Opération de sauvetage ou échange?
Interrogé par les journalistes sur la possibilité qu'il y ait eu un échange des otages contre des combattants de l'EI prisonniers, Recep Tayyip Erdogan a répondu: "Peu importe qu'il y ait eu un échange ou pas. Le plus important, c'est que (les otages) sont de retour et réunis à leurs familles". Samedi, à l'annonce de la libération de ces 46 otages enlevés en juin à Mossoul, dans le nord de l'Irak, Recep Tayyip Erdogan avait parlé d'une "opération de sauvetage secrète" des services turcs de renseignement. Les otages, des diplomates et leurs familles, ainsi que des membres des services secrets turcs, avaient été enlevés lorsque les combattants de l'EI s'étaient emparés de la ville en juin.
La Turquie, membre de l'Otan et l'un des principaux alliés de Washington dans la région, a refusé jusqu'à présent de participer aux combats contre les jihadistes de l'EI, ou même d'autoriser l'usage de ses bases aériennes pour des frappes contre le groupe jihadiste, donnant notamment pour raison de ce refus l'inquiétude quant au sort de ses ressortissants retenus en otages.
La Turquie a les mains libres contre Daech
Recep Tayyip Erdogan a indiqué dimanche que la Turquie pourrait changer d'avis au moins partiellement maintenant qu'ils ont été libérés. "Nous aurions pu dire oui lorsqu'on nous a demandé d'entrer dans la coalition (internationale contre l'EI), mais nous ne pouvions pas le faire à l'époque. Nous leur avons dit que nous ne pouvions rien faire tant que le sort des otages n'était pas réglé", a-t-il déclaré. "Nous avons dit que nous ne pouvons pas jouer de rôle dans la coalition, mais nous pouvons arriver à une feuille de route après des négociations intensives avec les membres de la coalition", a-t-il ajouté.
Recep Tayyip Erdogan a également indiqué qu'il avait discuté avec le président américain Barack Obama, lors du sommet de l'OTAN début septembre, de la possibilité de créer une "zone tampon" le long des frontières de la Turquie avec l'Irak et la Syrie. Il a ajouté qu'il aurait peut-être l'occasion de s'entretenir de ce sujet avec le vice-président américain Joe Biden à l'ONU.
L’affaire des otages
Selon le quotidien turc Hürriyet, les 49 otages turcs de l’Émirat islamique (dont le consul général de Mossoul et des soldats des Forces spéciales), qui viennent d’être libérés après 101 jours de détention, auraient été échangés contre des membres de l’Émirat islamique détenus par un autre groupe jihadistes en Syrie.
Cette version contredit celle du Parti communiste turc pour qui il n’y avait plus d’otages turcs depuis longtemps et cette affaire était une mise en scène de l’administration Erdoğan pour justifier sa position politique.
Elle ne correspond pas au fait que, par ailleurs, la Turquie et le Qatar ont proposé leur médiation entre le gouvernement libanais et l’Émirat islamique à propos des soldats et policiers libanais otages à Ersal. Lors d’une conférence de presse, le Premier ministre libanais Tammam Salam a publiquement remercié les deux pays qu’il considère comme « proches » (sic) de l’Émirat islamique.
Lors de la prise de Mossoul (Irak), l’Émirat islamique avait fait prisonniers le personnel du consulat turc et leurs familles, ainsi que les soldats chargés de leur protection. Par la suite, le gouvernement turc avait évoqué le sort de ses otages pour justifier sa non-intervention dans le conflit. Cette affaire n’est pas sans rappeler l’arrestation, le 4 juillet 2003, de 11 membres des forces spéciales turques par l’armée états-unienne à Souleimanieh (Irak). Il s’en était suivi un attentisme turc en Irak.
De tous ces éléments, on peut logiquement émettre l’hypothèse que l’Émirat islamique avait pris ces otages pour permettre à la Turquie de justifier sa non-intervention. Puis que les otages ont été restitués rapidement à la Turquie qui ne l’a pas annoncé. Enfin que la Turquie conserve les excellentes relations qu’elle avait avec l’Émirat islamique avant son invasion de l’Irak.