dimanche 6 décembre 2015
Les groupes jihadistes se réorganisent dans la bande sahélo-saharienne et en Lybie
En 2012, l’on comptait au moins quatre groupes importants dans le nord du Mali, à savoir al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), dirigé par l’Algérien Abdelmalek Droukdel, les Signataires par le sang, de Mokhtar Belmokhtar, en délicatesse avec les responsables du premier, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et Ansar Dine, du Touareg indépendantiste Iyad Ag Ghaly.
Suite à l’opération française Serval, qui a chassé ces groupes des bastions qu’ils occupaient alors dans le nord du Mali, une partie du Mujao et les Signataires par le sang ont opéré un rapprochement pour créer une nouvelle organisation, appelée al-Mourabitoune tandis qu’AQMI a opté pour des attaques ponctuelles contre la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA), tout comme Ansar Dine.
Par ailleurs, al-Mourabitoune a été traversé par quelques tensions, une partie de cette organisation ayant exprimé, selon un de ses chefs, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, la volonté de faire allégeance à l’État islamique (EI ou Daesh) tandis qu’une autre, incarnée par Mokthar Belmokthar, a réaffirmé son allégeance à Ayman al-Zawahiri, le successeur d’Oussama ben Laden à la tête d’al-Qaïda « canal historique ».
Alors que l’opération Barkhane continue de mettre la pression sur ces groupes armés et qu’un accord a été signé par Bamako et les mouvements indépendantistes de l’Azawad (région du nord du Mali), al-Mourabitoune s’est rapproché d’AQMI, ces deux organisations ayant revendiqué conjointement, par la voix d’Abdelmalek Droukdel, la prise d’otages de l’hôtel Radisson Blu, à Bamako, le 20 novembre dernier (20 tués) dans un message diffusé le 4 décembre.
D’après Droukdel, l’attaque contre cet hôtel de la capitale malienne n’était pas seulement une action conjointe de circonstance car il a aussi annoncé le « ralliement des lions d’Al-Mourabitoune à l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) pour faire alliance contre la France croisée. »
« Cette alliance s’est concrétisée lorsque deux martyrs ont signé par le sang cette unité en attaquant l’hôtel Radisson en plein coeur de la capitale de l’ennemi à Bamako », a indiqué Droukdel, en évoquant la prise d’otages du 20 novembre.
De son côté, al-Mourabitoune a confirmé ce ralliement dans un enregistrement repéré par SITE, un centre américain qui surveille les activités jihadistes sur Internet. Pour ce groupe, ce rapprochement était nécessaire pour « unifier les rangs » jihadistes.
Ce rapprochement entre AQMI et al-Mourabitoune est sans doute la conséquence des coups portés dans la bande sahélo-saharienne par les forces françaises de l’opération Barkhane. Au cours de ces derniers mois, ces deux groupes, mis sous pression, ont perdu de nombreux cadres et leur logistique a été sérieusement amoindrie.
Par ailleurs, deux nouveaux groupes ont récemment fait leur apparition au Mali. Le premier, appelé katiba Khalid Ibn Walid, ou Ansar Dine Sud, est dirigé par Souleymane Keïta. Il mené quelques actions meutrières dans le sud du pays, notamment contre les localités de Fakola et de Misseni, en juin dernier. Le second est le Front de Libération du Macina (FLM), qui, plutôt implanté dans le centre et commandé par Amadou Koufa, a aussi revendiqué l’attaque contre l’hôtel Radisson Blu.
Comptant surtout des combattants d’origine peule dans leurs rangs, ces deux groupes auraient des liens étroits. Et cela d’autant plus qu’ils partagent un point commun : leurs chefs sont liés à Iyad Ag Ghaly, l’ »émir » d’Ansar Dine.
En effet, à la faveur du chaos libyen, l’État islamique a pris possession, depuis le printemps, de la région de Syrte. Il contrôle désormais l’aéroport, une large zone côtière et des installations pétrolières, appliquant en Libye la politique qui lui a réussi en Irak et en Syrie. Une grande partie de la population de la ville a fui. La terreur y règne : on surveille l’application stricte de la charia et on coupe des mains. En outre, Syrte devient le centre de ralliement, de recrutement, d’endoctrinement et d’entraînement des islamistes radicalisés: on y afflue du Yémen, de Tunisie, du Soudan, et, certainement, d’Europe. À n’en pas douter, les prochains terroristes qui frapperont en Europe viendront aussi de là.
Et l’Italie a annoncé mercredi la tenue d’une conférence internationale sur la Libye le 13 décembre à Rome, afin d’éviter la « désagrégation totale du pays et stopper l’avancée » de l’EI.
En effet, la Libye étant aux avant-postes pour les départs de migrants vers l’Europe via la Sicile et Lampedusa, il est plus que probable que des terroristes de Syrte parviendront à s’infiltrer, comme ceux du 13 novembre qui passèrent de Syrie en Grèce, dans le flot des migrants africains.
Mais ce n’est pas là le seul lien entre la babarie islamiste en Libye et la crise des migrants. Certains migrants qui débarquent sur les côtes italiennes y arrivent parfois avec du sang sur les mains, celui de migrants chrétiens qui, eux, ne verront jamais Lampedusa.
Tandis que les Africains noirs, migrants à 2 000 dollars, sont collés au moteur et à ses gaz suffocants. S’ils s’avisent de remonter, des hommes prennent les choses en mains, les poignardent et les jettent à la mer : à l’arrivée en Sicile, il manquait 140 migrants, tous chrétiens.