Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 15 mars 2013

Crash du Rio-Paris, la fatigue des pilotes a été cachée


Le Point.fr a pu consulter le rapport d'enquête judiciaire. Il apporte un nouvel éclairage sur l'accident qui avait fait 228 victimes en juin 2009.

Les pilotes aux commandes de l'Airbus A330 manquaient-ils de sommeil le 1er juin 2009 pour aborder sereinement la nuit de veille entre Rio de Janeiro et Paris ? Cela serait une explication face au comportement totalement hors norme de l'équipage du vol AF447. On sait que celui-ci n'a pas apporté la réponse attendue à une panne d'indicateur de vitesse liée à la défaillance des sondes Pitot. L'équipage de conduite s'est trouvé complètement déstabilisé. En schématisant, certaines actions sur les commandes étaient à l'inverse de celles prescrites et apprises dans une telle situation.

Remis par les experts judiciaires l'été dernier aux juges d'instruction Zimmerman et Daurelle du tribunal de grande instance de Paris, le rapport judiciaire n'avait pas été communiqué intégralement aux familles des victimes. Faute de traductions, il avait seulement été consulté par leurs avocats. Le Point a pu se procurer ce document. L'analyse de l'accident ne diffère pas fondamentalement de celle contenue dans le rapport technique du BEA également publié l'an dernier. Sauf sur un point, la fatigue.

Seulement une heure de sommeil avant le vol

Les experts judiciaires, chargés d'éclairer les magistrats sur les responsabilités des prévenus, ont ajouté cet aspect que les enquêteurs du BEA avaient occulté, considérant qu'il s'agissait de la vie privée. En conséquence, il n'y avait pas eu d'enquête sur l'activité et le repos pris par les pilotes, accompagnés par leurs épouses ou compagnes, lors de l'escale de Rio. Le milieu aéronautique s'en était étonné et même le Syndicat national des pilotes de ligne attire, ces derniers temps par des communications ou des journées d'action, l'attention des autorités sur la fatigue des navigants.

"Cette nuit, j'ai pas assez dormi. Une heure, c'était pas assez tout à l'heure", grommelle le commandant de bord du vol AF447 à 1 h 4 mn 19 cette nuit du 1er juin. Cette transcription de l'enregistreur de vol dédié aux voix et aux bruits (CVR) est reproduite mot à mot dans le document des experts judiciaires. Les rapporteurs y ajoutent d'ailleurs des commentaires et soulignent que "pendant les 23 premières minutes d'enregistrement, le silence domine au sein de l'équipage avec les communications radio du contrôle de Recife en arrière-plan, l'attention est relâchée au point d'écouter de la musique". Puis "alors que la charge de travail est faible et que la fatigue se fait sentir, l'équipage remplit les obligations de la préparation de la traversée de la zone ETOPS sans dynamisme" quand il faut analyser l'état des aérodromes de déroutement en cas de panne. On se souvient que le commandant de bord, parti se reposer, avait mis plus d'une minute trente pour regagner le cockpit depuis l'espace de repos adjacent, quand l'alarme de décrochage avait retenti.

Tout rapport judiciaire doit répondre aux questions du juge sur les causes de l'accident et l'éclairer. Les experts judiciaires ont donc ajouté, aux autres éléments déjà donnés par le BEA, l'item "4.3. Fatigue maximale dans phase basse du cycle circadien". Expertises et contre-expertises de la défense et des parties civiles ne manqueront pas d'infirmer ou de confirmer ce premier rapport judiciaire qui réveille l'enquête sur le crash de l'AF447.

Thierry Vigoureux