Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 27 mai 2019

«Ibizagate»: ce que l'on sait de la vidéo




Dans une vidéo tournée en caméra cachée, l'on peut voir le dirigeant nationaliste Heinz-Christian Strache se montrait disposé à se compromettre avec un intermédiaire russe en échange de financements.

Dernière répercussion de ce scandale dit de l'«Ibizagate», le chancelier conservateur Sebastian Kurz affronte lundi une motion de censure susceptible de lui coûter son poste.

Voici ce que l'on sait de cette vidéo, dont l'origine n'a pas été établie avec certitude mais dont l'authenticité n'a pas été remise en cause.

Que voit-on dans la vidéo ?

Les journaux allemands «Süddeutsche Zeitung» (SZ) et «Der Spiegel», qui ont révélé cette vidéo le 17 mai, ont précisé qu'elle durait plus de six heures et qu'elle avait été tournée en juillet 2017 dans une villa d'Ibiza, aux Baléares, à trois mois de législatives où M. Strache se présentait comme tête de liste de son parti FPÖ.

Seuls des extraits du document ont été diffusés. On y voit M. Strache de profil, assis dans un canapé et visiblement sous l'emprise de l'alcool, s'adresser à une interlocutrice hors-champ, qui s'est présentée comme étant «Aliona Makarova», «nièce» de l'oligarque russe Igor Makarov. L'ambiance est celle d'une soirée arrosée. Présent à l'écran, Johann Gudenus, un lieutenant de M. Strache, contribue à l'interprétation.

Qu'y dit M. Strache ?

Contrats : «Dis-lui que si elle rachète la Kronen Zeitung (le journal le plus puissant d'Autriche, ndlr) trois semaines avant les élections et nous propulse à la première place, nous sommes ouverts à toutes les discussions (...) Elle aura tous les contrats publics remportés aujourd'hui par Strabag», un grand groupe autrichien de BTP.

Argent sale : La jeune femme mentionne à plusieurs reprises qu'une partie des fonds à investir sont d'origine frauduleuse.

Médias : M. Strache rêve de mettre au pas les médias de son pays et confie son admiration pour l'investisseur autrichien Heinrich Pecina «qui a racheté tous les médias hongrois ces quinze dernières années pour Orban», le Premier ministre hongrois.

Financement. «Il y a des gens très fortunés qui versent entre 500.000 et de 1,5 million et 2 millions» d'euros au FPÖ via une «fondation d'intérêt général». «De cette façon, tu n'as pas besoin de le déclarer à la Cour des comptes», ajoute M. Strache en citant plusieurs grands groupes, qui ont tous démenti.

Qui est «Aliona Makarova» ?

On ne le sait pas précisément. Selon la Kronen Zeitung, il s'agirait d'une étudiante bosnienne polyglotte qui aurait été payé de 6 à 7.000 euros par journée de travail pour ce coup monté.

La jeune femme était en contact avec M. Gudenus depuis plusieurs mois et lui avait proposé de racheter cinq fois sa valeur un domaine de chasse lui appartenant. La première rencontre s'était passée dans un grand restaurant de Vienne où elle était arrivée à bord d'un véhicule de grand luxe, a-t-il témoigné.

Aliona Makarova est debout et flouté


Au cours de la soirée à Ibiza avec M. Strache, ce dernier a eu un doute en réalisant que les orteils de son interlocutrice manquaient de soin, un détail peu compatible avec son statut. «C'est un piège», glisse alors M. Strache à M. Gudenus. Lequel le rassure : «c'est pas un piège».

Igor Makarov a indiqué au magazine Forbes qu'il n'a pas de nièce.

D'où provient cette vidéo ?

Le Spiegel et le SZ n'ont pas voulu en révéler l'origine, et ont précisé qu'ils refuseraient de la remettre aux enquêteurs. Selon les journalistes, elle leur a été confiée dans des circonstances rocambolesques dans un «hôtel abandonné».

Un avocat viennois d'origine iranienne qui était en contact avec M. Gudenus, Ramin Mirfakhrai, a indiqué le 24 mai avoir été impliqué dans ce coup monté, affirmant avoir agi dans le cadre d'un «projet pour la société civile».

Selon la Kronen Zeitung, il aurait toutefois tenté à plusieurs reprises de vendre la vidéo. Celle-ci aurait finalement été achetée par une «association allemande» pour 600'000 euros, payés en pièces d'or. Le Spiegel et le SZ ont pour leur part assuré n'avoir rien versé.

L'hebdomadaire autrichien «Falter» a indiqué avoir été approché au sujet de cette vidéo «il y a un an». Un humoriste allemand, Jan Böhmermann, en a par ailleurs cité des extraits en avril, avant qu'elle ne soit rendue publique.

Un détective autrichien et deux «experts en sécurité» ont également été impliqués dans la production de la vidéo, selon la presse autrichienne.

Le Kremlin a pour sa part assuré n'avoir «rien à voir» avec cette vidéo.

Quelles conséquences ?

MM. Strache et Gudenus ont démissionné de toutes leurs fonctions après la diffusion, qui a scellé la fin de la coalition formée avec M. Kurz fin 2017.

M. Strache a présenté ses excuses pour des propos «catastrophiques» et un comportement «adolescent» sous l'emprise de l'alcool. Il a dénoncé un procédé «perfide» et indiqué avoir porté plainte contre quatre personnes.

Le parquet de Vienne a confirmé lundi mener des investigations «dans plusieurs directions» concernant la confection de cette vidéo. Une enquête a par ailleurs été ouverte sur le financement du FPÖ.

ATS