Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 28 octobre 2013

Libye - La poudrière nucléaire du capitaine Arifi


Dans le désert libyen, le chef de guerre est à la tête d'une armée hétéroclite... et de l'arsenal nucléaire de Kadhafi. Un héritage convoité par al-Qaida.

On savait déjà que la Libye, après la chute de Kadhafi, était un dangereux réservoir de djihadistes, on a découvert récemment qu'elle avait aussi un arsenal de missiles sol-air et d'uranium prêt à être enrichi, et qu'al-Qaida était prête à y faire son marché. 6 400 barils de "yellow cake" (de l'uranium faiblement enrichi) et au moins 4 000 missiles sol-air se trouvent en effet dans le désert libyen, dans des hangars mal gardés, à la merci de n'importe quel coup de main de terroristes un peu décidés. C'est la constatation faite, il y a plusieurs mois déjà, par des inspecteurs des Nations unies enquêtant sur ce qu'il restait des stocks d'armes de l'armée du colonel Kadhafi. Promesse avait alors été faite de mettre ce danger potentiel sous solide protection internationale. Promesse qui n'a toujours pas été suivie d'effet.

Sollicité par al-Qaida 

Le "yellow cake" faisait partie de l'ambitieux programme nucléaire que Kadhafi cherchait à mettre en place au temps de sa splendeur. La constitution de ce stock, acheté sans doute au Niger voisin, était un premier pas vers la fabrication d'une bombe. Mais il n'était apparemment pas encore passé à la phase de l'enrichissement, beaucoup plus complexe puisqu'il s'agit, grâce à des centrifugeuses très performantes, de faire passer de l'uranium enrichi à 0,77 % à du combustible de nature militaire, enrichi à 90 %. Sous la pression de la communauté internationale et en particulier de la France, le dictateur libyen avait même fini, en échange d'une respectabilité retrouvée, par s'engager à ne pas poursuivre son programme nucléaire militaire. George Bush avait cependant dû mettre en garde Kadhafi, soupçonné d'avoir des velléités de vendre son stock à l'Iran ou à l'Irak.

Après sa chute, les barils de "yellow cake" sont donc restés où ils étaient entreposés : dans la ville de Sabha, dans le désert du Sud libyen, sous la garde d'un improbable chef de guerre commandant une armée hétéroclite de 2 000 hommes, dont les journalistes britanniques qui sont allés là-bas récemment disent qu'elle serait bien incapable de résister à une attaque un peu sérieuse. Le danger est que le capitaine Arifi, qui a la responsabilité de cet arsenal et dont il semble qu'il ait fait ses classes d'officier dans la contrebande plutôt que dans une école militaire, reconnaît volontiers que les responsables d'al-Qaida n'arrêtent pas de le solliciter pour acheter ses barils d'uranium et ses armes. Leur dernière offre était d'un million de dollars, les acheteurs se chargeant même d'emporter leur chargement grâce à des avions qui atterriraient dans le désert.

"Bombe sale"

On voit facilement l'utilisation que des terroristes peuvent faire des 4 000 missiles sol-air, la plupart de type Sam 7, qu'ils récupéreraient dans les hangars du capitaine Arifi. Dans un premier temps, infliger des pertes à l'aviation militaire syrienne, puisque nombre de djihadistes ont rejoint les rebelles qui combattent Bachar el-Assad. Mais, par la suite, rien ne dit qu'ils n'utiliseraient pas ces engins qui se guident sur la chaleur des réacteurs contre des appareils civils des "pays croisés", comme ils disent.

Quant au "yellow cake", si, dans son état présent, il ne peut provoquer de déflagration nucléaire, il pourrait, aux mains de terroristes décidés à porter le djihad dans une grande ville occidentale, être utilisé comme une bombe sale. Un engin qui répandrait des radiations potentiellement mortelles dans un endroit confiné, comme le métro, ou dans des réseaux d'alimentation en eau. Bref, on se demande ce que les Nations unies attendent pour prendre le contrôle de l'arsenal que le capitaine Arifi a eu jusqu'à présent la grande sagesse de refuser de vendre au plus offrant.

Michel Colomès