Arrêté jeudi et inculpé pour participation aux activités d'un groupe terroriste et d'assassinats terroristes, Fayçal Cheffou n'est pas l'homme vu à l'aéroport de Bruxelles le matin des attentats. La police a rediffusé la vidéo pour identifier le «troisième homme». Des enquêtes sont menées tous azimuts, l'Etat belge est plongé dans la tourmente et un nouveau bilan fait état de 35 morts
Fayçal Cheffou, seul inculpé dans l'enquête sur les attentats de Bruxelles et initialement soupçonné d'être le troisième assaillant de l'aéroport, a été remis en liberté, annonce ce lundi le parquet fédéral belge.
«Les indices qui avaient entraîné l'arrestation du nommé Fayçal C. n'ont pas été confortés par l'évolution de l'instruction en cours. En conséquence, l'intéressé a été remis en liberté par le magistrat instructeur», explique le parquet dans un communiqué sans autre précision.
Les perquisitions se poursuivent à Bruxelles et la police est à la recherche d'au moins huit suspects.
Ce lundi, la police belge diffuse à nouveau la vidéo où on voit un homme poussant un chariot avec les djihadistes kamikazes. Elle est donc toujours à la recherche de l'identité de «l'homme au chapeau».
Le bilan s'est alourdi : les deux attentats du 22 mars ont fait 35 morts selon un nouveau bilan (et sans compter les trois djihadistes kamikazes) et plus de 300 blessés.
Liens entre Paris et Bruxelles
Les enquêteurs ont formellement aussi établi les liens entre les attentats en Belgique et à Paris le 13 novembre. Ils ont mis à jour une ramification européenne. Suite à l'enquête sur le projet d'attentat déjoué jeudi en France et l'arrestation du suspect Reda Kriket, un Français de 32 ans né en banlieue parisienne et domicilié dans le département du Val-de-Marne a été arrêté dimanche à Amsterdam.
La police affirme que l'homme a séjourné en Syrie et le soupçonne d'avoir été mandaté pour commettre un attentat en France, avec Reda Kriket. Trois autres suspects, dont deux hommes de 43 et 47 ans d'origine algérienne, ont également été interpellés à Rotterdam, où ont eu lieu plusieurs perquisitions.
A la demande du parquet belge, des perquisitions ont aussi été menées en Italie. Un algérien de 40 ans, Djamal Ouali, a été arrêté samedi. Il est soupçonné de fabrication de faux documents d'identité ayant été utilisés par certains terroristes des attentats de Paris et probablement aussi par Salah Abdeslam, un des logisticiens présumés des attentats de Paris.
Dysfonctionnements
Arrêté le 18 mars à Molenbeek au bout de quatre mois de cavale, ce dernier est toujours incarcéré à la prison de haute sécurité de Bruges. Il a demandé à se faire juger en France. La parquet de Paris a déjà demandé son extradition.
Alors que l'enquête, les perquisitions et les arrestations se poursuivent, la polémique enfle sur les dysfonctionnements des divers services belges. Samedi, les autorités municipales de Malines, une petite ville dans la province d'Anvers, ont reconnu détenir des informations sur Salah Abdeslam, mais ne les ont pas transmises à la police fédérale à Bruxelles.
Une autre controverse n'est pas close. Elle concerne les informations transmises par la Turquie à propos de Brahim el-Bakraoui, l'un des deux frères qui ont participé aux attentats de mardi dernier. Ankara avait arrêté le djihadiste près de la frontière syrienne et l'avait déporté, non sans avoir informé les autorités belges. A son arrivée au pays, il a à peine été inquiété.
Le ministre de l'Intérieur, Jan Jambon, a même offert sa démission suite à cette affaire jeudi. Elle a été refusée par le premier ministre. Mais voilà, le ministre a jeté de l'huile sur le feu en mettant le blâme sur un seul fonctionnaire belge. Le défaussement a fait l'objet de beaucoup de critiques durant le week-end. Une commission d'enquête fera toute la lumière sur ce dysfonctionnement.
Le métro n'a pas été arrêté
Le même ministre est au coeur d'une autre polémique. Des observateurs font remarquer que le service de métro aurait dû être mis à l'arrêt immédiatement après l'attentat à l'aéroport mardi matin à 8 heures. Ce qui aurait éviter le deuxième carnage.
Or il a continué de fonctionner jusqu'à 9h10, heure à laquelle la station de Malbeek a été attaquée. Jan Jambon a laissé entendre qu'il avait demandé à la Stib, la société des transport publics de Bruxelles, d'interrompre le service. Cette dernière dément.
Jamais deux sans trois, le ministre Jan Jambon est également pris en étau suite au défilé de manifestants d'extrême droite, dimanche sur la place de la Bourse devenue un lieu de recueillement en hommage aux victimes des deux attentats. Alors que quelque 500 hommes, femmes et enfants étaient sur les lieux, déposant des fleurs ou allumant des bougies, 350 crânes rasés sont arrivés et ont créé la panique sur la place, certains faisant le salut nazi et chantant : « On est chez nous, on est chez nous ». La tension a été vive et la police n'a pas réagi dans un premier temps. Le premier ministre Charles Michel a condamné hier le débordement alors que le maire socialiste de Bruxelles, Yvan Mayeur, rend le ministre de l'Intérieur responsable. Jan Jambon est issu des rangs de la N-VA, parti nationaliste belge.
Traumatisme national
La Belgique est clairement en train de vivre un traumatisme national après les attentats du 22 mars. De nombreux observateurs mettent le doigt sur les dysfonctionnements de l’État.
Dans une interview accordée lundi à Politico, journal en ligne, Christian Van Thillo qui est à la tête de De Persgroep, puissant groupe de presse au Benelux, affirme que les récents événements mettent en lumière la faiblesse de l’État belge. « La Belgique est un pays fantastique sur de nombreux points, dit-il. Mais son système politique ne fait plus de sens. Très complexe, divisé et peu fonctionnel, il a rendu ce pays de 11 millions d'habitants ingouvernable. »
Un Français arrêté à Rotterdam
Un citoyen Français de 32 ans, Anis B., a été appréhendé à Rotterdam par la police néerlandaise. Selon le parquet de Rotterdam, l’homme a été arrêté à la demande de la justice française et devrait être extradé rapidement. ll est soupçonné d’avoir été mandaté par l’organisation Etat islamique pour commettre un attentat en France avec Reda Kriket, qui a été arrêté le 24 mars à Argenteuil pour les mêmes faits.
Un mandat d’arrêt français
Anis B., a été retrouvé grâce à des documents découverts chez Reda Kriket. Citoyen français, il est né à Montreuil et est fortement soupçonné de s’être rendu en Syrie pour rejoindre l’organisation Etat islamique. Bernard Cazeneuve s’est félicité du travail de la DGSI et a remercié les autorités néerlandaises qui avait communiqué plus tôt sur le sujet.
« Les autorités françaises ont demandé vendredi l’arrestation de ce Français », qui est suspecté « de préparation d’un attentat terroriste », a indiqué le parquet néerlandais dans un communiqué. Les opérations de police se poursuivent dans le quartier de l’arrestation où plusieurs maisons ont été évacuées par mesure de sécurité. Des explosifs ont été retrouvés dans l’une d’elle.
Trois autres suspects
La police néerlandaise a par ailleurs arrêté trois autres suspects, dont deux hommes algériens de 43 et 47 ans. Aucun détail n’est encore connu sur la troisième personne interpellée, a souligné le parquet. Plusieurs maisons de ce quartier de Rotterdam, dans l’ouest du pays, ont été évacuées « par précaution », a ajouté la même source.
Pour rappel, Reda Kriket avait été arrêté à Argenteuil alors qu’il préparait un attentat sur le sol français. En perquisitionnant son domicile, les forces de l’ordre avaient mis la main sur de nombreuses armes, et plusieurs kilos d’explosifs, sans doute destinés à la fabrication d’une ou plusieurs bombes.
L'enquête révèle des ramifications européennes
L'enquête sur le projet d'attentat déjoué jeudi en France se poursuit et met à jour un réseau en Europe : après deux hommes inculpés en Belgique, un Français a été interpellé dimanche aux Pays-Bas, tous trois soupçonnés d'avoir été en lien avec le principal suspect, Reda Kriket. Cette affaire est distincte de l'enquête sur les attentats du 13 novembre à Paris et du 22 mars à Bruxelles, même si certains liens entre des protagonistes ont pu être établis.
Reda Kriket, ex-braqueur de 34 ans, a été arrêté jeudi à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). À la suite de cette interpellation, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait annoncé qu'un projet d'attentat "à un stade avancé" avait été déjoué, sans donner plus de précisions. Plusieurs fusils d'assaut, dont des kalachnikovs, et des explosifs avaient été découverts dans un appartement du Val-d'Oise. Sa garde à vue a été exceptionnellement prolongée au-delà de quatre jours, a annoncé lundi une source judiciaire. Cette prolongation, décidée par un juge spécialisé, ne peut intervenir qu'en cas de risque imminent d'une action terroriste ou pour des nécessités de coopération internationale.
LIRE aussi Qui est Reda Kriket, l'homme interpellé à Boulogne-Billancourt ?
Depuis, l'enquête progresse rapidement et s'étend à plusieurs pays européens. Dimanche, Anis B., un Français de 32 ans, né à Montreuil et domicilié dans le Val-de-Marne, a été interpellé à Rotterdam (Pays-Bas). Cet homme, qui a séjourné en Syrie, est soupçonné d'avoir été mandaté par l'organisation djihadiste État islamique (EI) pour commettre un attentat en France avec Reda Kriket, a indiqué une source policière. "Il a été arrêté à la suite d'un mandat d'arrêt européen délivré vendredi par les juges d'instruction français", selon une source judiciaire. Il sera livré à la France "sous peu" pour y être entendu, a indiqué de son côté le parquet néerlandais.
Trois autres suspects, dont deux hommes de 43 et 47 ans d'origine algérienne, ont également été interpellés à Rotterdam où ont eu lieu plusieurs perquisitions.
Le réseau Zerkani
L'enquête s'est aussi rapidement orientée vers la Belgique. Deux hommes, Abderamane A. et Rabah N., arrêtés vendredi dans le centre de Bruxelles, ont été inculpés pour "participation aux activités d'un groupe terroriste" et placés en détention provisoire. Né en 1977 en Algérie, Abderamane A., dont l'inculpation a été annoncée dimanche, est connu des services antiterroristes. Considéré comme "un volontaire djihadiste", il a été condamné en 2005 à sept ans de prison et à une interdiction définitive du territoire français, accusé d'avoir aidé deux militants tunisiens à assassiner le commandant Massoud en Afghanistan en 2001, deux jours avant les attentats meurtriers du réseau Al-Qaïda aux États-Unis.
Si cette affaire est distincte de l'enquête sur les attentats de Paris et Bruxelles, des relations ont toutefois pu être établies. Kriket avait été condamné par contumace l'an dernier en Belgique dans le procès d'une filière djihadiste vers la Syrie, dont l'un des principaux prévenus n'était autre que le Belge Abdelhamid Abaaoud, figure des djihadistes francophones de l'EI et un des organisateurs présumés des attentats parisiens. Cette filière était dirigée par un Bruxellois de 41 ans, Khalid Zerkani, le "plus grand recruteur de candidats au djihad" en Belgique, d'après les autorités belges.
Kriket avait écopé de dix ans de prison par défaut. L'enquête avait mis en lumière son rôle de financier de la filière Zerkani : il reversait une partie de ses braquages et activités de recel, au nom du principe musulman de la ghanima (le partage du butin de guerre). Kriket est toujours en garde à vue en France. Celle-ci peut durer jusqu'à lundi, voire mercredi en cas de menace d'attentat imminent ou pour des nécessités de coopération internationale. Dimanche soir, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, soulignant de nouveau le "contexte de menace très élevée" en France, s'est félicité dans un communiqué de "la coopération" avec les partenaires européens dans cette enquête.
Trois hommes ont été inculpés en Belgique pour "participation aux activités d'un groupe terroriste" après une opération menée dimanche dans plusieurs villes du pays, a indiqué lundi le parquet fédéral. Yassine A., Mohamed B. et Aboubaker O. ont été écroués, ajoute le parquet dans un communiqué, évoquant une "opération judiciaire antiterroriste", mais sans faire de lien avec les attentats meurtriers du 22 mars à Bruxelles. Une quatrième personne, qui était encore en garde à vue dans ce dossier, a été remise en liberté sans être inculpée.
Treize perquisitions avaient été menées dimanche par la police dans un "dossier de terrorisme" dont la teneur n'a pas été précisée, à Bruxelles et dans deux villes flamandes du nord du pays, Malines et Duffel. Neuf personnes avaient été emmenées pour audition au total, mais cinq d'entre elles avaient été libérées sans poursuites dès dimanche.
Ram Etwareea