mercredi 6 mars 2013
Affaires Merah : les lettres qui prédisaient sa vengeance
"Dès sa sortie de prison, j'ai vu qu'il avait arrêté la délinquance et qu'il était passé à la doctrine salafiste", affirme Abdelghani Merah.
"À ma sortie de prison, je saurai précisément ce qu'il me restera à faire", écrivait Mohamed Merah en 2009, trois ans avant ses meurtres, à son frère Abdelkader, témoin de sa radicalisation, dans des lettres où il implorait Allah de l'aider à se venger des "mécréants". Ces lettres de prison, trouvées par les enquêteurs au domicile d'Abdelkader, révèlent aussi qu'à cette époque le tueur à scooter est lié à des responsables salafistes, dont ceux de la filière Artigat qui recrutait des candidats djihadistes vers l'Irak.
Abdelkader Merah, incarcéré à Fresnes et seul mis en examen dans l'affaire, a toujours soutenu s'être brouillé de longue date avec Mohamed et avoir seulement renoué avec lui une semaine avant sa mort, dans l'assaut du Raid le 22 mars. Et, selon lui, Mohamed s'était converti seul à l'islam en prison. Les lettres de celui qui signe "ton petit frère" témoignent au contraire d'une intimité ancienne avec Abdelkader, qui va le voir à la prison de Toulouse, gérant même les cartes de permis de visite.
Radicalisation de Merah
C'est aussi à lui que Mohamed s'adresse pour faire la demande de passeport qui lui permettra d'aller en Afghanistan et au Pakistan, et pour lui faire parvenir 51 CD et des livres sur la religion ainsi que des photos de La Mecque. Dans une lettre du 3 février 2009, Merah fait les louanges d'Allah "maître de l'univers" et écrit que sa foi sort renforcée de ce séjour en prison. Surtout, il "souhaite plus que tout qu'Allah (le) venge des kouffars (mécréants)" et prévient qu'à sa sortie il saura très précisément ce qu'il lui restera à faire.
Sa lettre "révèle le processus de radicalisation de Mohamed Merah en prison" et "le profond sentiment d'injustice de l'intéressé suite à sa condamnation à 37 mois ferme pour défaut de permis de conduire et vol de sac à main", note un enquêteur. Merah reproche aussi à ses "frères en Allah" de ne pas soutenir dans son épreuve "leur frère en galère". Dans un autre courrier, du 8 avril, il s'inquiète du sort d'un de ses "frères" religieux. "Il pourrait s'agir du Toulousain Fabien Clain alias Omar", note l'enquêteur. En juillet 2009, ce dernier est condamné à Paris, avec 7 membres du groupe d'Artigat. Également arrêté, Abdelkader Merah avait, lui, été relâché.
Abdelkader, responsable de l'islamisation de Mohamed
Selon Abdelghani Merah, l'aîné de la fratrie en rupture familiale, c'est Abdelkader, devenu salafiste après un séjour en Égypte en 2006, qui est à l'origine de l'islamisation de Mohamed en prison. "Dès sa sortie de prison, j'ai vu qu'il avait arrêté la délinquance et qu'il était passé à la doctrine salafiste. Mon frère est pour quelque chose dans cela", a dit Abdelghani aux enquêteurs. Il accuse également Olivier Corel, chef de file de la filière Artigat, d'avoir été "au courant de tous les faits et gestes de Mohamed" et d'avoir été "au courant des intentions" de ce dernier. Selon lui, c'est d'ailleurs Olivier Corel qui a marié Mohamed selon le rite salafiste.
Les liens de Merah avec Fabien Clain sont confirmés par le secrétaire général de SNP-FO. En septembre 2009, alors que Merah vient de sortir de réclusion, les services de la prison avaient intercepté une lettre de ce dernier à Mohamed Merah, raconte Jimmy Delliste dans un documentaire diffusé mercredi sur France 3. La lettre avait été remise, selon lui, à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), mise à l'index depuis le début de l'enquête pour ses défaillances. À la suite de plaintes d'une famille de victimes contre la DCRI, le parquet de Paris a récemment ouvert une enquête.