vendredi 21 décembre 2018
Faut-il craindre l’arrêt du soutien américain à l’opération Barkhane ?
En 2017, les aéronefs de l’armée de l’Air ont assuré 2.140 missions au titre de l’opération Barkhane, soit environ 13.500 heures de vol. Bien sûr, les drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 Reaper, mis en oeuvre depuis Niamey, ont contribué significativement à ce total. Mais il n’en reste pas moins que cette intense activité aérienne exige des moyens que les forces françaises n’ont pas. D’où le soutien précieux de l’US Air Force dans le domaine du ravitaillement en vol, dans le cadre de l’opération « Juniper Micron« .
L’apport américain à l’opération Barkhane ne se limite pas à la mise disposition d’avions ravitailleurs. Les États-Unis apportent une contribution non négligeable dans les domaines du renseignement et de la logistique. Le président Obama avait, en son temps, débloqué une enveloppe annuelle de 10 millions de dollars pour soutenir l’action militaire française au Sahel…
En outre, la coopération entre la France et les États-Unis n’a cessé de se renforcer au Sahel, via des échanges de bons procédés, que ce soit par l’approvisionnement des forces américaines en carburant par le Service des essences des armées [SEA]. Un détachement du 25e Régiment du génie de l’air a, par exemple, contribué à des travaux ayant visé à améliorer la protection de la base américaine de Niamey…
« La coopération s’étend également à la sécurité des emprises, avec la mise en place de moyens de communication entre les détachements de protection respectifs et la conduite d’entraînements conjoints de façon régulière », soulignait encore récemment l’État-major des armées [EMA].
Seulement, après les décisions que vient de prendre le président américain, Donald Trump, sans prévenir les intéressés de ses intentions et en contredisant les déclarations de ses conseillers et des membres éminents de son administration [retrait de Syrie, désengagement partiel d’Afghanistan], l’on peut nourrir quelques craintes au sujet de l’avenir de cette coopération. Avec quelqu’un qui connaît le prix de tout mais la valeur de rien, on peut s’attendre à tout.
« Il y a eu une répartition des tâches entre les Américains et les Français, avec l’effort français porté sur le Sahel. Cela demanderait une redistribution des moyens français qui, quoi qu’il arrive, sont extrêmement limités au regard des moyens américains. Le retrait américain de Syrie créé un vide qui est très difficilement compensable, donc il est clair que la décision unilatérale de M. Trump représente un danger pour les nations occidentales », a commenté auprès de l’AFP le général [2S] Vincent Desportes, au sujet de la décision de M. Trump relative au Levant.
« Les Américains sont satisfaits que les militaires français ‘fassent le job’ dans cette région du monde qui n’est pas pour eux au premier rang des priorités », soulignait ainsi Alain Barluet, le spécialiste des affaires militaires du quotidien Le Figaro, dans un papier publié en mars 2017.
Or, si les forces américaines quittent la Syrie et réduisent la voilure au sein de la coalition anti-jihadiste, quelle sera désormais la répartition des tâches évoquée par le général Desportes? En outre, le mois dernier, le Pentagone a annoncé qu’il réduirait son empreinte en Afrique, la priorité stratégique des États-Unis n’étant plus la contre-insurrection mais la rivalité avec la Chine et la Russie. Cependant, une exception est faite pour la Somalie, où ils continuent de mener régulièrement des frappes contre les milices Shebab.
Certes, lors d’une visite à Paris, en octobre, le chef du Pentagone, James Mattis, a assuré que les « États-Unis continueront de soutenir les efforts militaires de la France » au Sahel contre les jihadistes et qu’ils « n’ont aucune intention de réduire le niveau de leur aide à ce stade. »
Seulement, après avoir esssuyé plusieurs camouflets de la part de M. Trump, James Mattis va quitter ses fonctions… Qu’en sera-t-il avec son successeur?