Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 5 février 2015

Le procureur Alberto Nisman envisageait d'arrêter la présidente d'Argentine


Un projet de mandat d'arrêt a été retrouvé dans la poubelle du magistrat, retrouvé mort le mois dernier dans des circonstances troubles.

Nouveau chapitre dans le roman noir qui tient l'Argentine en haleine depuis deux semaines. Le procureur Alberto Nisman, retrouvé mort le mois dernier dans des circonstances troubles, avait rédigé un mandat d'arrêt contre la présidente argentine, Cristina Kirchner. Il la soupçonnait de vouloir couvrir les auteurs du plus important attentat terroriste qu'ait connu le pays, commis en 1994 contre une mutuelle juive.

Le document de 26 pages a été découvert dans la poubelle de l'appartement du défunt procureur. Outre l'arrestation de la présidente, il y demandait celle du ministre des Affaires étrangères, Hector Timerman. Cristina Kirchner et son ministre, actuellement en Chine, n'ont fait aucun commentaire. La présidente a laissé son chef de cabinet, Jorge Capitanich, s'exprimer. Ce dernier, lors d'une conférence de presse en direct, a expliqué: «Tout cela ne sont que des mensonges. Il faut que le peuple argentin sache qui sont les menteurs.» Il s'est ensuite saisi des articles révélant le projet d'arrestation du procureur Nisman, avant de les déchirer, en direct, devant les caméras.




Dans un premier temps, la procureure chargée de l'enquête sur la mort de Nisman, Viviana Fein, avait nié l'existence des documents. Mais l'action du chef de cabinet a eu un tel retentissement dans les médias que le lendemain, elle est revenue sur ses propos, reconnaissant qu'ils avaient bien été retrouvés. Elle a expliqué que ce projet remontait à juin 2014, soit six mois avant que Nisman ne porte ses premières accusations à l'encontre de la présidente.

10 ans d'enquête

Ces dernières remontent au 12 janvier. Le procureur, qui a travaillé 10 ans sur le terrible attentat de 1994, qui a fait 85 morts et 300 blessés, expliquait avoir la preuve que la présidente a tenté de soustraire des suspects à la justice. L'enquête a longtemps soupçonné depuis les Iraniens, qui auraient souhaité punir l'Argentine pour avoir suspendu sa coopération nucléaire entre les deux pays. Cependant, les relations avec l'Iran changent avec l'arrivée de la présidente Kirchner. Nisman estimait qu'elle avait négocié l'impunité des auteurs de l'attentat contre des avantages commerciaux.

Nisman doit venir présenter sa thèse devant le Parlement, le dimanche 18 janvier. Il n'en aura jamais l'occasion: il est retrouvé mort dans sa salle de bain, avec une balle dans la tête, mais sans trace de poudre sur les mains. De quoi éloigner la thèse du suicide. D'autres éléments troublants sont depuis venus étayer la thèse d'une conspiration à son encontre. Le dernier en date est une vidéo montrant le retour du procureur dans son pays, peu avant qu'il ne fasse ses révélations contre la présidente: il apparait suivi dans ses déplacements et surveillé, sans qu'on sache par qui.

Une procédure incertaine

Le procureur n'avait pas le pouvoir de faire arrêter lui-même la présidente: sa requête s'adressait à un juge. La procédure aurait été cependant longue et incertaine. Il aurait fallu pour cela que l'immunité de la présidente soit levée par le Congrès, à la majorité des deux tiers. Or, les deux chambres sont contrôlées par le parti de la présidente, ce qui explique peut-être pourquoi le procureur n'a pas été au bout de son projet et a préféré plutôt la stratégie de révéler ses preuves publiquement.

Un sondage montre que 70% des Argentins estiment que la mort du procureur ne sera jamais élucidée.