Un improbable concours de circonstances est à la base de ce qu'on pourrait appeler l'affaire d'Aubonne (VD), avec notamment l'interpellation musclée d'un couple de musulmans, le samedi 24 juin. Retour sur ce week-end de folie durant lequel policiers lausannnois, police cantonale vaudoise et agents fédéraux ont procédé à l'arrestation de trois hommes qui étaient fortement soupçonnés de préparer des actes liés au terrorisme islamiste.
D'après nos investigations, un Serbe de 33 ans a semé le trouble le vendredi 23 juin dans un hôtel lausannois où il est placé depuis longtemps par les services sociaux. Cet homme psychologiquement fragile a cassé une baie vitrée de l'établissement. Quand la police est intervenue, le trublion en proie à des idées noires n'était plus sur place. Appréhendé plus tard, vers 19h30, l'individu soupçonné de radicalisation aurait alors tenu des propos décousus. «J'étais suivi par un agent secret et je lui ai jeté une pierre», aurait-il déclaré pour expliquer son geste. Sa chambre est perquisitionnée, son sac à dos fouillé. Les agents lausannois sont alors tombés sur une constellation plutôt inquiétante: bouteilles de pet remplies d'essence, carte de la ville de Lausanne, livre sur la guérilla urbaine, traces écrites de déplacements en Turquie et en Egypte, exemplaires du Coran etc. Au même moment, un Russe originaire de Tchétchénie s'inquiétait de ne pas voir le Serbe avec lequel il devait souper, à l'occasion de la rupture du jeûne musulman. Il l'a appelé avec insistance alors que le téléphone du Serbe était en possession de la police.
L'examen de l'appareil a montré également des échanges avec un Français de 28 ans, de formation universitaire, domicilié dans le canton de Vaud. Ce Salafiste avait été récemment signalé à la police par un stand de tir où il s'était présenté à deux reprises. Le samedi 24 juin, alors qu'il allait à la mosquée, il est arrêté par l'unité d'élite de la police vaudoise. «Mon client s'est rendu pour la première fois de sa vie au stand de tir avec des collègues suisses. Et il s'est servi du FASS 90 d'un d'entre eux. La combinaison Français, barbu et tirs a manifestement suffi à ce que tous les warnings s’allument», a commenté Me Aline Bonard, avocate du Français.
Le même jour, vers 16h30, l'ouvrier russe de 31 ans, qui avait essayé de joindre le Serbe, est arrêté au parking d'un complexe commercial d'Aubonne (VD) alors qu'il s'apprêtait à aller s'acheter des pantoufles, en compagnie de sa femme et de leurs deux enfants. «Rien dans le dossier ne justifiait une telle interpellation. Si mon client était d'une autre religion que l'islam, l'intervention se serait déroulée bien différemment. Sa famille et lui ont vécu des moments difficiles. Ils ont été associés à tort à des terroristes. Mon client est bien intégré et a eu un parcours irréprochable. Il aime la Suisse qu'il considère comme sa seconde patrie», a réagi Me Sébastien Thüler.
Même si l'enquête pour activités terroristes reste ouverte, le Russe et le Français ont été relâchés. Le Serbe, lui, est toujours en détention provisoire. Il devrait, selon nos informations, suivre une expertise psychiatrique ordonnée par la justice. Son avocat n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
TF121