Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 13 août 2014

Ebola : le patient zéro serait un enfant de deux ans


Depuis décembre 2013, l'Afrique de l'Ouest est en proie à une épidémie de virus Ebola sans précédent. Ce 12 août, 1 013 personnes ont d'ores et déjà succombé à la maladie, selon l'OMS, dont plus de la moitié depuis le début de l'été 2014. À titre de comparaison, entre la découverte du virus au Zaïre (aujourd'hui République démocratique du Congo) en 1976 et la fin de l'année 2013, le virus n'a fait "que" 1 587 morts. Au rythme actuel de la propagation de l'épidémie, ce chiffre pourrait être atteint par l'épidémie actuelle avant l'automne prochain.

Dans de pareils cas, les médecins cherchent souvent à remonter la chaîne de contamination jusqu'au patient zéro, c'est-à-dire le premier individu infecté par l'agent pathogène, afin de mieux pister la maladie, voire de localiser et d'en détruire le foyer. En avril dernier, une équipe de chercheurs a réussi à identifier ce patient zéro, au terme d'un travail d'enquête méticuleux, dans une étude publiée par le New England Journal of Medicine.

Le patient zéro âgé de deux ans

Dans son travail d'investigation, l'équipe s'est principalement appuyée sur le recensement des malades, remontés au cas par cas, sur des témoignages et sur les résultats d'analyses de sang effectuées en laboratoire. Leur conclusion est la suivante : la première infection reconnue a touché un petit garçon de deux ans (sujet 1, S1) habitant le village de Méliandou, dans la préfecture de Guéckédou, au sud-est de la Guinée. Au sein de ce village, le petit garçon, qui est décédé le 6 décembre 2013, aurait ensuite contaminé, directement ou indirectement, sa soeur de trois ans (S2), leur mère (S3) et leur grand-mère (S4), qui toutes ont fini par succomber. La soeur (S7) de cette grand-mère a, elle aussi, été contaminée et a propagé le virus dans un autre village.

Puis vint le tour d'une infirmière (S5) et de la sage-femme (S6) du village, le 2 février. Cette dernière, hospitalisée à Guéckédou, a transmis le virus à un proche vivant dans un troisième village. Un employé de l'hôpital, également infecté, va transmettre le virus à un autre médecin d'un hôpital voisin, qui contamine trois membres de sa famille. Ainsi dispersé, le virus entame sa propagation à travers la région, puis dans tout le pays, jusqu'à devenir incontrôlable. Fin mars, Le Liberia et la Sierra Leone voisins sont touchés. Tandis que le Sénégal ferme puis rouvre ses frontières terrestres avec la Guinée, le Nigeria est à son tour atteint en août, lors de la seconde flambée épidémique.

Les traditions font obstacle aux efforts des médecins

Ces premiers cas illustrent les difficultés auxquelles sont confrontées les autorités sanitaires présentes sur place. La première est un manque cruel de mesures d'hygiène qui fait que même le corps médical est contaminé par ses patients, voire par ses propres collègues. Le cas des médecins de Guéckédou l'illustre particulièrement. La période d'incubation du virus laisse plusieurs jours à l'individu infecté pour transmettre la maladie avant de présenter les premiers symptômes. La sensibilisation croissante, bien que tardive, ainsi que l'arrivée de matériel médical en provenance de la communauté internationale et des ONG devraient en partie remédier à cette première difficulté.

Le second problème est fréquemment pointé par les autorités. Il s'agit de l'attachement aux traditions, en particulier mortuaires. L'enterrement, qui passe par un nettoyage du corps par les membres de la famille du défunt, est une source majeure de contamination. C'est probablement ainsi que les membres de la famille du jeune garçon se sont transmis la maladie. Les services de santé se heurtent fréquemment aux résistances des populations rurales. Bernice Dahn, la vice-ministre libérienne de la Santé, affirmait ainsi en juillet dernier que, dans les zones où les croyances traditionnelles restent très ancrées, "les gens ne veulent même pas croire que le virus Ebola existe".

Bastien Roques