DAT), indique cet appel d'offres, constituent «une chaîne de renseignement constituée d'aériens, d'équipements d'écoute, d'équipements d'interception, d'équipements de traitement et d'équipements de renseignement au profit de la Direction du Renseignement Militaires».

Le Projet de loi de finances précise que les DAT sont chargés des opérations de renseignement d'origine électromagnétique (ROEM), afin de former «un maillage initial en mesure de surveiller les activités des zones qui abritent nos intérêts outre-mer ou revêtent un intérêt particulier en cas de crises». Le projet de loi de finances pour 2003 indique qu'à l'époque, «près de 300 personnes réparties dans les détachements avancés de transmissions installés en Afrique et outre-mer et chargés de procéder à des interceptionss». Depuis, aucun chiffre n'a été publié, mais son modus operandi a évolué, comme l'expliquait, en 2010, le colonel Bruno Noyer, sous-directeur des opérations adjoint à la DRM :

«Elle a, par exemple, entamé dès 2004 avec la DGSE une démarche de mutualisation des moyens de recueil du renseignement d'origine électromagnétique (ROEM), démarche qui est appelée à s'approfondir. Ainsi, certains détachements avancés de transmissions outre-mer sont désormais armés par des techniciens des deux agences.»

Le projet de loi de finances pour 2010 évoquait ainsi «les mutualisations entre la DRM et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), notamment les sites de Papeete et de Mayotte». Les insignes des militaires qui y sont affectés, et dont les couleurs diffèrent en fonction des DAT, montrent (tout un symbole) une araignée tissant sa toile au-dessus d'une mappemonde, zèbrée d'un éclair...



L'arrêté dressant la liste des «unités et formations éligibles à l'avance de trésorerie pour l'activité des forces» répertorie 9 DAT actifs en 2012 : au Gabon, à Giens, Mayotte, Djibouti, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Emirats arabes unis (créé en 2010), aux Antilles et sur la presqu'île du Cap-Vert, au Sénégal.

En comparant la liste de ces DAT avec les insignes répertoriées par les collectionneurs, on découvre que plusieurs d'entre eux aurient été fermés: Port-Bouët en Côte d'Ivoire, Bangui en Centrafrique, ainsi que celui de la Réunion (fermé en 2010, d'après cette annexe budgétaire). Ce serait aussi le cas d'une station implantée à Fort Oscar, à Saint-Barthélémy, en Guadeloupe, dans les Antilles, qui aurait été remplacée par une gendarmerie, en 2006. Un appel d'offres, publié en juin 2013, évoque cela dit des «travaux de balisage périmétrique relatifs à la mise en place d'un éclairage extérieur de balisage du terrain du Détachement Avancé des Transmissions (Dat) situé au Quartier DUGOMMIER à baie mahault (Guadeloupe)»...

Matthew M. Aid a consacré un second billet aux stations d'écoute et d'interception des télécommunications de la DRM. A l'en croire, celui de Djibouti, fort d'une demi-douzaine d'antennes, emploierait «au moins» 50 personnels de la DRM et/ou de la DGSE, ciblant principalement les rebelles au Soudan, au Yemen, dans la péninsule arabique et l'est africain. La création de Fregate, nom de code du centre radioélectrique de Kourou, en Guyane, fut validée en 1984, bien qu'il n'aurait ouvert qu'en 1990, après que le BND, l'équivalent allemand de la DGSE, ait accepté de le co-financer (et de le co-administrer).

D'après Matthew M. Aid, il aurait notamment pour vocation d'intercepter les télécommunications satellites Intelsat entre l'Amérique du nord et l'Europe. Le centre de La Tontouta, en Nouvelle Calédonie, construit à partir de 2001 d'après Matthew M. Aid, ne disposait que de trois antennes paraboliques en 2009. @zonedinteret relevait récemment qu'elle en compte désormais cinq :



La DCRI à Boullay les Troux

En l'an 2000, La Dépêche rapportait que la ville de Toulouse avait finalement obtenu que le Centre d'écoute et de radiogoniométrie (CERT) de la DST, installées depuis 1958 à la Marcaissonne, au sud-est de la ville, quittent la région. Le centre, qui comportait alors une trentaine d'antennes, est aujourd'hui déserté, mais on en retrouve la trace sur le Geoportail via des photographies aériennes datant de 1961.

Capture de Geoportail et de Google Maps


Les «grandes oreilles» de la DST ont depuis déménagé à Boullay-les-Troux, dans l'Essonne. On y distingue de nombreuses antennes rateaux et paraboliques et, à droite du champ d'antennes, un «crop circle» agrémenté de deux antennes paraboliques. De l'autre côté de la route, au bout de la voie barrée de deux panneaux «sans issue» et «sens interdit», une énorme antenne surmontant plusieurs bâtiments. Signe de la montée en puissance du centre de Boullay-les-Troux, un bâtiment neuf y a été construit en 2008, pour y accueillir «des locaux informatiques de haute technologie (...) et revaloriser son image» suivi, en 2011, de la construction d'un «pôle d'investigations numériques sur le site de la DCRI de Boullay-Les-Troux».

Capture de Bing


Non contente de travailler avec la DRM et la DCRI, la DGSE collabore aussi avec le centre de guerre électronique du 44e régiment des transmissions, qui serait capable d'intercepter toutes les conversations échangées par moyens radioélectriques jusqu'a 4.500 kilomètres de distance.

Le mystère de Trestraou

La consultation des appels d'offres de la DGSE révèle que plusieurs de ses sites ont fait l'objet de travaux de démolition et/ou de dépollution laissant entendre qu'ils auraient été abandonnées: Trestraou à Perros-Guirrec et Illkirch en 2005, Velaine en Haye en 2007, Arles Sainte-Cécile en 2008. Etrangement, la photo satellite disponible sur Google Map montre des antennes à Velaine en Haye, alors que la photo aérienne proposée par Bing montre, elle, un champ désaffecté.


Par ailleurs, on distingue encore les antennes du centre radioélectrique Sainte-Cécile, près d'Arles, sur Google, et la zone est même floutée sur Bing, signe qu'elle accueillerait encore des installations suffisamment sensibles pour que les autorités aient demandé à ce que les photos satellites soient censurées. La photo satellite proposée par le Geoportail de l'IGN, certes légèrement floutée, indique cela dit que les installations auraient bel et bien été démontées.


A ce titre, il est plutôt cocasse de voir que la photo satellite de la Caserne des Tourelles (ou Centre administratif des Tourelles -CAT), siège de la DGSE, est floutée... mais pas la photo aérienne (mais depuis, elle est aussi floutée)



Reste une inconnue: pourquoi la DGSE avait-elle bâti un appentis sur la plage de Trestraou, à Perros-Guirrec, et pourquoi l'a-t-elle démoli en 2006 ? Depuis des mois, Reflets.info émet l'hypothèse que les services de renseignement français auraient, à l'instar de la NSA aux USA, et du GCHQ au Royaume-Uni, décidé d'espionner les câbles de télécommunications sous-marins. On estime en effet que 99% du trafic intercontinental transiterait aujourd'hui sous les océans, plutôt que via les satellites.

La carte des câbles sous-marins indique que Lannion, à quelques kilomètres de là, accueille deux câbles sous-marins, Apollo, en provenance des Etats-Unis, et Hugo, en provenance du Royaume-Uni. Mais ils arrivent directement sur la plage de Beg-Léguer, à Lannion, comme l'avaient révélé des salariés d'Alcatel-Lucent en colère, qui avaient tenté de les déterrer, en 2009. De plus, Apollo a été enterré en 2002 selon Ouest France, et Hugo en 2007 d'après Le Télégramme. L'hypothèse était tentante : avec son débit de 280 Gbit/s, Hugo, «gros tube blanc dont le diamètre avoisine 1,5 centimètre», expliquait alors Le Télégramme, est capable de prouesses impressionnantes :

«"C'est l'équivalent de 4,5 millions de télécommunications téléphoniques simultanées", s'avance Auguste Bizouarn, chargé de mission haut-débit à Lannion-Trégor Agglomération.»

Apollo, lui, a un débit de 3,2 Tbit/s... Cela dit, si la DGSE voulait vraiment espionner un câble sous-marin, le plus simple serait probablement d'aller s'installer dans le bâtiment qui traite les données transitant par ces câbles, plutôt qu'en fabriquant un «appentis» sur une plage... Le mystère de Trestraou reste entier.

Jean-Marc Manach