Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 20 juillet 2017

Général de Villiers : « Je vaux ce que je veux! »




Le président Macron se veut être le « maître des horloges ». Mais avec la démission du général Pierre de Villiers, le chef d’état-major, qu’il devait rencontrer en tête en tête, le 21 juillet, pour prendre « ensemble » une décision sur l’avenir de ce dernier, le locataire de l’Élysée s’est fait surprendre.

Cela étant, à la lecture des différentes « Lettres à un jeune engagé », cette issue correspond parfaitement à l’état d’esprit du général de Villiers. Dans celle publiée le 7 juillet et ayant pour thème la suprise, le desormais ancien CEMA reprenait la devise du maréchal de Lattre (vendéen, comme lui) : « Ne pas subir! ». Un antidote « salutaire », expliquait-il » car « qui « ‘l’oublie s’expose ». Et d’ajouter : « Celui qui n’écoute que ses certitudes s’engage sur la pente funeste qui conduit à la défaite. Combien de chefs, grands et petits, se sont laissé aveugler par ce qu’ils tenaient pour des évidences. Ils se sont laissé surprendre sur le lieu, le moment ou les modalités ; et parfois les trois en même temps. »

Une autre « lettre à un jeune engagé », publiée deux semaines plus tôt, évoquait « la liberté d’action ». Á l’opposé de cette dernière, écrivait le général de Villiers, on « trouve la passivité et le fatalisme » qui, « l’un comme l’autre conduisent à la défaite. »

« Une chôse est sûr : seuls les poissons morts suivent, scrupuleusement, le sens du courant! », estimait-il dans cette lettre. « La liberté d’action, celle du contre-courant, est fille de volonté. Je suis libre d’agir à la condition, expresse et première, de l’avoir décidé. C’est la force du courage, de l’imagination et du caractère qui nous rend libres de décider et d’agir. A l’inverse, l’abîme de la défaite guette les moutons de Panurge », expliquait ensuite l’ex-CEMA.

Après avoir abordé le thème de la confiance dans son avant-dernière lettre, comme une réponse aux propos tenus par le président Macron à son égard lors de la réception donnée à l’Hôtel de Brienne avant le défilé du 14-Juillet, le général de Villiers a livré son ultime message dans le cadre de ses fonctions en évoquant le « départ ».

« L’heure du départ est arrivée, plus rapidement que prévu. Cela ne vous étonnera pas, vous dont l’imprévu est le pain quotidien », commence-t-il. « Depuis le premier jour, nous avons appris à avoir, avec nous, un sac prêt pour partir ‘au coup de sifflet bref’. Choisir d’être militaire, c’est accepter de ne plus s’appartenir, tout-à-fait », rappelle le général de Villiers.

« Nous appartenons à une patrie que nous aimons; nous sommes les héritiers d’une histoire qui nous a façonnés; nous sommes porteurs de convictions qui nous font avancer. Sortir de sa zone de confort, c’est s’exposer, mais c’est aussi se révéler ; à soi-même, pour commencer. ‘Je vaux ce que je veux!' », plaide le général de Villiers, en citant le poète et essayiste Paul Valéry (« Les esprits valent selon ce qu’ils exigent. – Je vaux ce que je veux »)



Quand périront des soldats français mal équipés, il devra rendre des comptes !

Dans sa quête pour affirmer son autorité, qui le mène d’une poignée de main théâtralisée avec Trump à des gros yeux faits à Poutine ou d’un road trip en pick-up sur les Champs-Élysées à un hélitreuillage sur les flots bleus, Macron a décidé de jouer du menton face au chef d’état-major des armées. Il fait reproche à ce dernier d’avoir protesté contre les coupes sombres qui risquent de s’abattre sur nos brigades et nos divisions. En réalité, le général de Villiers n’a pas fait de déclaration à la presse mais il était interrogé par une commission de l’Assemblée nationale.

Macron, sautant sur l’occasion de s’affirmer, a néanmoins fait savoir qu’il était le vrai et seul patron et qu’en cas de désaccord avec lui, Villiers n’avait plus qu’à remiser son képi. On est au bord de la crise de nerfs dans les casernes. Mais, au fait, Macron est-il légitime à se draper dans une toge de soldat suprême ?

Le président de la République est le chef des armées aux termes de l’article 15 de la Constitution. Mais il faut bien comprendre qu’il s’agit, dans l’esprit et même la lettre du texte fondamental, de veiller à éviter le pire à la nation. Garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités, le Président est le seul responsable politique à pouvoir donner l’ordre d’engagement des forces nucléaires.

Si l’on descend d’un cran, le Président définit certes les orientations et arrête les décisions en matière de défense au sein de conseils placés sous sa présidence. Mais c’est le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation. Pour cela, il dispose de l’administration et de la force armée (article 20 de la Constitution). Le Premier ministre est responsable de la Défense nationale (article 21). Il assure la mise en œuvre des mesures décidées en Conseil de Défense et de Sécurité nationale. Il s’appuie sur le secrétariat général de la Défense nationale (SGDN), qui s’est transformé en 2009 en un secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) aux missions élargies.

Le ministre de la Défense prépare et met en œuvre, quant à lui, la politique de défense dont il assume, avec le Premier ministre, la responsabilité devant le Parlement : organisation et entraînement des forces armées, recrutement et gestion du personnel, réalisation des armements, infrastructures. Il est assisté par des « grands subordonnés » : le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement, le secrétaire général pour l’administration, les chefs d’état-major de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air.
TF121