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mercredi 12 juin 2019

Le djihadiste suisse moyen est au chômage et vit dans l’Arc lémanique


La plupart des djihadistes en Suisse sont au chômage et environ 40% dépendent des assurances sociales ou de l'aide sociale. Une étude de la Haute école zurichoise ZHAW le révèle. Un tiers d'entre eux vivent dans l'Arc lémanique, une région surreprésentée.

Selon l'étude de la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW), basée sur des données anonymisées du Service de renseignement de la Confédération (SRC) ainsi que des interviews, 31,5% de l'échantillon de 130 cas fourni par le SRC concernent l'Arc lémanique. Cela représente 2,7 cas par centaine de milliers d'habitants, soit 41 cas au total.

La densité de cas de radicalisation djihadiste sur l'Arc lémanique - Genève, Vaud et Valais compris - atteint presque le double de celle observée dans le canton de Zurich ou dans l'Espace Mittelland incluant Berne, Fribourg, Neuchâtel et le Jura. De manière générale, la Suisse romande est surreprésentée dans cette statistique: 42,3% des radicalisés recensés y vivent alors que la population romande représente à peine un quart des habitants en Suisse.

La Suisse alémanique compte 70 cas sur 130, alors que 71% de la population suisse y vit. Au Tessin, le nombre de cas (5) est minime. De manière générale, les cas se concentrent surtout dans les grandes agglomérations et ne touchent que marginalement des régions principalement campagnardes comme la Suisse centrale.

En comparaison internationale, la Suisse compte bien moins de djihadistes par nombre d'habitants que la France, la Belgique ou l'Autriche. Elle en dénombre, par ailleurs, une proportion légèrement plus faible que l'Allemagne, mais nettement plus élevée que l'Italie.

Convertis surreprésentés

Un tiers des radicalisés relevés dans l'échantillon sont de nationalité suisse. Environ 35% sont nés en Suisse, plus de la moitié y ont grandi et deux tiers y ont été socialisés durant leur jeunesse. Parmi les voyageurs du djihad, les convertis sont largement surreprésentés, puisqu'ils représentent 20% des cas.

L'étude de la ZHAW s'est aussi penchée sur le contexte social des radicalisés. Les données fournies en la matière par le SRC sont basées sur des échantillons plus petits que pour l'origine et le lieu de domicile.

Familles difficiles et précarité

Deux tiers des personnes observées ont grandi dans un contexte familial difficile. Une large majorité a subi des discriminations et 17% consommaient régulièrement des drogues avant de se radicaliser. Un tiers des personnes concernées étaient au chômage avant leur radicalisation. La part de chômeurs parmi les personnes en cours de radicalisation augmente à 58%.

Durant cette phase, beaucoup abandonnent leur formation ou leur emploi pour se consacrer à l'activisme religieux. Selon l'étude, les individus en voie de radicalisation se démarquent en prenant de plus en plus leurs distances par rapport à la société.

Nombre de personnes concernées sont aussi au chômage après avoir séjourné en prison. Conséquence de cette précarité, 40% des individus radicalisés sont dépendants des prestations sociales de l'Etat. Le profil type du musulman radicalisé en Suisse est un homme de 18 à 35 ans, issu de parents immigrés, vivant dans une grande ville ou dans son agglomération, au niveau de formation modeste, mal intégré sur le marché du travail.

Détection précoce

«Détecter tôt des tendances de désintégration à l'école ou au travail et tenir compte d'activités criminelles augmente les chances de succès de mesures de prévention et d'intervention», souligne Miryam Eser Davolio, professeure à la ZHAW et directrice de l'étude.

Autre recommandation: il faut prendre des mesures de protection contre la propagande et le recrutement. Dans ce domaine, la dynamique de groupe et les contacts avec des personnes aux intérêts communs sont plus déterminants que la consommation de contenus en ligne, même si cette dernière constitue une caisse de résonance.

Prisons spécialisées

Les autorités d'exécution des peines doivent elles aussi relever le défi que représente la présence de détenus radicalisés. Les auteurs de l'étude suggèrent de transformer deux à trois prisons en centres de compétences destinés à des détenus de ce type. Le personnel doit suivre une formation continue, tous métiers confondus.

Quant aux services de prévention de l'extrémisme ou de type «bâtisseur de ponts avec les minorités», régis par les grandes villes ou les cantons, ils sont exhortés à définir des exigences minimales et à échanger leurs expériences.

ATS