Trois personnes, dont le chef des renseignements de la police libanaise, ont été tuées et près d'une centaine blessées vendredi dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth. L'attaque fait redouter l'extension du conflit syrien dans le pays.
L'attentat a visé le chef des renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI) du Liban, le général Wissam al-Hassan, un musulman sunnite proche de Saad Hariri, chef de l'opposition libanaise opposée au régime de Damas. Il était pressenti pour prendre la tête des FSI à la fin de l'année.
Les renseignements des FSI avaient joué un rôle majeur dans l'arrestation le 9 août de l'ex-ministre libanais Michel Samaha, un partisan du régime syrien, dans le cadre d'une affaire d'explosifs saisis qui devaient être notamment placés dans le nord du Liban.
La puissante explosion de vendredi, la première du genre dans la région de Beyrouth depuis 2008, ravive l'inquiétude d'un débordement du conflit syrien, qui divise les Libanais. La Syrie, qui a souvent été pointée du doigt dans des assassinats entre 2005 et 2008 au Liban, a immédiatement réagi en condamnant un attentat «lâche» et «terroriste».
«Le sol a tremblé sous nos pieds»
L'attaque s'est produite dans le quartier chrétien d'Achrafieh, dans le secteur est de la capitale. Selon l'Agence nationale d'information (ANI), l'explosion a eu lieu à une heure de pointe, 14h00, à 200 mètres d'un bureau des Kataëb (Phalanges), parti chrétien de l'opposition libanaise.
Un photographe de l'AFP a vu deux immeubles dévastés. Un immeuble était en feu et les volontaires de la Croix-Rouge faisaient sortir des blessés, le visage ou le corps ensanglanté. Des passants sous le choc étaient en pleurs.
Des balcons étaient à moitié effondrés. Dans les rues, des carcasses de voitures calcinées étaient visibles et des vitres brisées jonchaient le sol. Des pompiers et des membres de la défense civile entraient dans les immeubles à la recherche des victimes.
«Nous avons entendu une puissante explosion. Nous avons senti le sol trembler sous nos pieds», a expliqué Roland, 19 ans, alors que des passants étaient pris de panique au milieu des débris.
Près de la place Sassine, des parents des employés de la Banque européenne du Moyen-Orient (BEMO), dont les vitres ont été soufflées, tentaient d'avoir des nouvelles de leurs enfants. Non loin, une jeune femme de 25 ans sous le choc s'écriait «Maman, maman», en recherchant dans les décombres.
Pour beaucoup de rescapés, l'attentat ramène à l'esprit les années noires de la guerre civile (1975-1990). «Ca me ramène 30 ans en arrière, à l'époque des attentats piégés», a affirmé un médecin à l'hôpital Hôtel-Dieu. Le dernier attentat dans la région de Beyrouth remonte à janvier 2008, lorsqu'un officier des renseignements libanais, le capitaine Wissam Eid, avait été assassiné dans une attaque à la voiture piégée.
«Il se savait visé»
Un leader de l'opposition, Samir Geagea, a affirmé à la presse que le général Hassan se «déplaçait avec des mesures de sécurité exceptionnelles». «Il avait installé sa femme et ses enfants à Paris car il se savait visé», a-t-il ajouté.
L'intervention des renseignements des FSI a été prépondérante dans la recherche des responsables des attentats et assassinats qui ont visé des personnalités politiques dans les années 2000, notamment celui en 2005 de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, père de Saad.
La classe politique, divisée entre partisans et adversaires du régime syrien, a condamné à l'unanimité l'attentat, tout en évitant de formuler des accusations. «Le régime syrien n'est pas étranger à ce genre d'explosions, c'est un attentat politique par excellence», a toutefois indiqué le député Nadim Gemayel, membre de l'opposition libanaise hostile à Damas.