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jeudi 19 janvier 2017

Des traces d’un «djihadiste suisse» trouvées à Mossoul


L’armée irakienne aurait retrouvé une liste de combattants étrangers «problématiques» pour l’Etat islamique. Parmi eux, un Suisse de 23 ans.

Forces spéciales irakiennes en action à Mossoul


Son nom de guerre? Abu Wael al-Swissri. Le nom de ce «suisse» figure dans des documents qui viennent d’être saisis à Mossoul par les forces de sécurité irakiennes. Leur authenticité n’a pas encore été établie, mais il semble s’agir de l’extrait d’un registre dans lequel l’Etat islamique (EI ou Daech) répertoriait certains de ses membres, et plus particulièrement ceux qui ont été qualifiés de «déviants» par la police de l’organisation islamiste. Consommation d’alcool pour certains, recours à la prostitution pour d’autres… Selon ces documents, ce qui aurait posé problème avec le djihadiste suisse (âgé de 23 ans), c’est sa «réticence à se battre».

Des documents saisis au quartier général de l'Etat islamique

Après trois mois de combats, les forces d’élite irakiennes (soutenues par une coalition internationale) ont annoncé mercredi avoir repris l’ensemble de l’Est de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, aux mains de l’Etat islamique depuis deux ans. Dans leur progression, elles ont notamment reconquis l’université de Mossoul, dont Daech avait fait l’un de ses quartiers généraux. «C’est dans un bâtiment proche que les documents ont été trouvés», assure au Temps un interlocuteur qui les a eues sous les yeux.

Au-delà de sa date de naissance, et de son numéro d’identification au sein de Daech, il est fait mention du fait que «Abu Wael al-Swissri» est marié à une femme (d’autres combattants de son unité ont trois épouses…). «En tout, 15 combattants étrangers figurent sur cette liste, dont des Français, des Belges des Kosovars, des Egyptiens et des Saoudiens», assure la même source. Les noms sont aussi accompagnés d’un commentaire écrit en russe: «Tarik Bin Zyad, katiba (unité, ndlr) avec des problèmes.»

Des Russes à la tête des combattants

Sans se prononcer sur l’authenticité du document, Stéphane Mantoux, spécialiste de ce conflit explique: «Ces remarques en russe ne sont pas étonnantes. Ce sont des djihadistes venant de Tchétchénie ou d’autres régions du Caucase qui ont été placés à la tête de la résistance de Daech à Mossoul. Or, entre eux, ils communiquent en russe.»

Il semble avéré que les principaux responsables de Daech en Irak – y compris le «calife» Abou Bakr al-Baghdadi – ont tiré parti d’une faille dans le siège de Mossoul, longtemps laissée par les assaillants, pour rejoindre la Syrie voisine. Mais, alors que le siège s’est refermé depuis lors, Al-Baghdadi a enjoint les djihadistes à se battre jusqu’à la mort sur les rives du Tigre. Il a d’ailleurs été question récemment d’un renfort de combattants étrangers parvenus à Mossoul, principalement des Français. Abu Wael al-Swissri, lui, aurait demandé sans succès à être réexpédié en Syrie: ce qui fait croire aux observateurs qu’il aurait pu, entre-temps, être «convaincu» de mener une opération suicide contre l’armée irakienne ou, peut-être, exécuté purement et simplement par le commandement local tchétchène.

43 djihadistes suisses 

Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) recense 78 départs depuis la Suisse pour le djihad entre 2001 et décembre 2016, dont 64 ont été repérés en Syrie et en Irak. Parmi eux, 29 possèdent la nationalité suisse, 21 sont décédés, 14 sont de retour, ce qui signifie que 43 «voyageurs motivés par le djihad» partis de Suisse, comme les nomme le renseignement, se trouvent encore à ce jour dans les régions de conflit. En mai 2013, le SRC en dénombrait une vingtaine.

Luis Lema
Céline Zünd