Le 4 décembre, 28 ans après avoir évacué et fermé leur ambassade en raison de l’effondrement du gouvernement central somalien et les violences, les États-Unis ont rétabli « une présence diplomatique permanente » à Mogadiscio.
« Cet événement historique reflète les progrès réalisés ces dernières années par la Somalie et est une autre avancée dans la formalisation de l’action diplomatique américaine à Mogadiscio depuis la reconnaissance du gouvernement fédéral somalien en 2013 », a souligné le département d’État. « Notre retour démontre l’engagement des États-Unis à faire progresser encore davantage la stabilité, la démocratie et le développement économique », a-t-il ajouté.
Cela étant, en particulier depuis années 2000, les États-Unis mènent régulièrement des actions militaires en Somalie, notamment contre des terroristes de la mouvance jihadiste impliqués dans des attentats ayant visé les intérêts américains. Puis, l’engagement de Washington s’est intensifié, avec l’envoi officieux [puis officiel] de conseillers militaires auprès des forces gouvernementales somaliennes. Et cela, afin de contrer les milices Shebab, liées à al-Qaïda.
Dans un premier temps, des frappes américains ont ciblé l’encadrement de l’organisation jihadiste. Ce qui a conduit à l’élimination de plusieurs chefs, dont le premier d’entre-eux, à savoir Ahmed Abdi Godane, impliqué dans l’enlèvement, en 2009, de deux agents de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE].
Seulement, si elles ont dû céder du terrain, cela n’a pas mis fin aux activités terroristes des milices Shebab, qui ont multiplié les attaques non seulement contre les autorités somaliennes mais aussi contre l’AMISOM, la force de l’Union africaine déployée en Somalie sous un mandat de l’ONU, voire contre la mission militaire de l’Union européenne.
Durant les derniers mois de l’administration Obama, les États-Unis ont lancé plusieurs raids contre des camps tenus par les milices Shebab. L’un d’eux, mené en mars 2016, fera plus de 150 tués dans leurs rangs. À l’époque, il s’agissait alors d’éviter la « contagion » jihadiste aux pays voisins.
L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche a coïncidé avec une intensification des frappes aériennes américaines contre les milices Shebabs. Ainsi, en 2017, plus de 30 ont été réalisées (soit deux fois plus que l’année précédente). Et, depuis le début 2018, les forces américaines ont conduit au moins 45 raids, dont 6 au cours du dernier week-end. Ces derniers auraient fait plus de 60 tués dans les rangs jihadistes.
Dans le détail, 4 frappes ont neutralisé 34 combattants des Shebab le 15 décembre et, le lendemain, deux en ont tué 28 autres. Elles ont eu lieu à Gadarshe, à une quarantaine de kilomètres au sud de Mogadiscio.
Selon l’US AFRICOM, le commandement militaire américain pour l’Afrique, ces frappes ont été menées « en étroite coordination avec le gouvernement somaliens » pour « empêcher les milices Shebab d’utiliser les zones isolées comme refuge » afin de recruter et de planifier de futures attaques. Aucune précision sur les moyens engagés n’a été donnée.
Un responsable du renseignement somalien a toutefois indiqué que ces frappes américaines ont visé des miliciens Shebab qui « préparaient une attaque majeure contre une base militaire du gouvernement somalien dans la région du Bas-Shabelle. » Elles ont « neutralisé une attaque imminente », a-t-il insisté. Elles ont atteint « un camp militaire et des véhicules à Gandarshe », a-t-il confié, sous le sceau de l’anonymat, à l’agence Associated Press.
Depuis septembre, les frappes américaines en Somalie ont tué près de 200 jihadistes somaliens, si l’on s’en tient aux communiqués officiels de l’US AFRICOM.
Par ailleurs, l’arrestation, le 13 décembre, de Mukhtar Robow, risque de compliquer une issue politique au conflit somalien. Co-fondateur des milices Shebab, ce vétéran de la mouvance jihadiste s’était repenti et avait déposé les armes, après s’être opposé à Godane, en 2013.
Inscrit sur la liste des personnalités pouvait porter atteinte à la sécurité des États-Unis, sa tête avait été mise à prix pour 5 millions de dollars. Sa reddition, en 2017, avait été vue comme un pas majeur vers la réconciliation dans ce pays ravagé par la guerre civile depuis près de 30 ans. Seulement, sa candidature aux prochaines élections régionales, avec le slogan « J’ai su créer les Shebab, je saurai comment les détruire », a été mal vue à Mogadiscio, où le gouvernement mise sur Abdiaziz Hassan Mohamed, l’actuel ministre fédéral de l’Énergie et de l’Eau.
« Les implications de cette arrestation sont énormes. Cela va complètement réduire à néant toute possibilité, pour les combattants Shebab, d’envisager de faire défection en faveur du gouvernement, ce qui aura des conséquences considérables pour les espoirs de paix en Somalie », a expliqué Hussein Sheikh-Ali, fondateur de l’Institut Hirral, basé à Mogadiscio, à France 24. « Il y a aussi un problème pour l’État de droit, quand on voit que le gouvernement enfreint de manière flagrante toutes les normes et les accords de la sphère politique somalienne », a-t-il ajouté.