La communauté internationale tente depuis des années de dénucléariser la Corée du Nord, mais elle se retrouve une nouvelle fois désarmée face aux avancées de Pyongyang ces douze derniers mois.
De récentes images satellite suggèrent une accélération du programme nucléaire nord-coréen.
«Pyongyang avance sur tous les fronts nucléaires», estime Siegfried Hecker, un scientifique américain expert sur le programme nord-coréen: doublement des capacités d'enrichissement de l'uranium sur le site de Yongbyon en août, redémarrage du réacteur à plutonium en septembre et, le mois dernier, préparations pour un nouvel essai.
Depuis son arrivée au pouvoir après la mort de son père fin 2011, le jeune Kim Jong-Un a présidé au lancement réussi d'une fusée longue portée (décembre 2012) et à un troisième essai nucléaire (février 2013), probablement le plus important des trois effectués jusqu'à présent.
«La dénucléarisation doit rester l'objectif, mais un objectif plus lointain au regard de ces nouveaux développements», écrit Siegfried Hecker dans le «Bulletin des scientifiques nucléaires».
Stratégies divergentes
Tout le monde s'accorde sur les avancées de Pyongyang en matière de nucléaire, mais les stratégies divergent sur la façon d'y mettre un terme, avec toujours la même question: faut-il, ou non, négocier?
La Corée du Nord et la Chine, son voisin communiste et seul allié de poids, veulent une reprise des pourparlers à six, négociations entre les deux Corée, la Chine, la Russie, les Etats-Unis et le Japon, qui visent à convaincre Pyongyang de renoncer à son programme nucléaire en échange d'une aide, énergétique notamment. Ces discussions sont au point mort depuis décembre 2008.
Pour Washington et Séoul, Pyongyang doit d'abord faire preuve de sa volonté de dénucléarisation. Le Nord a maintes fois répété qu'il n'abandonnerait pas son programme.
«Il n'existe actuellement aucun mécanisme diplomatique qui offre des perspectives de freiner ou d'arrêter le programme d'armes de destruction massive», déclare Evans Revere, un ancien haut responsable du département d'Etat, dans un article publié par le centre d'études Brookings Institution. «La route vers de nouvelles avancées dans ce programme est totalement dégagée et la Corée du Nord roule dessus», ajoute-t-il.
Volonté de Pyongyang
Reprendre les négociations avec Pyongyang sans que ce dernier ne montre une volonté de ralentir ses activités revient à accepter que le Nord devienne une puissance nucléaire, estiment ceux qui refusent un dialogue en l'état actuel des choses.
Un retour aux négociations «autoriserait la Corée du Nord à avoir rebattu les cartes de manière à vider de son sens l'objectif d'un désarmement nucléaire», affirme Paul Haenle, ancien représentant des Etats-Unis aux pourparlers à six.
Le dialogue avec Pyongyang avait toutefois au moins pour mérite de ralentir le programme nord-coréen, note l'expert, aujourd'hui directeur du centre d'études Carnegie-Tsinghua à Pékin. Depuis décembre 2008, la Corée du Nord semble en effet avoir accéléré ses activités nucléaires.
La communauté internationale a renforcé ses sanctions, mais malgré une coopération plus active de la part de Pékin, Pyongyang n'en est toujours pas réduit à choisir entre le nucléaire et la survie économique.
A part une soudaine implosion de ce régime communiste et dynastique, Evans Revere estime que négocier, au plus haut niveau, est la seule option disponible. «Si le but est de convaincre la Corée du Nord de mettre en oeuvre ses engagements, alors il faut dialoguer directement avec le dirigeant ou son cercle le plus proche», selon lui.
Kim Jong-Un, un mystère
Près de deux ans après son arrivée au pouvoir, Kim Jong-Un reste un mystère aux yeux de l'étranger. Les experts s'accordent toutefois à dire qu'il a réussi à traverser la délicate période de transition du pouvoir.
Il n'est pas un réformiste, contrairement à ce qu'espéraient les chancelleries il y a deux ans. Pour Andrei Lankov, expert sur la Corée du Nord, Kim Jong-Un devra cependant prendre des risques, bien plus que son père Kim Jong-Il, s'il veut rester au pouvoir.
Kim Jong-Il avait plus de cinquante ans lorsqu'il a succédé à son propre père, Kim Il-sung, mort en 1994. L'économie était déjà en piètre état, mais Kim Jong-Il n'a pas souhaité entreprendre de vastes réformes, qui auraient pu déstabiliser le régime. Il a préféré parier sur une survie du système, au moins jusqu'à son décès, selon M. Lankov, professeur à l'université Kookmin à Séoul.
Mais le jeune Kim Jong-Un - âgé d'environ 30 ans - va devoir introduire des réformes s'il veut rester en place jusqu'à sa vieillesse, sous peine d'un véritable effondrement de l'économie, ajoute le professeur.
Or «le régime nord-coréen estime que les armes nucléaires sont importantes précisément parce que les réformes font courir des risques pour la stabilité» de ce régime, soulignait-il lors d'une conférence récente à Séoul.