Prise en charge dans des quartiers «étanches», isolement des plus dangereux: depuis ce qu'elle a qualifié de «premier attentat djihadiste, fomenté en prison» en 2016, l'administration pénitentiaire a revu de fond en comble la gestion des détenus radicalisés.
Les récentes agressions de surveillants au Havre par un détenu condamné pour des faits de terrorisme et à Condé-sur-Sarthe en mars par un détenu radicalisé montrent néanmoins la difficulté de trouver «la solution miracle» pour contenir les risques de passage à l'acte et de «contagion».
Sur plus de 71.000 détenus en France, environ 500 personnes sont incarcérées (en attente de jugement ou déjà condamnées) pour des faits de terrorisme islamiste (TIS) et quelque 1.100 prisonniers de droit commun sont suivis pour radicalisation, un chiffre stable depuis dix-huit mois.
Ces détenus ont tous vocation à passer par des quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER). Dans ces quartiers destinés à mesurer la dangerosité et le degré de radicalisation des détenus pendant environ quatre mois, interviennent notamment psychologues, référents religieux, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP).
Il existe six QER en France. Le premier avait ouvert en février 2017 à la maison d'arrêt d'Osny (Val d'Oise), là où cinq mois plus tôt un détenu condamné pour terrorisme, Bilal Taghi, avait tenté de tuer un surveillant avec un couteau artisanal aux cris d'«Allah Akbar».
Les autres QER ont ouvert à Fleury-Mérogis et Fresnes en région parisienne, ainsi qu'à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et à Condé-sur-Sarthe (Orne), les deux établissements les plus sécurisés de France.
Selon la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), il reste environ 80 TIS à être évalués en QER, et des détenus de droit commun repérés comme radicalisés ont commencé leur évaluation à Vendin-le-Vieil.
Après le QER, les détenus dont le «pronostic» de passage à l'acte est assez faible retournent en détention ordinaire. Ceux présentant un fort potentiel de dangerosité ou d'attaque sur le personnel sont placés en quartier d'isolement.
Enfin ceux pour lesquels «l'imprégnation idéologique» reste très forte mais qui ne présentent pas un risque «exacerbé» d'agression sont redirigés vers des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR).
Sur les 480 détenus déjà évalués dans les QER, 80% ont ensuite rejoint la détention ordinaire, 10% ont été placés en QPR et 10% à l'isolement, indique François Toutain, chef de mission de lutte contre la radicalisation à la DAP.
Après Lille-Annoeullin et Condé-sur-Sarthe, un troisième QPR a ouvert le 24 juin à la prison de la Santé à Paris et un quatrième doit ouvrir à Aix-Luynes en octobre. La capacité totale des QPR sera en fin d'année d'un peu plus de 120 places, selon la DAP.
En février 2018, le Premier ministre Edouard Philippe avait annoncé l'objectif de créer à terme 1.500 places dans des quartiers «étanches». Elles sont actuellement au nombre de 350 à 400.
Parmi les 180.000 personnes suivies en milieu ouvert en France, plusieurs centaines sont suspectées de radicalisation ou mises en cause dans un dossier terroriste.
Ces profils dits de «bas du spectre», que la justice n'a pas estimé nécessaire d'enfermer ou qui ont obtenu un aménagement de leur peine, sont tous suivis par un Service de probation et d'insertion pénitentiaire (SPIP), où des conseillers sont référents pour la radicalisation.
Le SPIP de Paris gère une quarantaine de ces profils sur un total de 4.500 personnes suivies en milieu ouvert.
Pour les profils les plus lourds ou complexes, un dispositif sur-mesure - baptisé RIVES puis PAIRS pour «Programme d'accueil individualisé et de réaffiliation sociale» - a été expérimenté en secret à l'automne 2016 à Paris.
Après cette expérimentation, trois centres de prise en charge individualisée en milieu ouvert se sont installés à Paris, Marseille et Lyon et un quatrième va l'être à Lille à l'automne.
Ces centres offrent trois niveaux de prise en charge, sur le modèle du mentorat, pouvant aller jusqu'à 20 heures par semaine.
AFP