Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 11 décembre 2016

Levée du secret-défense sur les attentats du 13 novembre : trop peu? trop tard?


C’est souvent par le biais d’affaires très médiatiques que les Français sont confrontés à la réalité du secret-défense. Souvenons-nous des « frégates de Taïwan », de l’affaire Clearstream ou bien encore de l’attentat de Karachi, en 2002. Autant d’événements qui, en leur temps, vinrent rappeler la cohabitation parfois difficile qui existe entre l’intérêt supérieur de l’État et la manifestation de la vérité.

Cette fois-ci, ce sont les attentats du 13 novembre 2015, à Paris et à Saint-Denis, qui s’invitent dans le débat. En effet, suite aux demandes des avocats des parties civiles et des magistrats chargés de l’instruction, la Commission consultative du secret de la défense nationale vient de donner son accord à la déclassification de 129 documents sur les centaines concernés par la procédure. Une fois de plus, le faible nombre des documents possiblement déclassifiés (il faut maintenant les accords des ministres de l’Intérieur et de la Défense) ainsi que la longueur du délai nécessaire à cette déclassification (plus de huit mois) font réagir les avocats des victimes.

À vrai dire, ces reproches ne sont pas récents. Depuis l’inscription dans un décret-loi, en 1939, de l’expression « secret de la Défense nationale », cette notion a maintes fois été renforcée, et encore ces dernières années pour ajouter les biens immobiliers à la liste des procédés, écrits, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers, déjà concernés par le secret-défense. Aujourd’hui, trois niveaux de protection se complètent afin d’assurer la préservation de nos intérêts nationaux. Il s’agit du « très secret-défense », du « secret-défense » et du « confidentiel-défense ».

Pour autant, dans le cadre de l’enquête sur les attentats de 2015 actuellement instruite par la justice, les mêmes sempiternelles questions restent posées.

Ainsi en est-il de la pertinence de la classification secret-défense de documents qui, certes, concernent la défense de notre pays. Mais cette classification, de par la lourdeur de la procédure, entrave le bon déroulement de l’action de la justice. Par ailleurs, la mise sous secret de certaines pièces pose toujours la question du « qu’aurait-on à cacher ? »

Même si des procédures de déclassification interviennent, une autre question se pose. Celle du temps indispensable à cette procédure. En matière judiciaire, le temps qui passe est l’ennemi des enquêteurs. Ne dit-on pas qu’une affaire se résout, ou pas, dans les tout premiers jours, voire les toutes premières heures qui suivent les faits. Ainsi, laisser passer plusieurs mois avant de permettre aux enquêteurs d’accéder à certaines pièces importantes hypothèque gravement la réussite des investigations. Enfin, le nombre de documents rendus accessibles après leur déclassification, en l’occurrence 129 sur plusieurs centaines, laisse planer un doute sur la portée et l’efficacité de la démarche.

Ignorant les contenus des documents qui devraient être consultables d’ici quelques jours par la justice, il est difficile de dire aujourd’hui s’ils seront d’une importance primordiale pour les investigations à venir. Permettront-ils de définir les responsabilités des protagonistes impliqués dans les attentats ?

Permettront-ils d’identifier les réseaux et les commanditaires ? Permettront-ils aux victimes, et à leurs familles, sur la base des informations révélées, de connaître enfin la vérité ? Rien n’est moins sûr. Une chose est cependant certaine : du temps aura été perdu.

Olivier Damien