Le journaliste Roger Auque à son bureau de Bagdad, en septembre 2004. Crédits photo : MARINA PASSOS/AFP
L'ancien journaliste, diplomate et collaborateur des services secrets est décédé en septembre. Dans un ouvrage écrit peu avant sa mort, le père biologique de Marion Maréchal-Le Pen revient sur les secrets politiques et diplomatiques qui ont marqué sa vie.
Roger Auque aimait bien l'aventure, l'argent et les femmes. Cette réputation, qui l'a suivi pendant sa vie, se confirme à la lecture du livre Au service secret de la République publié mercredi chez Fayard. Ouvrage posthume entamé quelques mois avant une mort annoncée par une tumeur, ce «livre testament» revient sur la vie de ce journaliste devenu ambassadeur grâce à ses amitiés politiques, et dont le nom a gagné une notoriété nouvelle en 2013, lorsque L'Express révèle que Roger Auque est le père biologique de Marion Maréchal-Le Pen. Entre confessions et anecdotes, le livre lève le voile sur les secrets d'État et les amitiés politiques qui ont jalonné sa vie.
Otage au Liban
Le 13 janvier 1987, Roger Auque est enlevé à Beyrouth par le Hezbollah. Ses onze mois de détention dans la capitale libanaise sont évoqués dans un autre livre. L'ancien otage revient toutefois sur les conditions de sa libération. «Je le confirme, de l'argent, beaucoup d'argent a été remis en échange de notre libération», affirme Roger Auque, tout en soulignant que ce n'est pas la France mais «le Libyen Kadhafi» qui a payé. Cette transaction aurait permis le remboursement d'une dette à l'Iran par le biais d'une commission.
À sa libération, tout ce qui intéresse le journaliste est de «reprendre une vie normale». Mais Roger Auque ne digérera jamais vraiment ce traumatisme, sans pour autant en parler. «Trop souvent, je repense à ce geôlier cynique qui faisait claquer la culasse de sa kalach pour me faire peur.» Un peu plus loin, l'ancien otage s'interroge: «Suis-je réellement sorti un jour de ma détention libanaise? Ma prison est devenue intérieure.» Il avoue également sa «responsabilité» dans cet enlèvement, en n'ayant «pas quitté le pays à temps» et en ayant manqué de prudence.
Le père de Marion Maréchal-Le Pen
«Je suis bien le père biologique de Marion Maréchal-Le Pen.» La phrase est lâchée dès le début du chapitre consacrée à la petite-fille du fondateur du Front national. Roger Auque évoque là «le secret le plus intime de [sa] vie tumultueuse», confirmant pour la première fois cette place qu'il tient dans la famille Le Pen. Lorsque l'affaire éclate, il préfère l'ignorer, considérant que suivre sa fille sur le terrain judiciaire ne ferait qu'«alimenter la polémique». «Je ne pouvais cependant rédiger mes confessions en passant sous silence les dessous de ce qui est devenu “l'affaire Marion”», juge le journaliste.
Ce qu'il préfère définir simplement comme «une histoire d'amour entre un homme et une femme» débute par hasard, lors d'une soirée dans le IXe arrondissement parisien. Y sont présents Jean-Marie Le Pen et sa fille, Yann, la sœur de Marine. «Alors que Jean-Marie monopolise l'attention, je ne quitte pas Yann des yeux.» Les deux convives passeront la nuit ensemble et les quelques jours qui suivent, avant de se séparer. «Pour moi, cette histoire était terminée», avoue-t-il. Ce n'est que dix mois plus tard qu'il apprend l'existence de sa fille.
Tenu à l'écart par les Le Pen, Roger Auque ne verra plus Marion après le mariage de Yann Le Pen. Ce n'est qu'en 2002, durant l'entre-deux tours historique pour le parti frontiste, qu'il reprendra contact avec sa fille. «Depuis, nous n'avons jamais cessé de nous voir», explique celui qui se voit comme un «parrain» auprès de Marion. «Elle m'écoutait. Je pense être à l'origine de son lancement en politique», estime l'ex-journaliste, se souvenant qu'«à l'origine, elle n'était pas du tout d'extrême-droite». En septembre 2014, Marion Maréchal-Le Pen sera présente aux obsèques du journaliste en compagnie de sa mère.
Ambassadeur grâce à Sarkozy
Les amitiés politiques jalonnent l'ouvrage de Roger Auque. L'ancien journaliste devenu diplomate raconte notamment comment sa carrière d'ambassadeur en Érythrée a été lancée par Nicolas Sarkozy. En 2009, Roger Auque parvient à rencontrer le président d'alors, qu'il connaissait déjà, pour lui demander de l'aide dans le lancement de sa carrière politique: «Je lui ai demandé un coup de pouce pour les élections européennes.» Nicolas Sarkozy voit plus grand pour le journaliste. «Il faut que Roger soit ambassadeur», s'empresse-t-il d'exiger auprès de son conseiller, par téléphone. En quelques minutes, l'affaire est bouclée: «Tu seras ambassadeur», annonce le président en raccrochant.
Toute sa vie, Roger Auque saura faire marcher ses amitiés politiques. «Je l'avoue, j'ai été souvent poussé par des politiques dans ma vie professionnelle», concède ce «proche» d'Arnaud Montebourg, des Chirac, d'Alain Juppé ou encore de Michèle Alliot-Marie.
«Mercenaire» des services secrets
Roger Auque revient également sur «une part d'ombre», son choix de devenir «“mercenaire” des services secrets», principalement pour des raisons financières. «Mon initiation a débuté au cours de l'été 1989», précise-t-il, soit deux ans après sa libération. Il collabore d'abord avec le Mossad: «J'ai été rémunéré par les services secrets israéliens pour effectuer certaines missions, par exemple des opérations secrètes en Syrie, sous couvert de reportage», assure-t-il, n'étant «nullement gêné par cette révélation». Le journaliste a également offert ses services à la DGSE française, avant de devenir un objet d'intérêt pour la CIA, selon son récit. «J'étais vraiment au cœur de la mécanique des services secrets internationaux dans les affaires d'otages.» Roger Auque revient d'ailleurs sur certaines de ses précédentes affirmations: «Contrairement à ce que j'ai affirmé (...) j'ai directement participé aux négociations qui ont conduit à la libération des otages anglais et américains» Terry Anderson et Terry Waite.
Roger Auque retrace ainsi son parcours «plein de plaies et de bosses», comme il le dit à plusieurs reprises. Sa carrière diplomatique tournera court lorsqu'on lui diagnostique, fin 2011, une tumeur au cerveau. Le cancer ne disparaîtra jamais et finira par l'emporter trois ans plus tard. Trois années pendant lesquelles «la France m'a laissé tomber», juge-t-il, ayant le sentiment d'être passé «du statut d'ambassadeur à celui de “clochard”». Le livre se termine sur cette colère.