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dimanche 14 juillet 2019

Le Suffren; nouveau sous-marin nucléaire français





Après plus de dix ans de travaux - dont trois de retard - sur le chantier de Naval Group, dans l'arsenal de Cherbourg (Manche), le dernier né des sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire (SNA) va sortir de la gigantesque nef où les quelque 800 000 pièces qui le composent ont été assemblées dans le plus grand secret.

Prélude à sa mise à l'eau dans un grand bassin de l'arsenal, dans quelques semaines, l'apparition au grand jour de ce vaisseau immergé, sa date de naissance officielle, sera célébrée en bonne et due forme par le chef de l'Etat, vendredi. Son nom : Suffren, premier d'une série de six submersibles, dans le cadre du programme baptisé « Barracuda » - comme le carnivore vorace qui aime surprendre ses proies dans les récifs - dont le coût total approche les 9 milliards d'euros - contre 7,9 prévus initialement.

Long tube noir de 99 m, ce concentré de technologies devrait être remis à la marine l'été prochain, une fois achevée une batterie de tests et d'essais en mer. Trois autres sous-marins similaires seront livrés d'ici 2025 (le Duguay-Trouin, le Tourville et le De-Grasse), à mesure que leurs six prédécesseurs, issus de la « classe Rubis », seront démantelés à Cherbourg, où ils ont commencé à voir le jour dès 1976, dans le sillage de la Guerre froide.

Deux autres vaisseaux compléteront le nouveau dispositif d'ici à 2029, le Casabianca et le Rubis. Ces six SNA devraient rester en service au moins jusqu'en 2060. « Un passage de flambeau historique », relevait la ministre des Armées Florence Parly, le 24 juin dernier, au moment de la mise à la retraite du « Saphir ».

L'empreinte acoustique d'un ban de crevettes

Les missions de ces chasseurs immergés sont nombreuses : « l'escorte d'unité précieuse », c'est-à-dire la protection du navire amiral de la marine tricolore, le porte-avions Charles-de-Gaulle, la capture de renseignements ou encore la détection, le pistage de sous-marins adverses. Avec leurs nouveaux équipements, les Barracuda pourront désormais envoyer des missiles de croisière navals d'une portée de 1000 km environ.

Contrairement aux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), les SNA ne sont pas équipés de missiles nucléaires. Ils seront plus furtifs, conçus pour laisser une empreinte acoustique équivalente à celle d'un ban de crevettes. Ils permettront également le déploiement de forces spéciales, grâce à un « hangar de pont », accessible depuis un sas, qui permettra aux plongeurs de combat de rallier un propulseur sous-marin. Une capacité dont seuls disposaient jusqu'à présent les Américains et les Britanniques.




Avec l'arrivée du premier SNA Suffren le commando Hubert recevra son premier propulseur sous-marin de 3ème génération (PSM3G) et un Dry Deck shelter (DDS).  programmes d’équipement qui sont complémentaires et compatibles avec le programme de sous-marins Barracuda.

Le PSM3G est un vecteur de transport pour des nageurs de combat, qui permettra d’accroître la capacité d’emport (en équipement et personnel), d’autonomie et donc de rayon d’action. Le DDS est un compartiment de stockage (l’équivalent d’un hangar de pont) qui se fixe sur un sous-marin et peut accueillir un PSM permettant ainsi d’acheminer ce dernier d’une base de départ en métropole jusqu’au large de la zone d’intervention pour mettre en œuvre des nageurs de combat en toute discrétion. Le DDS comporte un sas connecté à l’intérieur du sous-marin pour l’accès des commandos et un hangar pour le PSM.


PSM3G


La projection à partir de sous-marins en plongée est l’une des plus complexes à maîtriser. La France, avec la Force Océanique Stratégique (FOST) et les commandos marine, fait partie des rares nations à posséder cette capacité qui assure une discrétion maximale à ce type d’action. Parmi les commandos marine, c’est le commando Hubert qui détient l’expertise de l’action subaquatique.

Seulement 2 DDS ont été commandé + 1 Module DDS entrainement pour la base Hubert à Saint-Mandrier    Quand au nombre de PSM il est inconnue.

Les DDS peuvent être projeter par avion C130 pour être fixer sur un BARRACUDA au cours d'une escale ou lors d'une remontée en surface en pleine mer de nuit .   

Pourquoi engloutir des milliards dans de telles machines de guerre ? Depuis 2013, le nombre de sous marins dans le monde a augmenté de 6 %. A la table du Conseil de sécurité de l'ONU, les cinq membres permanents en sont dotés (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France). « Ils sont tous en train de les rénover, d'augmenter leurs performances », confie un militaire de haut rang.

Sans parler des nouvelles forces océaniques qui émergent, comme le Brésil, l'Inde ou encore l'Australie, qui a commandé douze exemplaires du Barracuda. Et des puissances traditionnelles qui continuent de s'équiper. En quatre ans, la marine chinoise a ainsi construit l'équivalent de tous les bâtiments de surface de la marine française, deuxième espace maritime au monde (onze millions de km2). Entre grandes puissances, les flots sont devenus le théâtre de confrontations, à quelques lieux sous les mers.

Il n’a plus de périscope

C’est une page qui se tourne dans l’imaginaire de la bataille navale. Le nouveau SNA n’a plus de périscope, ce tube coulissant qui permettait de voir à la surface. L’emblématique dispositif est remplacé par des caméras placées en haut d’un mât qui retransmettent les images sur les écrans des sous-mariniers.

Le « Suffren » pourra naviguer jusqu’à soixante-dix jours en parfaite autonomie à 350 m de profondeur, selon la Direction générale de l’Armement.

Il est conçu pour l’embarcation de femmes

Dès sa conception, le sous-marin a été imaginé pour recevoir un équipage mixte, avec des quartiers et des douches réservés. Si tous les navires militaires sont désormais construits comme cela, le « Suffren » sera le tout premier SNA à accueillir des femmes à bord, car jusqu’à 2014 et une initiative du ministère des Armées, aucune d’entre elles n’avait jamais été admise dans l’équipage des submersibles.

Depuis, six femmes ont déjà pris part à des patrouilles à bord de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).

Suffren : pourquoi ce nom ?

C’est le plus connu des marins français. Pierre André de Suffren a profondément marqué l’histoire maritime : ce vice-amiral de France a traversé pas moins de trois guerres navales contre la perfide Albion, pendant le XVIIIe siècle. En 1743, il fait ses premières armes contre les Anglais pendant la guerre de Succession d’Autriche. Ce combattant intrépide gravit peu à peu tous les échelons de la Marine royale. Depuis, son nom a été donné à sept navires français. La deuxième génération de sous-marins nucléaires d’attaque sera la première classe de submersibles à porter son patronyme.